Robin Dorgler ©Sandrine Kauffer

Robin Dorgler ; une cuisine sans frontière au MIRO

Un reportage publié dans La Revue Culinaire n° 953-parue en janvier-février 2025.  Editée depuis 1920, c’est la revue  de l’association Les Cuisiniers de France, présidée par Christian Leclou.

Robin Dorgler a empreinté un chemin bien singulier, pour devenir chef-cuisinier. Sa personnalité enjouée, sa curiosité intellectuelle, son ouverture d’esprit suscitent l’envie de découvrir son univers culinaire. Au Miro à Strasbourg, il conjugue ses trois passions, la gastronomie, la musique et le tatouage, avec pour fil conducteur les voyages, qu’il met en scène pendant le festival Miro.

Une trajectoire personnelle et professionnelle, le conduisent à explorer tous les continents, et se façonner une identité culinaire unique, intime et sans frontière.

A 34 ans, Robin a l’ambition de partager sa cuisine, sa musique, ses voyages, ses rencontres et les temps forts marquants de sa vie, qu’il s’est fait tatouer. Il imprime dans sa chair ses souvenirs et ses émotions, il grave dans son âme des sensations.

Un déjeuner au Miro présenté par Robin Dorgler

MIRO : Mi-restaurant, mi-festival !

Dans son cadre verdoyant et champêtre, en bord d’eau et lisière de forêt, le restaurant Miro s’est implanté au cœur d’un parc paysagé de 3000m2. Ouvert en septembre 2021, sa cuisine et son concept sont dans l’ère du temps. Miro incarne cette jeunesse artistique et moderne, qui s’exprime en cuisine, en musique comme en témoignent les festivals Miro.  « C’est l’occasion d’inviter les chefs et artistes (DJ, tatoueurs), que j’ai pu rencontrer lors de mes voyages ». 16 chefs se succèdent sur la scène du Miro Festival en masterclass ; de Francisco Tolosa (Argentine), à Hiroshi Yamaguchi (Japon), à Youssef Akiki (Liban), à Chatchaï Klanklong (Thaïlande), en passant par les candidats top chef Camille Saint-M’leux, Fanny Herpin, le festival rassemble 1300 personnes pendant 5 jours. Pour la musique, la création d’un Biergarten dans un esprit guinguette, rend hommage à celui qui existait dans les années 30 à l’Auberge de la Nachtweid, le restaurant qu’il a repris. « Quand je l’ai visité, j’ai su que c’était là que nous allions organiser ces festivals ». Dès la première année, il fonde une association « Nice to meat you », pour donner un cadre légal aux 40 bénévoles ».  Miro est un concept, un lieu de culture s’ouvrant à tous les arts, qui passionnent Robin, dans une philosophie éco-responsable, locavore et environnementale.

La cuisine pour voyager

Robin se souvient de ses premiers émois gourmands. « Michele et Alain, mes parents avaient une entreprise de chauffage sanitaire à Sermersheim, mon village natal en Alsace », raconte Robin. « Ils travaillaient beaucoup, alors nous étions gardés avec mon grand frère Thomas chez Brigitte Feltz, ma nourrice que j’appelais ma tata. Elle habitait dans une ferme avec des lapins, des poules. Elle nous préparait avec soin des repas et j’étais très touché, qu’elle prenne autant de temps pour nous », se souvient-il, considérant la marque d’amour. Tout comme il se remémore, le temps partagé avec sa maman. «Nous faisions toujours un cake au yaourt, la recette avec laquelle le pot de Danone servait de mesure », sourit-il. « J’étais très heureux de ces moments avec elle », mentionnant son arrière-grand-père, Marcel Weber, cuisinier à l’Aubette de Strasbourg et son arrière-grand-mère Marguerite, qui tenait une auberge de jeunesse. Mais Robin attendait toujours les grandes vacances avec impatience. «Nous partions chaque fois faire un très beau voyage. Et j’avais mes parents pour moi tout seul pendant 3 semaines », s’enthousiasme-t-il. « A 14 ans, j’avais été au Kenya, au Mexique, en Inde, en Jamaïque. J’avais soif de la culture des autres, de la rencontre, j’avais toujours envie de rester et que mes parents partent sans moi et m’y laisse 6 mois. Je savais que voyager serait ma vie ».

Cuisson en suspension poulet rôti à la ficelle @rob_zetto

Robin cherche sa voie.

« Je n’avais pas forcément la vocation de cuisiner. Je voulais d’abord devenir tatoueur, mais je n’étais pas doué en Arts Plastiques », s’amuse-t-il. «Très jeune je me suis rendu compte que la mémoire s’efface », mentionnant son arrière-grand-mère Marguerite. «Alors, j’ai gravé mes souvenirs dans la peau. J’ai commencé en 2015 et mon premier tatouage fut le logo de la ville de Kobe au Japon». Robin collectionne une cinquantaine de tatouages, dont le portrait d’Auguste Escoffier. « Après un bac ES, j’ai entrepris un D.U.T. marketing pour travailler dans l’évènementiel ». Il détient cette fibre depuis l’adolescence, ayant fondé une association « What the Funk ? », avec son frère pour organiser des soirées réunissant 300 personnes avec DJ. Mais, Robin Dorgler, ne finalisera pas son diplôme, heurté par les techniques « de retournement de cerveau », qui viennent à l’encontre de ses valeurs.  « Je préfère faire plaisir et rendre heureux».

la salle véranda avec vue sur l’Ill ©Sandrine Kauffer

Il fait alors une équivalence pour entrer en BTS au lycée hôtelier d’Illkirch. Mais, il sera convoqué chez le Proviseur pour son record d’absentéisme. Il est envoyé en stage chez Philippe Jego, Meilleur Ouvrier de France, au cap d’Antibes, pour tester sa motivation. « Après avoir réussi ce stage de 4 mois, j’ai su que je voulais faire ce métier. Un jour j’étais seul dans le bureau du chef Jego et j’ai essayé sa veste de MOF pour rêver, c’était énorme ! », lâche-t-il. Il réalisera son second stage au Canada chez « Seb, l’artisan culinaire », un petit restaurant de Mont-Tremblant, près de Montréal, mettant le doigts dans l’engrenage des voyages. Il y croisera des personnalités, dont la star Michael Douglas. « J’ai vibré ! et j’ai réalisé que c’est un métier, qui donne accès à des personnalités ». Il songe, il vole et il convole en lune de miel avec ses voyages, qui nourrissent ses compétences et son âme.

Le chef Hiroshi Yamaguchi au Miro Festival ©Robzetto-Photography

Une formation internationale 

Robin apprend les techniques de préparation du poisson au Japon, à Osaka chez Hiroshi Yamaguchi (2014) son chef mentor. Il découvre la cuisson de la viande en Argentine chez Jean-Paul Bondoux (2015). « J’avais envie d’apprendre à maîtriser le feu, et cuire un cochon pendant dix heures.». Il fait une étape de 6 mois au Taillevent à Paris chez Alain Soliveres, alors deux étoiles Michelin. C’est une formation accélérée, des bases de la cuisine française, mais il est déçu de la mentalité individualiste au sein des grandes brigades. Il part en saison d’hiver en tant que second de cuisine à Chamonix à l’Hôtel Le Castel et à Val d’Isère à l’hôtel La Mourra. En 2019, il retourne au Québec, chez Jérôme Ferrer, qui lui propose d’être son chef de cuisine à l’Europea, une institution réputée au Canada. Il gère une brigade et accepte les responsabilités du chef, expérience précieuse pour MIRO. En 2020, Robin est de retour en Alsace pour ouvrir un restaurant, pour y restituer ses expériences à travers une cuisine du monde. « Véritables piliers de mon histoire, ce sont mes souvenirs que je cherche à retranscrire dans mes plats ». Rapidement, il visite l’auberge de la Nachtweid, longtemps réputée pour sa spécialité le cordon bleu au Munster. Il allait casser les codes.

Une cuisine multiculturelle miro-bolante

« C’est une cuisine fusion, malgré moi car mon but n’est pas de faire matcher deux destinations », souligne le chef de Miro. « La route 40 en Argentine le long de la cordillère des Andes, le mont Maya au Japon avec une vue imprenable sur la baie d’Osaka, les couleurs changeantes de ces majestueuses forêts à l’automne au Canada, font partie des moments, qui ont marqué l’histoire de ma cuisine », mentionne-t-il. C’est ainsi que son bœuf, qu’il dépose directement sur la braise ou le poulet rôti à la ficelle en suspension, s’inspirent des cuissons argentines. Pour le poisson, cuisiné en chirashi ou encore en tataki, chaque goût et texture mènent au pays du Soleil-Levant. « J’ai découvert la technique de teriyaki au restaurant Kashiwaya à Osaka, 3 étoiles au guide Michelin. Là-bas, nous préparions de l’anguille (Unadon) sur de grands grills et nous venions laquer encore et encore le poisson d’une sauce que je garde secrète ».

cuisson argentine @rob_zetto

Au Miro, il applique cet art au saumon, qu’il laque à maintes reprises, d’une sauce douce et brillante. Ce travail patient et répétitif, permet de créer une texture brillante et collante sur le poisson, tout en intensifiant les saveurs et en apportant un équilibre parfait entre la douceur et la salinité de la sauce. La clé pour obtenir un bon teriyaki réside dans la répétition, car chaque couche de sauce ajoute une profondeur de goût et une belle finition brillante. Pour que chaque bouchée combine la tendreté du poisson à la douceur caramélisée de la sauce, relevée d’une pointe de gingembre et de mirin.

Par ailleurs, un Coxinha de Frango sauce Brazil côtoiera un hachis parmentier d’agneau du producteur voisin ou encore le bar en ceviche et ponzu au Mezcal. Le tiradito est une découpe de poisson découverte lors d’un voyage au Pérou par le chef. « L’aguachile, c’est un peu la réponse des Mexicains au ceviche péruvien. Lors de mon voyage au Mexique, au cœur d’un marché côtier animé, j’ai découvert l’aguachile de gambas, un plat à la fois simple et saisissant. La fraîcheur des gambas, plongées dans un jus piquant de citron vert, de piment et de coriandre, m’ont immédiatement transporté, comme si chaque bouchée capturait l’énergie brute de la mer et la chaleur de la terre mexicaine. Lors d’un voyage en Asie, j’ai apprécié les saveurs envoûtantes du « yuxiang », une sauce parfumée, douce et épicée, originaire du Sichuan. En adaptant cette sauce au poulpe, j’ai voulu recréer l’intensité de cette expérience : le moelleux du poulpe se mêle aux notes de piment, d’ail, de gingembre et de vinaigre de riz noir, offrant une harmonie de saveurs qui oscille entre piquant et douceur. Ce plat raconte l’histoire d’une rencontre culinaire unique, une fusion entre l’océan et les parfums puissants des marchés du Sichuan. Je me remémore toutes ces rencontres, ces chefs qui m’ont reçu dans leurs univers et qui m’ont transmis leurs coutumes et leur savoir-faire. J’espère accueillir les clients, chez nous, au Miro comme j’ai eu la chance de l’être partout, où je suis passé. »

Par Sandrine Kauffer

Un reportage à retrouver dans l’article publiée dans La Revue Culinaire n° 953-parue en Janvier-Février 2025. Editée depuis 1920, c’est la revue  de l’association Les Cuisiniers de France, présidée par Christian Leclou. 100 ans d’histoire y sont méticuleusement consignés et archivés. Cette revue bi mensuelle légendaire se consacre à l’activité des métiers de bouche, de ses acteurs talentueux, et de notre belle profession. j’ai l’honneur d’y apporter ma contribution depuis Novembre 2024.

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Crédit photos et vidéos ©Sandrine Kauffer

Menu Plaisir photographié au MIRO novembre 2024

Amuse bouche tartelette panais et tonka – Miro ©Sandrine Kauffer

Kokoda, céviche Robin Dorgler Miro ©Sandrine Kauffer.

SAINT-JACQUES CROUSTILLANTES, Mousseline de céleri à la fève de tonka Écume aux amandes torrefiées Miro ©Sandrine Kauffer.

Jambalaya de Gambas Robin Dorgler Miro ©Sandrine Kauffer
Veau en croute d’herbes, pommes Duchesse, légumes, jus parfumé à la sauge Robin Dorgler Miro ©Sandrine Kauffer
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LA TARTE AU YUZU DESTRUCTURÉE Meringues en différentes textures Crémeux Yuzu Biscuit croquant ©Sandrine Kauffer

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