A la Faubonne 

Parfois, pour certains termes de cuisine, ces billets ont du mal à conclure, parce que les sources sont incohérentes, ou insuffisantes, mais, heureusement, il y a des cas où la recherche est plus simple. Par exemple, j’avais trouvé dans le Dictionnaire universel de cuisine pratique de Joseph Favre (fin du 18e siècle) un « potage à la Faubonne », que l’on obtenait en trempant des haricots blancs, puis en les faisant cuire avec des oignons, des carottes et un bouquet garni. Le bouillon de haricots était ajouté à de l’oseille tombée au beurre, avant d’ajouter un coeur de laitue ciselée et de lier avec jaunes d’oeufs et crème (plus sel, poivre, croûtons).

Coup de chance : le Guide culinaire, vers la même époque, évoque le même type de recette, quoi que moins précisément. Mais peut-on trouver l’origine du potage dans un document plus ancien ? La consultation des livres de cuisine le fait apparaître régulièrement, et la plus ancienne mention figure-à ma connaissance à ce jour- dans La Suite des Dons de Comus, livre publié par François Marin en 1742. Et voici la recette :

« Foncez une casserole d’un bon morceau de tranche, la moitié d’un gigot, vieille perdrix à fumet & une poule. Faites prendre couleur, & mouillez avec le général. Mettez dans une marmite & faites bouillir doucement. Mettez-y aussi un litron de pois dans une serviette. A moitié cuit, mettez-y toutes les racines ci-après bien blanchies : carottes, panais, navets, racines de persil & la mignonette, comme au potage aux choux. Quand le tout est bien cuit, retirez les pois, pilez-les, faites en une purée légère, passez ensuite dans une casserole des filets d’oseille, de laitue, poireaux & cellery. Mouillez avec le bouillon de l’oille, & faites cuire le tout dans une grande marmite. mettez-y la purée, faites cuire une heure & mitonnez; servez doux & chaud. »

Et voilà qui est clair et simple, n’est-ce pas ? Bien sûr, au fil du temps, la cuisine bourgeoise a un peu limité les ingrédients, supprimant la perdrix, le panais, mais l’idée des pois qui font le potage demeure… sans confondre les pois et les fèves, par exemple. Mais c’est là une autre histoire, pour une autre fois.

Par Hervé This