On m’interroge sur les préparations « à la florentine », et comme je n’ai pas des idées très assurées, je préfère une bonne recherche historique. Partant des livres actuels (dont j’observe qu’aucun ne donne de référence sérieuse de ce qu’il prétend, manuels d’enseignement compris), le premier de ceux que consulte est le Précis de cuisine familiale, produit par Edouard Nignon en 1935. Nignon était un très bel artiste culinaire, amoureux des mots et des mets… et il nous donne des « gnocchis à la florentine » :
- – on cuit de la semoule ou du riz dans du lait,
- – puis on lie avec des jaunes d’oeufs,
- – on étale l’appareil dans un plat mouillé et l’on fait refroidir,
- – puis on taille des gnocchis à l’emporte-pièce rond de 5 cm. de diamètre,
- – on range en couronne dans un plat beurré et on parsème de « gruyère ou parmesan râpé »,
- -on arrose de beurre fondu et on fait gratiner au four ;
- – on finit en déposant au centre du plat une sauce tomate épaisse, ou des tomates concassées cuites au beurre, ou de la sauce béchamel.
Ici, manifestement, c’est le parmesan et la tomate qui font la référence à la ville de Florence.
Dans des « gnocchis au gratin Florentine », il y a cette fois un lit d’épinards, du beurre, et par dessus des disques de gnocchis de semoule, le tout nappé de de sauce Mornay, saupoudré de parmesan et gratiné.
Avant lui, il y a le Guide culinaire, qui sert trop souvent de référence alors qu’il n’a pas les qualités qui lui permettraient cela : il n’est ni juste historiquement, ni référencé. Mais, pour une fois, il a le mérite de la cohérence, puisque, dans la garniture à la florentine, il évoque des épinards étuvés au beurre et de la sauce Mornay, laquelle contient du fromage ; il aurait fallu ajouter que ce fromage doit être du parmesan… à cela près que Parme n’est pas Florence ! Dans des barquettes de laitance à la florentine, encore des épinards au beeurre, de la sauce Mornay, et cette fois du parmesan, explicitement. Idem pour des huîtres à la florentine, idem pour des œufs à la florentine.
Mais on voit que l’expression à la florentine s’est réduit de moitié. Regardons Joseph Favre, dont le Dictionnaire universel de cuisine pratique est contemporain. Cette fois, on trouve une « bombe à la florentine », qui est faite d’une glace à la framboise, avec crème fouettée et crème pralinée : Florence est réputée pour ses glaces, n’est-ce pas ?
Mais on trouve aussi les « gnoquis » à la florentine que nus avons déjà vus, et avec la même recette, à cela près que les gnocchis peuvent en forme de coeur. Et, en variation de ces gnocchis, on trouve des « alouettes à florentine », où l’on retrouve la polenta et le parmesan :
- – on verse la farine dans l’eau et l’on cuit, avant d’ajouter le parmesan,
- – on fonce un plat de cette polenta,
- – on farcit des aloutettes et on les fait sauter,
- – on ajoute glace de gibier, champignons, des quenelles
- – puis on organise le plat avec polenta et alouettes, éventuellement couvertes de farce. .
Ce n’est pas tout ! Il y a aussi des fonds d’artichauts à la florentine, et là, c’est encore légitime puisque l’Italie fait grand usage des fonds d’artichauts. D’ailleurs, on trouve aussi le parmesan dans le plat :
- – on braise des fonds d’artichaut
- – on émince truffes et champignons, avant de les ajouter à une sauce allemande condimentée de muscade et très peu de poivre de cayenne,
- – on ajoute le parmesan râpé,
- – on farcit les fonds d’artichauts et on les fait gratiner.
Remontons dans le temps, jusqu’à Urbain Dubois, élève de Carême, dont se réclame le Guide culinaire. Cette fois, on ne trouve qu’un « Risot à la Florentine », qui est en réalité ce que nous nommons aujourd’hui un risotto, et qui contient du parmesan râpé.
Puis, en remontant encore : rien chez Jules Gouffé, rien chez André Viard, rien chez Nicolas de Bonnefons, rien chez Pierre François la Varenne.
Que conclure, finalement ?
Que la préparation avec épinards et sauce Mornay semble légitime, notamment sur des œufs, mais que l’on aurait bien tort de se limiter à cela pour parler des préparation à la florentine : les épinards, les artichauts, le parmesan gratiné, la sauce Mornay, le risotto, les artichauts font des florentines salées, mais on n’oubliera pas les glaces ou les cocktails.
Hervé This