La 6ème édition de trophée Haeberlin, créé en mémoire des frères Jean-Pierre et Paul Haeberlin, s’est tenue le mardi 7 décembre 2021 à la Filature de Mulhouse. Elle avait une saveur bien particulière, car tel le Phoenix, qui renait de ses cendres, après avoir vaincu et surmonté des difficultés, des doutes et remises en question, comme peut-être jamais un concours ne l’a subi, le trophée Haeberlin eut, bel et bien, lieu.
Cette édition entre dans l’histoire des concours, et conforte la place et l’aura de la famille Haeberlin. Seul concours en équipe (salle, cuisine et sommellerie), il rayonne à l’instar du Bocuse d’or, -autre trophée éponyme dédié à un chef-, par delà nos frontières.
Le trophée Haeberlin, tel un phare, apporte un nouvel éclairage, une lecture innovante de la place des concours dans la transmission et l’apprentissage, comme un outil dans le choix de l’orientation. Une position à construire pour donner davantage de sens aux compétitions culinaires, des objectifs d’orientations, des finalités de recrutement et d’engagement dans le métier.
À la tête de cette prouesse et aujourd’hui de ce succès : Isabelle Haeberlin. Pugnace, engagée, persévérante, contre vents et marées structurels et conjoncturels, elle a gardé la foi dans ce projet, déjà reporté une première fois.
En 2021, elle confère une nouvelle dimension au trophée, plus globale, transversale, tournée vers les écoles et la transmission.
“Je voulais faire un cadeau à la famille Haeberlin”
De deux choses l’une, soit l’édition se tenait en 2021, soit une seconde annulation aurait pu sonner le glas du trophée éponyme d’une grande famille de la gastronomie. L’enjeu était de taille et symbolique.
Qui aurait pu, eut le courage, de s’investir une troisième fois et sans garantie, dans le montage du dossier ? « Il a fallu déployer dix fois plus d’énergie, sans aucune certitude d’aller jusqu’au bout », a confié Isabelle Haeberlin. « Je ne travaille pas à l’auberge de l’Ill, mais je voulais servir la famille de cette manière. C’est un cadeau que je voulais leur faire et je l’ai fait avec beaucoup de cœur, entourée d’une équipe formidable, généreuse, et des partenaires, dont je salue le courage et la générosité ».
Un trophée au service de l’orientation des élèves
C’est une première qui ouvre la voie, à la lueur d’une démarche nourrie de sens. Ouvrir les épreuves au public, mais pas à n’importe lequel… celui des classes de 4ème et de 3ème pour susciter des vocations en période de choix d’orientation. Permettre aux élèves d’assister à des prestations d’excellence, de rencontrer des grands chefs qu’ils ont vus à la TV, apporter du prestige aux acteurs d’un restaurant, salle, cuisine et sommellerie qui valorisent indéniablement nos métiers.
En partenariat avec les écoles de Mulhouse, 300 jeunes ont assisté aux épreuves, mais également participé à des ateliers. Ils ont pu échanger avec des professionnels et poser des questions. Ils suivaient un parcours, balisé à la Filature et tenu par un projet pédagogique, construit avec les enseignants en amont. Isabelle Haeberlin, directrice d’école, chargée de mission au rectorat, et Présidente-fondatrice de l’association EPICES fut le liant bienveillant de la vie scolaire à la vie professionnelle.
Quelle belle leçon d’organisation. Chaque concours et trophée devraient être ouverts aux jeunes générations et aux apprentis. Nombreux sont les organisateurs qui investissent les écoles hôtelières et centres d’apprentissage, mais en marge de la vie pédagogique et des élèves.
Combien de grands chefs ont pénétré les établissements scolaires, sans les rencontrer ? Combien de concours se déroulent sur les salons professionnels ou en quasi-confidentialité (jury, candidats, photographes et sponsors), alors que les émissions TV ont le vent en poupe ? Un concours public, retransmis en direct sur YouTube, offre de la visibilité aux métiers, une tribune d’expression à l’excellence, de la prestance aux acteurs de la salle, une démonstration de compétences et techniques en cuisine et pâtisserie. Cette démarche fait également preuve de générosité, d’altruisme et d’ouverture vers ceux que nous souhaitons informer, former et recruter.
« Cette journée avait une part de magie à la Filature de Mulhouse, où l’accueil fut chaleureux, organisé dans une vision et des valeurs que nous avons souhaité insuffler au trophée Haeberlin », relève Isabelle Haeberlin. « Il était à l’image de la famille. Les chefs, les partenaires, les équipes, il y a eu tellement de partages, de belles rencontres et d’humanité dans cette compétition, saine et porteuse de sens. Les retombées humaines et médiatiques sont énormes, bien au-delà de nos espérances, c’est la première fois qu’il y a autant d’articles de presse », se réjouit-elle, ravie.
À quelques semaines de la finale, le mercato des équipes et les reconversions professionnelles, ont eu grâce de la 4ème équipe sélectionnée. La 3ème, celle de la Mamounia à Marrakech, fut empêchée, victime de la crise sanitaire et la fermeture des frontières. Un “conciliabule de crise”, s’est réuni. Maintenir ou non le trophée avec seulement deux équipes en présentiel ?
« Au nom du travail des équipes qui ont refait deux fois le sujet, au nom des partenaires qui ont eu le courage de nous soutenir, au nom de toute l’énergie déployée, et au nom de la pérennité du trophée des frères Haeberlin, la décision fut prise de le maintenir. Un stress intense, car jusqu’au dernier moment, une décision préfectorale, un participant positif ou “cas contact”, aurait pu compromettre le concours », constate Isabelle Haeberlin.
« Mais portés par une force d’y croire, l’envie de réunir toutes les personnalités qui se sont engagées à l’instar d’Anne-Sophie Pic, Mauro Colagreco, Nicolas Sale, Serge Dubs, Victor Delpierre, il a été proposé à l’équipe Marocaine, -classée hors-concours- de filmer ses épreuves et leur recette a été exécutée par une membre de la brigade de l’Auberge de l’Ill et goûté par le jury. « Nous avons beaucoup communiqué avec cette équipe, ils étaient tellement déçus, ils s’étaient si bien préparés. »
De nouvelles épreuves
Pour la première fois de son histoire, le trophée n’avait pas lieu à Strasbourg sur le salon Egast, mais à La Filature de Mulhouse. Doté d’un bel amphithéâtre, avec une scène décorée de panneaux de la salle de l’Auberge de l’Ill, le trophée a renforcé sa scénarisation, monté comme un spectacle vivant, mettant en scène des techniques visuelles, des épreuves plus dynamiques, du show, avec l’épreuve autour du café animée par un champion du monde : Victor Delpierre.
L’idée était de donner envie aux jeunes, de les faire rêver, en leur donnant accès aux « stars » de nos métiers.
Mais la star discrète de la journée fut la Famille Haeberlin, au sens élargie du terme (professionnelle et personnelle) engagée et unie, non seulement autour d’un trophée éponyme, mais bien au-delà, sur différents combats liés au devenir de nos métiers. Omniprésente et bienveillante, humble et généreuse, soudée et complémentaire, rendant hommage aux anciens, référents et inspirants, omniscients.
A-t-on jamais vu une remise de prix autour d’une si grande famille réunie ?
Le Trophée Haeberlin s’inscrit dans les traditions portées par la haute gastronomie française : sublimer des produits de qualité issus de nos terroirs, conjuguer les meilleures compétences des différents corps de métier, transmettre ces valeurs au sein de formations d’excellence aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration.
Anne-Sophie Pic, seule femme chef française à détenir 3 étoiles Michelin à la Maison Pic à Valence. Elle cultive un lien particulier avec l’Alsace (elle vient régulièrement au salon EGAST) et avec la famille Haeberlin en particulier.
Anne-Sophie Pic attache un affect tout particulier à ce trophée, “c’est un très beau concours. Il m’est cher parce qu’il honore la mémoire de Paul Haeberlin, qui était avec Jean-Pierre, un grand ami de mon père Jacques“, se souvient-elle. “L’Alsace est une région à part, qui compte beaucoup pour moi”, précise Anne-Sophie Pic. “Enfant, j’y venais chaque été avec mes parents en vacances. Nous faisions toujours étape à Illhaeusern chez la famille Haeberlin. C’étaient des instants de bonheur et de douceur dans cette maison familiale si généreuse, où l’on prenait le temps de vivre, en famille avec les amis. Je pouvais profiter de mes parents détendus et souriants. Mon père a toujours aimé la convivialité, la solidarité et l’amitié qui émanaient des chefs Alsaciens. Mais depuis, rien n’a changé, sauf peut-être le décès de mon père et de Paul Haeberlin”, poursuit-elle. “Enfin, je soutiens ce trophée car nous avions dans notre région le trophée Jacques Pic, qui après trois éditions, s’est suspendu”, regrette-t-elle. En 2021, après avoir été la marraine du salon Toquicimes à Megève, elle ouvre dans quelques jours, le 16 décembre 2021 La Dame de Pic -Le 1920 à Megève.
Mauro Colagreco, fut la star de l’année 2019. Le chef du Mirazur à Menton fut sous les feux des projecteurs, raflant toutes les distinctions : 3* Michelin, élu chef de l’année lors de la soirée du magazine Le Chef en septembre 2019, à la première place du The World’s 50 Best restaurants, et élu par les chefs à la tête du classement des 100 meilleurs chefs au monde. Il développe un univers culinaire avec Casa Fuego une brasserie concept grill, en face du Mirazur, signe la carte de la brasserie Le Grand Cœur dans le Marais à Paris, investit l’univers de la boulangerie durable avec Mitron Bakery.
En 2021, le vice-président des Grandes Tables du Monde a ouvert la pizzeria Pecora Negra à Strasbourg.
E.P.I.C.E.S. (Espaces de Projets d’Insertion Cuisine et Santé)
Isabelle Haeberlin a fondé en 2009 l’association E.P.I.C.E.S. (Espaces de Projets d’Insertion Cuisine et Santé). À travers cette école de cuisine, installée à Mulhouse, elle initie des partages autour de la cuisine réalisée et dégustée ensemble. L’association EPICES porte un véritable projet éducatif, d’intégration professionnelle et d’insertion sociale à travers la cuisine.
Par Sandrine Kauffer-Binz
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