Illkirch : demi-finale MOF cuisine en “Backstage” 1/2

LEs épreuves qualificatives du 24ème Concours MOF “Un des Meilleurs Ouvriers de France”, classe “Cuisine-Gastronomie,” se sont déroulées les 23 et 24 novembre 2010, au Lycée Hôtelier Alexandre Dumas à Illkirch (67). 16 candidats (sur 20 inscrits) se sont présentés sur les deux journées et un seul abandon est à déplorer.

23 novembre 2010. Il est 5h du matin, le lycée hôtelier d’Illkirch s’éveille…

8 candidats sont arrivés encombrés de leurs marchandises, vérifiées à de multiples reprises pour être certifiées conformes. “On va contrôler votre frigo en fonction de votre bon d’économat ” les prévient Jean-Louis Steffen, fidèle aux rendez-vous de presque tous les concours, sollicité par les présidents du Jury pour son excellente organisation.

Les candidats entrent en “loge”. Ils sont accueillis par le Président du Jury, Olivier Nasti, Meilleur Ouvrier de France 2007 et chef du Chambard à Kaysersberg, par le vice-Président Émile Jung, ancien patron du Crocodile, par le chef des travaux du Lycée Hôtelier, Guillaume Caboche et enfin par les représentants du COET (Comité d’Organisation des Expositions et du Travail) : Messieurs Meyer, Amara et Gouttefarde-Tanich.

Après la vérification des identités, le tirage au sort de l’ordre de passages des candidats (à la demande du COET, ils ne seront jamais nommés) et le rappel des règles du concours, Guillaume Caboche leur indique la répartition et l’attribution des postes des travail.

Puis Émile Jung les interpelle sur le sens de leur présence :
“Vous vous présentez au concours “Un des Meilleurs Ouvriers de France” a déclaré le vice-Président de cette sélection régionale. “Le mot ouvrier a toute sa résonance en ces lieux et toutes ses lettres
de noblesse” proclame l’ancien chef étoilé du Crocodile.

“Quelque soit l’issue de ce concours, se lieront entre vous des liens d’amitié et d’humanité, un fort esprit de camaraderie. Je vous souhaite bon succès dans une épreuve qui permet de se mesurer d’abord à soi-même et ensuite aux autres.”

La seule candidate féminine qui s’est présentée à Illkirch approuve : ” Le concours MOF est avant tout un combat contre soi-même. Mon objectif était de faire cette demi-finale jusqu’au bout, sans être éliminée.” explique la candidate originaire de Lorraine. “J’ai été au bout de mon ambition personnelle et c’est pour l’instant l’essentiel.”

L’épreuve écrite va pouvoir commencer. Dans l’ambiance silencieuse et pesante d’un contrôle de connaissances sur les bancs d’école. Les traits sont tirés, les mines défaites, la nuit a pour la plupart été sans sommeil. “Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit ” déclare un des candidats. “J’ai encore fait un service jusqu’à 1h du matin, j’ai dormi deux heures puis j’ai pris la route” nous raconte le seul candidat qui s’est vu contraint d’abandonner.

25 questions, distribuées en 5 chapitres fondamentaux, sont proposées sous forme de QCM (questionnaire à choix multiples) coché en 45 mn. Les 4 diapositives portent sur des questions d’hygiène et de sécurité : tenue vestimentaire règlementaire, rangement, livraison et conditionnement des produits en conformité.


Le second volet valorise la culture professionnelle des candidats où il est question d’orthographe, de Taillevent, de Grimaud de la Reynière ou de la soupe VGE. Le menu se poursuit avec des traductions/conversions en langue anglaise, puis viennent les interrogations quant à la gestion de production, avec l’aide d’une calculatrice. La Vème partie questionne les techniques culinaires : “que signifie larder une pièce de viande?” ou encore “quelle est la composition du baron d’agneau ?”

Les 8 candidats ont fini avant le temps imparti “on sait ou on ne sait pas” déclare un candidat, visiblement satisfait. Cette partie écrite compte pour 20% de la note de l’épreuve qualificative.

Le Président du Jury les invite ensuite à se rendre par ordre de passage à l’économat pour vérification des marchandises, sous le contrôle de Jean-Louis Steffen. C’est à ce moment là qu’un commis leur est attribué. ” “Ils ne se connaissent pas et feront équipe ensemble pendant 4heures pour sortir les deux plats. Le candidat va lui confier la plonge, la pluche, quelques finitions de dressage et d’autres taches.”

Chaque candidat peut apporter quelques ustensiles personnels et doit avoir préparé, pesé et conditionné tous les ingrédients nécessaires à la réalisation des deux recettes. “Les ingrédients doivent impérativement être présentés à l’état brut, ni épluchés, ni cuits, ni blanchis, ni parés, sauf ceux autorisés dans les recettes” nous explique Jean-Louis Steffen. “C’est impératif que le candidat respecte son bon d’économat.”

“Quelques denrées sur les deux journées ont été retirées, mais rien de bien important. Par contre, toutes les marchandises qui auront subi un début de préparation non autorisée, seront supprimées et parfois sanctionnées” relate Jean-Louis Steffen une fois présent en cuisine. C’est un concours et des règles strictes sont à respecter. Au moindre doute, le Président du Jury Olivier Nasti est sollicité pour trancher.

Muni de son équipement et de son commis, le candidat entre enfin en cuisine. Pour certains, le temps d’attente en loge a été interminable. À chacun sa manière de le gérer, micro-sommeil pour les uns, crise d’anxiété pour les autres.


Sous la constante observation du Jury cuisine composé de Jean-Louis Steffen, de Éric Girardin (La casserole à Strasbourg), de Julien Binz (le Rendez-vous de Chasse à Colmar), de Thony Billon (Le Chambard à Kaysersberg), les candidats prennent leur poste.

Le ballet des toques peut commencer. Elles s’activent, courent, s’entrecroisent, s’entrechoquent. Ca vibre, ça coupe, ça tranche, ça braise.

On sent la tension, l’intense concentration des chefs. Les fronts sont plissées, la sueur perle, les commis sont briefés pour apporter une aide optimisée.


Les gestes techniques sont rapides et précis, 1001 fois répétés sous la pression d’un coach les journées précédentes. “J’ai pris 10 jours de congés pour m’entrainer après l’annonce des sujets. J’ai travaillé 10 années aux côtés d’un MOF et c’est ce qui m’a donné envie” témoigne ce candidat qui a aménagé un laboratoire de 15m² dans son jardin avec un équipement professionnel. “Je suis enseignant à Metz et c’est la 1ère fois que je me présente à ce concours et par rapport à mes élèves, je souhaitais montrer l’exemple” dit cet autre prétendant au titre.


Illkirch : demi-finale MOF cuisine en "Backstage" 1/2
Que se passe-t-il ? Les jurés s’approchent d’un candidat qui annonce déclarer forfait. “Le feuilletage n’est pas bon et je n’ai plus d’ingrédients pour recommencer” explique-t-il au Jury cuisine réuni autour de lui. ” C’est la7ème fois qu’il se présente avec une sélection en finale, mais là c’est bel et bien terminé. Ce chef-patron de “La Ville de Lyon” est dirigé dans la loge.
“Je suis chef d’entreprise” nous raconte-t-il dépité. “Je n’ai pas pu fermer mon établissement pour m’entrainer ou me reposer. J’ai du faire face en priorité aux réalités économiques de mon restaurant.”
Et puis c’est au tour du candidat n°1 d’envoyer son carrelet braisé et laqué au beurre de homard, réhaussé de 6 beaux médaillons de homard, piqués d’une brochette en bambou garnie de 2 grosses moules d’Espagne panées et frites. En garniture, pommes de terre fondantes, taillées en “savonnettes” et garnies avec le homard en brunoise et les coques cuites à la marinière. Une sauce au vin blanc complète le plat.”

Candidat n°1, il vous reste 3mn pour envoyer sans pénalité” l’avertit le juré Thony Billon.

Ca y est, le candidat n°1 s’empresse de déposer son plat sur le passe, l’observe se faire photographier puis signe l’heure d’envoi. Il retourne à son poste. L’épreuve n’est pas terminée. Il lui reste 30 mn pour terminer son second plat, le “Pie” de canard, accompagné de ses navets disposés, pruneaux d’Agen dénoyautés, et ses têtes champignons de Paris. Le Pie est servi avec les filets taillés en aiguillettes et dressés sur assiette avec un cordon de jus de canard réduit au cidre.
Le candidat n°2 est sous pression, il sortira son carrelet dans l’intervalle, puisque toutes les 15mn un plat est présenté au Jury dégustation. Chaque candidat doit envoyer ses deux plats en 30 mn. C’est une véritable course contre la montre.

Sur une moyenne d’âge de 35-40 ans, pour la plupart, c’est leur 2eme ou 3eme participation aux épreuves qualificatives.


Il y a de véritables “compétiteurs” comme ce candidat d’une cinquantaine d’années, en provenance de la région du Doubs. Malgré l’ouverture imminente de son 3ème établissement à Hong-Kong, il a trouvé le temps de se préparer à son 17ème et sans doute dernier, concours. “J’ai passé 6 fois le Taittinger” nous annonce-t-il. Pour le MOF 2011, j’ai perdu 18kg, j’ai fait du sport et de l’anglais sur les conseils de mon coach Romuald Fassenet (MOF 2007).

De tous les concours, le MOF est le plus formateur, reconnaît-il épuisé, mais ravi d’avoir tout donné.


“Candidat n°3, il vous reste 1 mn avant la pénalité”, le prévient Olivier Nasti, omniprésent en cuisine et en salle de dégustation.
“On y va ! Il faut envoyer !” La tension est à son paroxysme. Le dressage est précipité mais les précieuses secondes feront défaut au candidat malheureux. “5 mn après l’heure de présentation, le temps est dépassé, vous ne serez pas noté sur ce plat ” déclare Olivier Nasti.
Le plat part néanmoins en salle de dégustation, pour être présenté au Jury mais il ne sera ni goûté, ni jugé. “C’est terminé ” et le candidat le sait … Ambiance consternée. Tous les observateurs sont émotionnellement concernés. “C’est une aventure humaine dont on ne sort pas indemne en tant que membre du Jury” explique Jean-Louis Steffen.
Illkirch : demi-finale MOF cuisine en "Backstage" 1/2
“C’est la 4ème fois que je me présente à ce concours” nous révèle ce candidat vosgien, si proche des Alsaciens, gérant avec sa famille un joli établissement, dans un Val pas très loin. “L’expérience m’a permis de mieux gérer le stress et la pression. Je suis content de ce que j’ai fait, même si on sait qu’on peut toujours mieux faire !”

Plus rare, le dernier candidat de la journée a réussi l’exploit de finir 15mn en avance, sans avoir pour autant le droit d’envoyer. Autre souci technique : garder le plat au chaud sans que la cuisson ne se poursuive et ne dessèche le carrelet. Le candidat lorrain, qui s’est formé au Cerf à Marlenheim, chez Alain Ducasse ou encore à la Grande Cascade à Paris, travaille dans un établissement 5 étoiles qui vient d’ouvrir au Luxembourg au mois de mars 2010. “C’est ma 3ème participation. En 2004, j’ai accédé à la finale, mais à chaque fois tout est remis en question”.

L’attention était focalisée, il faut bien le reconnaître, sur la seule femme (sur 12 inscrites en France) qui s’est présentée dans le centre d’examen du Lycée Hôtelier.
Pâtissière primée dans un bel établissement parisien, la candidate originaire de Lorraine valorise également une formation de cuisinière (CAP-BEP-Brevet professionnel). “J’ai travaillé 6 ans à l’Arnsbourg (3 étoiles Michelin à Baerenthal) avec Jean-Georges Klein” nous précise-t-elle. “Préparer le MOF cuisine est un rêve. Coachée par mon chef et par ses deux seconds, cela fait quinze jours que je m’entraine. Je suis contente d’être allée au bout sans être éliminée.”


“Lors des entrainements, je ne parvenais pas à sortir les plats dans les temps” poursuit-elle.”J’en avais pleuré, j’ai tout donné aujourd’hui. Je le devais aussi par rapport à toute la brigade qui s’est investie pour me soutenir et je la remercie. Et quelque soit le résultat”, enchaine la Sarrebourgeoise avant que la question ne lui soit posée, “j’ai le sentiment d’avoir bien fait mon travail…et je suis prête à le repasser jusqu’à l’obtention. Quand on a des rêves, il ne faut pas les lâcher, il faut s’accrocher et les chercher jusqu’au bout”. lance-t-elle déterminée.

Tour à tour les candidats rejoignent la loge après avoir envoyé les deux plats. Ils doivent attendre le passage du dernier pour quitter le centre d’examen. Épuisés, apaisés, fiers pour la plupart d’entre eux, sceptique mais heureux d’avoir relevé le défi, ils promettent de revenir à la prochaine session, jusqu’à l’obtention du titre si prestigieux.

Les résultats se feront connaître lors des fêtes de Noel et la finale aura lieu en mai 2011 à Marseille.