Récemment un maître d’hôtel m’annonçait une morue, quand j’y voyais un cabillaud. J’ai donc fait la recherche et il apparaît que, dans la cuisine européenne, le « cabillaud » désigne plutôt le poisson frais ou surgelé, tandis que la « morue » est le poisson séché et salé.
En réalité, les noms « morue » ou « cabillaud » sont des noms vernaculaires pour désigner des poissons de plusieurs espèces, de l’ordre des Gadiformes, lequel comporte plusieurs sous-ordres, dont les Gadidés. Beaucoup d’espèces avaient été mises pêle-mêle dans le genre Gadus, mais les études de génétiques ont permis de mettre de l’ordre. Aujourd’hui, on ne reconnaît plus que trois espèces dans le genre Gadus : la morue de l’Atlantique, la morue du Pacifique et la morue du Groenland. D’autres espèces de poisson sont dans d’autres genres que Gadus : les morue de l’Arctique, de l’est de la Sibérie, boréale, polaire, de roche, pélagique, à petite tête , têtard, Eucla, à tête plate.
Avec tout cela, on comprend que les dictionnaires soient bien imprécis quand ils se limitent à dire que les morues seraient des « poissons de la famille des Gadidés, qui vivent dans les mers froides en bancs très nombreux ».
D’ailleurs, ces dictionnaires évoquent plutôt l’usage. Et l’usage est de parler de « cabillaud » pour désigner de la « morue fraîche ou franche », et plutôt de morue pour désigner les poissons salés ou séchés, ajoutant que l’on donne souvent, aussi, le nom de merluche à la morue sèche et à la morue salée. La morue « blanche » serait séchée rapidement et salée ; la morue « noire » serait séchée, et la morue verte serait simplement salée et non séchée.

Et en cuisine ? Dans son Dictionnaire universel de cuisine pratique, Joseph Favre dit du cabillaud que c’est « un des poissons avec lequel on fait la morue ». Et il parle bien de cabillaud pour désigner la « morue fraîche ». Logiquement, il donne à « morue » la définition suivante : « Nom que l’on a donné à l’aiglefin et au cabillaud salés. »
Et l’aiglefin, que certains confondent parfois avec la morue ? Son nom s’écrit aussi bien aiglefin, églefin ou èglefin, et c’est le poisson dont le nom latin est Melanogrammus aeglefinus ; il est aussi nommé communément ou ânon, habillot, eaux, bourricot. Et le nom de « haddock » ne désigne que le produit fumé, et souvent coloré au rocou. Et on évitera d’écrire « aigrefin », parce que cela désigne un escroc, pas un poisson.
En tout cas, la réglementation a bien raison de proposer que les noms scientifiques, binomiaux (deux mots latins) soient utilisés par le commerce. Pour la cuisine, afin d’éviter les cacophonies, il serait préférable que l’on garde les mots cabillaud ou églefin pour les poissons frais, et morue ou haddock pour des produits transformés, séchés, salés, fumés…
Hervé This