Emmanuel Macron : “La nourriture est bien une affaire d’Etat !”

Mercredi 27 septembre 2017, en marge du Bocuse d’or France, L’Elysée a été le théâtre d’un fabuleux déjeuner, où 180 chefs de cuisine et artisans des métiers de la gastronomie, ont été invités par Oliver Ginon et Jérôme Bocuse.

Le président de la République, M. Emmanuel MACRON a saisi l’opportunité d’être entouré par d’éminents professionnels pour mettre en exergue le rayonnement de la gastronomie française à travers le monde, son attractivité touristique et donc économique, valorisant Guillaume Gomez l’un des Meilleurs Ambassadeurs de la gastronomie française, des opérations telles Good France, ou encore le lancement des Etats Généraux de l’Alimentation

 


” Le déjeuner d’aujourd’hui prouve à ceux qui n’étaient pas encore convaincus que la nourriture est bien une affaire d’Etat” débute Emmanuel Macron, le président de la république Française. “Certaines et certains ont pu le vivre ces dernières semaines ou ces derniers mois, à chaque fois que j’ai des échanges avec des homologues étrangers qui viennent en France, j’ai à cœur de mettre en avant la gastronomie française et c’est attendu, c’est souhaité”. Les liens entre les grands chefs et le pouvoir politique parfois étaient complexes, je ne veux pas ici revenir sur l’histoire cruelle de VATEL ou de quelques autres, mais ce fut aussi des histoires magnifiques de réussite en commun.
Et la France est attendue pour sa gastronomie, et elle rayonne par sa gastronomie et ce que les étoilés justement représentent lorsqu’ils accueillent le monde dans notre pays ou lorsqu’ils essaiment le savoir français par delà nos frontières. Et à cet égard, vous l’avez remercié, mais à juste titre, Guillaume GOMEZ, parmi vous, porte ces couleurs, qui à chaque dîner d’Etat et nous étions encore avant-hier soir avec le président du Liban et ses invités, permet justement de faire rayonner ici la cuisine et les talents français.


L'invitation officielle

L’invitation officielle
Notre pays a donc cela en lui, ses capacités, ses savoir-faire, ses talents et il nous appartient de leur donner une juste place. C’est pourquoi votre place aujourd’hui était bien ici et cela continuera. Cette juste place, c’est d’abord de reconnaitre ce que vous représentez dans le savoir-faire français, son rayonnement, sa capacité d’attractivité.

Un premier sursaut à ce titre était incarné avec le lancement en 2015 de Good France.
1.000 restaurants étrangers et toutes les ambassades ont servi partout dans le monde un repas d’inspiration française avec un service à la française auquel nous tenons beaucoup dans cette maison.

Et cet évènement a eu un retentissement international qui nous a déjà replacés sur le devant de la scène à un moment où des critiques nous attaquaient, on disait que la France était bousculée, et on avait peut-être cédé au goût des autres. Il ne faut jamais chercher à ressembler aux autres pour leur ressembler, il faut s’inspirer du meilleur mais, pour poursuivre cela.

Et nous sommes, je pense, parmi les seuls pays à pouvoir faire une telle démonstration. C’est pourquoi je vous propose de nous fixer à cet égard, l’objectif de 10.000 restaurants participants en 2022, avec le soutien des 200 résidences de France à l’étranger, un plan d’action Good France sera présenté par Jean-Yves LE DRIAN, le 10 octobre 2017 lors du conseil de pilotage du tourisme, à l’instar de ce qui a pu être fait autour de la French Tech pour témoigner de cette ambition forte pour la cuisine française, tant en France qu’à l’étranger.


Le commerce est une affaire de femmes et d’hommes, l’économie aussi, c’est une science humaine et morale, ceux qui pensent que cela se réduit au chiffre se trompent. Et derrière cela il y a à chaque fois des émotions et des histoires de femmes et d’hommes, à ce titre vous êtes indispensable. Et donc il n’y a pas de grande diplomatie, il n’y a pas de grands rayonnements économiques, s’il n’y a pas derrière celles et ceux qui savent susciter ces émotions et porter un autre visage du pays, la gastronomie française en fait partie.

Le deuxième défi dans lequel je souhaite que vous soyez pleinement embarqué, c’est celui de l’alimentation. Nous avons lancé il y a quelques semaines, les Etats Généraux de l’Alimentation avec plusieurs ambitions, parce qu’une seule ne suffit jamais, on ne fait pas bouger les gens avec un seul objectif. Non, des ambitions multiples, celles que nos agriculteurs, avec lesquels vous travaillez au quotidien, celles et ceux qui vous fournissent vos produits, puissent vivre dignement du prix payé et de leur travail. Et donc revoir l’équilibre de nombre de filières, permettre que la transformation puisse se faire au maximum en France avec nos savoir-faire et permettre que cette alimentation soit sûre, au goût et cohérente avec notre ambition écologique et environnementale.

C’est une transformation profonde qu’il y a derrière cela, c’est rompre avec une fascination pour le low cost, c’est rompre avec une espèce de facilité qui est l’homogénéité croissante des coûts ou des pratiques, c’est retrouver là aussi des savoir- faire, des gestes, des origines, des appellations, les faire-valoir. Travailler avec le terroir pour retrouver des prix raisonnables avec la qualité et réussir à reconstruire partout sur nos territoires les équilibres économiques qui nous donneront à la fois la capacité là aussi de préserver ces filières, d’attirer de nouveaux talents et d’être souverain en sens plein du terme, parce que pouvant choisir ce que nous mangeons.

Aussi votre rôle dans ces Etats Généraux de l’Alimentation est à mes yeux décisif parce que vous en êtes, comme je le disais pour la diplomatie de l’extérieur et de notre rayonnement, des ambassadeurs vibrants sur nos territoires. Vous êtes, celles et ceux, qui permettez de donner une chance à un produit, un producteur, un agriculteur, un transformateur qui à un moment donné, prend des risques, décide d’œuvrer pour la qualité parce que vous allez l’attirer sous la lumière ou un peu de votre lumière.


Enfin vous êtes des artisans et j’aime ce mot parce qu’il a des harmoniques proches de celui d’artisteset c’est vrai pour ce qui vous concerne, mais parce que vous faites, vous transformez, nous allons le voir aujourd’hui et je veux remercier en cela le Bocuse d’Or, remercier notre ami, Monsieur GINON qui vient ici de faire vos présentations à tous, Anne-Sophie PIC, président d’honneur du Bocuse d’Or France 2017, Régis MARCON, président du concours, Guy SAVOY qui signe le déjeuner, Yannick ALLENO, Dominique CRENN, Claire HEITZLER, qui apportent leur talent à la réalisation du déjeuner sans oublier bien sûr, Alain DUCASSE et Joël ROBUCHON, les deux chefs les plus étoilé du monde et Jérôme BOCUSE, président du Bocuse d’Or.

Mais derrière ces noms, il y a vous toutes et tous parce qu’en me déplaçant sur notre territoire, j’ai parfois un peu croisé vos vies ou votre quotidien de manière fugace, mais je n’oublie jamais. Alors il y a d’abord une géographie parce que notre République elle n’existe pas sans ces territoires et vous êtes les territoires rassemblés mais, il y a surtout des journées qui commencent tôt et qui finissent tard, la volonté de perfectionner un geste jusqu’à l’extrême, la volonté de le transmettre et de le passer aux plus jeunes pour que cela dure, que cela vous dépasse, la fatigue qui n’existe pas, l’exigence qui fait que d’une récompense, on va à l’autre et que, quand bien même on est au sommet, on continue à guetter des sourires, les signes de satisfaction et qu’on vit dans l’angoisse d’être un peu moins parfait. Mais je n’ignore rien de tout cela et je sais que c’est votre quotidien. Il est d’une exigence extrême mais vous êtes des artistes. Et le pays a besoin de cette exigence et de la reconnaître, c’est pour ça que vous êtes là, mais parce que vous êtes un exemple pour les plus jeunes, rien ne se fait sans l’effort, rien n’existe sans le mérite, rien ne se conquièrent, sans ces petits matins rien et ne les regrettez jamais, même les jours difficiles, ne les regrettez jamais, c’est ce qui nous fait. Mais vous êtes aussi un exemple parce que chez tous nos jeunes, il y a un avenir dans tous les métiers et vous êtes une profession, un art, un savoir-faire qui montre que lorsqu’on a la passion, on peut trouver sa place de la pâtisserie à la cuisine, au service en passant par tous les métiers qui vous sont liés et je vois encore le visage de nos argentiers ici ou de toutes celles et ceux qui font le service et que je veux remercier pour leur dévouement. Je sais leur passion, vous savez, ici dans cette pièce à minuit, nous sommes passés avec Brigitte, il y avait des femmes et des hommes de cette maison qui avec passion dressaient les tables, avec la même passion que vous et ils le font à chaque fois et je les en remercie.

Mais ça veut dire une chose, c’est que chacune et chacun a sa place, la trouve dans la société, et il porte une excellence. La place de la France, son visage pour vous aujourd’hui pour des chefs d’Etat étrangers n’existe pas, s’il n’y a pas ce petit geste supplémentaire qui a été l’obsession de l’un ou l’autre en cuisine, du service de la sommelière en passant par celles et ceux qui vous accompagnent, tout se joue là.

Alors ne lâchez rien de votre exigence, mais continuons à l’expliquer, à la donner à voir, parce que je suis convaincu que derrière cela, il y a une place pour nos jeunes en grand nombre et il y a une dignité dans cette excellence. Une dignité irremplaçable, elle ne se calcule pas en argent, elle ne se calcule même pas toujours en médaille, elle se calcule à la reconnaissance que vos proches, celles et ceux qui travaillent avec vous, celles et ceux qui goûtent votre cuisine vous donne chaque jour et qu’aujourd’hui, nous voulions partager avec vous pour vous dire que par-delà les frontières sur les grands projets du pays, mais dans l’intimité de ce qui est notre pays, notre civilisation, votre rôle est essentiel, et pour toutes ces raisons, je compte sur vous comme vous pouvez compter sur moi. Merci à vous.

Discours prononcé par Emmanuel Macron devant les 180 chefs de cuisine réunis à l’Elysée.