A la Condé

Pour le potage à la Dubarry, ou pour le potage à la Crécy, cela semble clair : des choux-fleurs dans le premier, des carottes dans le second. Mais « à la Condé ? Pour Joseph Favre, « les cuisiniers des princes de Condé ont fait à leurs maîtres tous les honneurs qu’ils pouvaient mériter en perpétuant leur souvenir par des mets de premier choix, mais il eût été plus juste que ces mets portassent le nom du non moins grand Vatel, cuisinier du grand Condé, pour lequel il est mort ».

Le « grand Condé » ? Il s’agit de Louis II de Bourbon-Condé, d’abord désigné par le titre de duc d’Enghien, né le à Paris en 1602, et mort le à Fontainebleau en 1661. C’était un cousin de Louis XIV, et un de ses généraux.

François Vatel, , lui, avait pour vrai nom Fritz Karl Watel. Il était né le à Tournai, en Belgique, d’une famille suisse, et il était pâtissier-traiteur, intendant et maître d’hôtel , d’abord au service de Nicolas Fouquet, surintendant des Finances, avant d’arriver chez le Grand Condé. Il est passé à la postérité en tant qu’organisateur de fêtes et de festins d’exception au château de Vaux-le-Vicomte, puis au château de Chantilly durant le règne de Louis XIV. Il se suicida lors de la grande fête organisée en présence du roi par le prince de Condé en l’honneur de la fin des travaux du château de Chantilly en avril 1671, parce que sa commande de poisson (pour plusieurs centaines de personnes) pour le repas du vendredi 24, jour maigre, n’était pas arrivée à l’heure prévue. Malgré cet événement, ces fêtes marquent la complète réconciliation entre le roi et le prince de Condé.

Les préparations « à la Condé » ?

J’ai d’abord trouvé des truites à la Condé : ouvertes, désarêtées, avec farce de poisson truffée, roulées dans du papier beurre et salé, cuites ainsi en papillottes et servies avec une sauce faite d’essence de poisson, Champagne, sauce surpême dans une couronnes de riz ou de macaroni.

Quel rapport avec le « filet de boeuf à la Condé » ? Il est piqué, braisé, accompagné d’un ragoût de lapereau au vin blanc sec, dans lequel on a ajouté des fines herbes hachées et des pointes d’asperges. Pas grand-chose à voir. Et pas de rapport non plus avec le « potage à la Condé », que l’on fait à partir d’un appareil mirepoix et haricots rouges cuits avec du bouillon, avant de passer le tout au tamis, d’ajouter du vin rouge, de la demi-glace, du piment, d’ajouter du consommé à la purée obtenue. On sert avec des croûtons.

C’est dans les desserts que l’on trouve des parentés, entre les abricots à la Condé, le gâteau à la Condé, tartelettes à la Condé, bâtons à la Condé, corbeille à la Condé.

Ainsi, pour des « abricots à la Condé » : on fend les abricots en deux pour en retirer les noyaux, on les cuit en compote. D’autre part, on met sur le feu de la crème, du sucre, du sel, une gousse de vanille et on fait bouillir; on ajoute de la farine de maïs et l’on cuit pour en faire une pâte ferme. On couvercle la casserole et l’on fait cuire pendant vingt minutes dans un four doux. Le maïs étant cuit, on en retire un tiers, auquel on incorpore des jaunes d’œufs . Puis, avec cette pâte, on forme des croquettes de la grosseur de petits oeufs de poule, que l’on aplatit avec la lame d’un couteau à une épaisseur de 2 centimètres. On pane les croquettes à la mie de pain blanc, on détend le restant de pâte de maïs avec la crème restée pour en faire un appareil, on fait frire les croquettes et on les sucre chaudes. Enfin, on dresse au fond du plat une couronne de marmelade d’abricots ferme, sur laquelle on met deux rangées d’abricots ; on dresse, en chevauchant, les croquettes autour de la couronne, on emplit avec l’on sert l’appareil et servir chaud.

Est-ce la « véritable » recette ?

Car j’en ai trouvé une autre, qui propose de cuire les abricots en compote, et, d’autre part, de cuivre la crème et di riz salé et sucré. Lorsque le tout est cuit, on met le riz en couronnes dans des moules que l’on renverse sur des plats ronds; on garnit la partie superficielle de ces couronnes de riz, d’un turban d’abricots, de cerises rouges, d’amandes, de raisins de Malaga, d’angéliquc, et on remplit le puits de marmelade d’abricots. On fait chauffer le sirop avec l’eau de noyau, on verse sur la carbeill et on sert chaud. La seule parenté, ce sont les abricots

Le « gâteau à la Condé », lui, n’a rien à voir, puisque c’est un gâteau d’amandes que l’on cuit après avoir couché dessus un « appareil à Condé » qui se fait à partir de sucre et amandes, œufs entiers, vanille, rhum, marasquin . Il s’apparente toutefois aux « tartelettes d’abricots à la Condé », avec des tartelettes d’abricot couverts d’un appareil à la Condé. Idem pour les « bâtons à la Condé », préparés avec des rognures de pâte brisée ou une bande de feuilletage, sur laquelle on étend l’appareil à la Condé.

Enfin je trouve une « corbeille de riz à la Condé », où l’on retrouve le riz cuit avec le sucre, la vanille et le lait. Cela sera servi avec un compote de pommes, et nappé de sirop. On oscille ainsi entre le riz et les abricots, sans bien savoir.

Hervé This