Vrai ou faux? Le café qui attend en thermos se modifie ? par Hervé This

Lors de notre séminaire de gastronomie moléculaire de juin, nous avons exploré les changements du café qui attend. Nous sommes partis de précisions culinaires qui stipulaient que le café qui attend dans une thermos change de couleur et prend de l’amertume. Vrai ? Faux ?


Vrai ou faux? Le café qui attend en thermos se modifie ? par Hervé This
Dans un tel cas, je n’ai pas d’a priori, ou, plus exactement, je ne connais que les « on dit »… et des possibilités théoriques telles que je peux en émettre d’innombrables.

Le café, c’est la boisson que l’on obtient en infusant des particules solides, provenant de la torréfaction et de la mouture, dans de l’eau. Que l’on utilise des machines à expresso ou des filtres, il y a toujours ce fait qui est que les plus grosses particules ne sont pas dans la boisson, laquelle contient de très petites particules, invisibles à l’oeil nu. Pour les voir, il faut centrifuger très longuement, avec des appareils de laboratoire dont les cuisiniers ne disposent pas. En général, on récupère un dépôt, et un liquide clair et coloré.


Vrai ou faux? Le café qui attend en thermos se modifie ? par Hervé This
Lors du stockage d’un café, on peut penser que les particules en suspension, invisibles donc, sédimentent, de sorte que la couleur pourrait changer. Elle pourrait aussi changer en vertu d’un autre phénomène, à savoir la poursuite de l’extraction des composés colorés par la boisson. Dans un cas, il y a brunissement, et, dans l’autre, il y a éclaircissement. Finalement, quel changement ? Impossible de le prévoir.

Pour le goût, il y a cette fois le fait qu’une extraction légère, par infusion notamment, fait d’abord passer en solution des molécules volatiles, et, plus tard, conduit à l’extraction de composés phénoliques, ce que l’on nomme souvent à tort des « tanins ».


Les tanins et l’astringence

Là, il y a lieu de profiter de l’occasion pour signaler que le mot « tanin » est très abusivement utilisé par la communauté culinaires. Un tanin, c’est un composé qui peut se lier aux protéines, pour tanner, c’est-à-dire renforcer les liaisons entre ces dernières, ce qui est utilisé depuis des temps immémoriaux pour produire des cuirs. Les tanins sont d’origine végétale ; ce sont des composés « phénoliques, et il y en à effectivement dans le thé, le café, le chocolat, les raisins, mais aussi dans la totalité des matières végétales. Plus exactement, ces matières végétales contiennent les composés phénoliques, et les tanins sont une catégorie particulière de tels composés.

L’astringence ou l’amertume des infusions de tissus végétaux, elle, est due à des tanins, mais aussi à des composés phénoliques, de sortes que l’on serait bien avisé de parler plutôt de composés phénoliques que de tanins. 
Tout cela étant dit , on aurait pu donc imaginer que le café échangerait de goût lors d’un stockage, d’autant que l’on dit souvent « café bouillu, café foutu.

Vrai ou faux? Le café qui attend en thermos se modifie ? par Hervé This

Un changement de goût ?

Il est vrai que le café change de goût quand il est bouilli, notamment parce que les composés odorants qui donnent de l’intérêt au café boisson sont alors évaporés. Mais ne rien ne vaut l’expérience, telle celles que nous avons effectuées lors de notre séminaire de juin.

Nous avons pesé du café moulu, et l’on l’avons passé, dans un filtre, avec une quantité pesée d’eau bouillante, pour produire un premier café que nous avons laissé reposer pendant 40 minutes. Puis nous avons produit un second café, en tout point identique au premier, et l’on l’avons refroidi à la même température que le premier, car nous savons combien la température est essentielle, lors des tests sensoriels.

A la dégustation en aveugle, il est apparu qu’il y avait une véritable différence entre les deux cafés : aucune erreur de reconnaissance dans les tests triangulaires, où l’on donne trois échantillons dont deux sont identiques et le troisième différent, mais tout est à l’aveugle. Ce qui était plus merveilleux, c’est que c’est le café fraîchement produit qui a semblé le plus amer.


La couleur ? Cette fois, les tests sensoriels n’ont montré aucune différence. Autrement dit, les précisions culinaires que nous avons testé ont été réfutées, et nous sommes aujourd’hui en mesure d’indiquer que l’amertume, ou l’astringence -ce n’est pas encore clair- diminuent avec le stockage. Pourquoi ? Je n’en sais rien, et il faudra des études longues et précises pour le savoir.

Je ne saurais terminer une telle description sans évoquer que le sel n’est pas un exhausteur de goût, puisque ajouté à du Schweppes, qui est sucré et amer, il augmente le sucré, mais diminue l’amertume. Dans les campagnes, on ajoutait souvent un grain de sel au café, afin d’en amoindrir l’amertume. Là encore, il y a une piste à suivre… pour une autre fois.

Par Hervé This