Décidément, les dictionnaires modernes sont bien insuffisants, quand il s’agit de cuisine. Par exemple, le dictionnaire pourtant remarquable, nommé Trésor de la langue française informatisé dit des « relevés » qu’il s’agissait de plats servis entre le potage et les entrées.
En réalité, pour comprendre l’idée des relevés, il faut revenir à la notion de « service ». Le service à la française consistait à dresser les tables de manière très codifiée, avec une répartition particulière des mets, des fruits, des fleurs. Un rôti, par exemple, y était déposé entier, avant de repartir pour être découpé, et l’on considérait comme très vulgaire le service où les pièces « sont découpées à l’avance et qu’il est bien difficile dès lors de faire figurer sur table. »
En 1856, dans La Cuisine classique, Urbain Dubois et Émile Bernard donnent une première définition détaillée des services à la française et à la russe, avec de nombreux exemples de menus servis à la française, à la russe ou à l’anglaise (le service à l’anglaise est un entre-deux : toute la nourriture est placée sur la table en services successifs, et y est découpée).
Et les relevés ?
Lisant l’auteur qui signa seulement L.S.R. et que l’on ne connaît pas, on comprend que le service à la française ne permettait pas de tout placer sur la table. Il fallait, à certains moments, retirer des plats, et les remplacer : cela se désignait par le mot « relever ». Un relevé était un plat qui venait « relever » un autre plat, qui le suivait. Le terme concernait surtout les entrées, qui étaient des « relevés de potages » puisque ces derniers étaient premiers. Un menu classique comprenait : hors d’œuvre, potage, relevé de potage, poisson, relevé de poisson, rôt, relevé de rôt, entremets, desserts. Par exemple, une garniture d’un rôti était un relevé de rôt.
N’est-ce pas une bonne chose, que la table ne soit jamais vide ?
Par Hervé This


