Franck et Roland Barthel ©cookandshoot

Au bon pichet, Paul Bocuse et Paul Haeberlin aimaient s’y attabler !

À quelques pas de la bibliothèque Humaniste, les cuisiniers irréductibles comblent de saveurs authentiques les habitués de la winstub de caractère. Ces aubergistes ont du cœur ! Le Bon Pichet à Sélestat tenu par la famille Barthel vient de décrocher un Bib Gourmand dans le guide Michelin 2019.

La winstub a vu s’attabler les plus grands chefs cuisiniers, qui y avaient leurs habitudes et leurs plats préférés. Ainsi, Franck Barthel prépare les pieds de porc désossés et farcis comme les aimaient Paul Haeberlin. Paul Bocuse passait par l’entrée des artistes (la cuisine) pour se régaler d’une tarte à l’oignon et d’un baeckeoffe. « Il n’y a qu’une cuisine, c’est la bonne », s’exclamait le pape de la Gastronomie qui nous a quitté l’an dernier.

La salle d’Au Bon Pichet à Sélestat ©cookandshoot

Cela fait 4 générations que la famille Barthel cuisine avec générosité et savoir-faire. L’endroit est très accueillant avec ses boiseries, son côté Heimlich et sa magnifique Stammtisch à la droite de l’entrée.

Les Pieds de Porc comme les aimait Paul Haeberlin

« Quand j’ai fait mon apprentissage à l’Auberge de l’Ill, je travaillais avec Monsieur Paul Haeberlin », se souvient Franck Barthel. « J’en garde de fabuleux souvenirs ». Le lundi il m’emmenait déjeuner avec lui pour me faire évoluer et par la suite, il venait au Bon Pichet presque tous les mardis. Parfois, il venait accompagné de Pierre Troisgros, Jean Joho, Georges Blanc ou encore de Paul Bocuse. C’était toujours un événement. Monsieur Bocuse aimait nous regarder travailler en cuisine. Les deux « empereurs », chacun dans leur expertise, mon père boucher-charcutier et Paul Bocuse cuisinier, avaient de grandes discussions. « Quand papa avait sa boucherie à Huttenheim, il fournissait de nombreux chefs en carcasses et a tissé des liens de respect avec eux ».

Les pieds de porc comme les aimait Paul Haeberlin ©cookandshoot

En effet, Roland Barthel a tenu sa boucherie pendant 25 ans, éprouvant l’évolution des métiers, cuisinant pour la partie traiteur, avant de reprendre le restaurant familial en 1990, qui se nommait à l’époque Le Lion Rouge (le lion étant l’emblème de la ville de Sélestat). C’est Lucie la grand-mère qui l’avait ouvert en 1950. D’ailleurs, sur la magnifique façade du Bon Pichet, peinte par Edgar Mahler, il y a l’historique de la famille, avec un clin d’œil au Lion Rouge.

Une cuisine de bonne bouche !

L’ADN des Barthel, c’est la cuisine généreuse, celle de « bonnes bouches », celle du bon gras, celle du jambon cuit 14h ou 15h sans phosphate, celle du pâté paysan, la fameuse recette familiale à base de foie de boeuf et de gorge de porc, dont les épices utilisées demeurent un secret encore bien gardé. Sans oublier les cervelas de bœuf maison, en provenance d’animaux choyés par leurs éleveurs. « Je connaissais un fermier bovin », raconte Roland Barthel, « qui à Noël offrait des céréales à ses bêtes. J’en étais ému, il leur faisait un cadeau. Aujourd’hui je suis un vieux routier, vous pourriez penser que je radote », dit-il en souriant, « mais hier, comme aujourd’hui le plus important avant d’acheter une bête, c’est de savoir ce que l’animal a mangé », prévient-il. Et soyez certains qu’au Bon Pichet, les pièces bouchères sont rigoureusement sélectionnées, souvent sur pieds. « Papa a toujours cherché les viandes les plus chères, car il avait le souci de contribuer au bien-vivre des producteurs ».

Frank Barthel en cuisine ©cookandshoot

À l’affiche des best-sellers, on savoure une fois par mois le « Mac Barth’ », entendez le burger maison avec un remarquable filet de bœuf, et une escalope de foie gras poêlée. Les pieds de porc désossés et farcis, comme les aimait Paul Haeberlin ont dû être retirés de la carte, car le chef ne parvenait plus à suivre le rythme des commandes, jusqu’à 70 par semaine. Ils sont aujourd’hui proposés en suggestion. Mais l’énoncé d’un jarret de porc fumé, d’une belle choucroute « juive » avec de la poitrine de bœuf, ou encore les quenelles de sandre à la sauce matelote, font saliver le plus exigeant des gourmets.

« Aujourd’hui quand je vois une pièce de bœuf, je m’interroge immédiatement sur le mode de cuisson qui sera le plus adapté », précise Franck Barthel. « Si le morceau est filandreux, il sera cuit en basse température (24-26 heures). J’imagine aussi le laisser confire au four avec du pinot noir, de l’ail et des fines herbes, mais je choisirai la cuisson et la recette en fonction du morceau et de sa qualité », souligne le chef toujours au service des produits soucieux de magnifier les saveurs de l’Alsace authentique et gourmande.

Par Sandrine Kauffer-Binz

aubonpichet.fr