Mariella et Jean-Marc Kieny

Restaurant “La poste” Kieny à Riedisheim : un “K ” de sobriété

Jean-Marc Kieny est le chef de l’année de Gilles Pudlowski et trône en tête de son Palmarès dans le PUDLO Alsace 2013. Retour chez Mariella et Jean-Marc Kieny, qui ont fait l’objet de cet article l’an dernier.

Mariella et Jean-Marc Kieny, Restaurant “la Poste” Kieny à Riedisheim (68), sont les héritiers d’une belle auberge familiale, qui fête ses 161 ans de succès gastronomiques. En 1990, l’étoile Michelin s’accroche à l’attelage de l’ancien relais de poste, datant de 1860.

Depuis, Mariella et Jean-Marc Kieny ont su faire évoluer leur établissement pour le faire entrer avec allant et modernité dans le 3e millénaire culinaire. Le chef pratique “la cuisine d’aujourd’hui sans oublier les saveurs d’hier” et son épouse, sommelière, remonte des “oubliettes”, les élixirs viniques révélant toute la quintessence des produits.

Nouveauté dans la maison, le chef est ravi de sa toute nouvelle cuisine, qui n’a qu’une trentaine de jours !

Confortée d’un local à pâtisserie, d’un bel office, d’une chambre froide supplémentaire, de nombreux plans de travail froids et d’une électricité entièrement refaite, la nouvelle cuisine est tout simplement “fonctionnelle et opérationnelle” explique Jean-Marc Kieny, chef étoilé Michelin depuis 1990. “Elle est sobre et sans prétention, elle reflète notre état d’esprit et les valeurs de la maison” en illustre cette plaque signée du chef : “Autour des produits simples, j’adore improviser, les marchés m’inspirent et mes amis aiment être surpris”.

La nouvelle cuisine est belle, lumineuse, flambant neuve. Seul le piano central est resté fidèle à son poste. Parce que le chef aime toujours cuisiner au gaz, voir jaillir la flamme, lécher les parois des casseroles, même si, l’induction, dont il reconnaît les qualités indéniables, fera partie de son prochain investissement.

Les travaux dans la cuisine viennent à peine de s’achever qu’ont déjà démarrés les travaux de rénovation et d’embellissement de la façade. “Pour valoriser la demeure, il y aura un éclairage extérieur” explique Jean-Marc Kieny, justifiant l’importance d’harmoniser l’intérieur et l’extérieur du restaurant, d’accorder le style et l’esprit, sans discontinuité.

“La maison familiale a un vécu, une âme, il faut la respecter et apporter quelques touches de contemporanéité” raconte Mariella. En deux siècles, le relais de diligences s’est transformé en table étoilée. Autrefois, la maison fut la demeure des Comtes de Thierstein et seigneurs de Besenval, une noble famille suisse, avant d’être acquise par la famille Kieny en 1850, qui, au fil du temps, va lui donner ses lettres de noblesse gastronomique.

Du “café au vieux château” évoluant vers le “zum alten schloss”, puis le “zur poste” avant d’être baptisé le restaurant de la poste par Joseph Kieny, la maison a également accueilli jadis, le premier bureau de poste du village.


Les Kieny étaient “receveurs des PTT” et la trace de cette fonction se retrouve par la présence d’un vieux guichet de la poste que le chef rêve de réhabiliter, de lui redonner vie, à l’instar de cet ancien abreuvoir, trônant à la réception à côté du “passage” aux “oubliettes” ; là où Mariella conserve ses vins de garde, à proximité de la vieille horloge, qui remonte le temps des souvenirs.

En 1899, la renommée gourmande de l’établissement est initiée par Joseph et Anne-marie (les arrières grands-parents de Jean-Marc Kieny). Puis, en 1954, ses parents, André et Liliane, prennent le relais, avant le retour du “fils prodigue” en 1987, incarnant la 6eme génération des “Kieny-cuisiniers.”

André Kieny remonte la vieille horloge qui se dresse en réception, en défiant le temps
“Quand je me suis mis au fourneau, j’ai souvent été comparé à mon père André. Quand on est le fils “de” on est souvent comparé “à” … alors il fallait se faire un prénom” reconnait Jean-Marc Kieny. “Mon père est un bosseur acharné, qui n’a pas eu toute la reconnaissance qu’il méritait. Encore aujourd’hui, il est présent en cuisine et fait souvent le repas du personnel et les jeunes se réjouissent de ses recettes à l’ancienne.


L’évolution de la salle de restaurant, qui exprime toute l’histoire et la rusticité de la maison, son authenticité, avec ses boiseries, ses poutres apparentes et son mur de briques, cette alliance du bois, de la pierre et du fer, qui lui confèrent une identité propre; une signature, celle des Kieny.

Sans gêne, se dressent et se côtoient dans une ambiance tamisée, chaleureuse et familiale, les tables hautes rehaussées d’un chemin de table orangé et la traditionnelle stammtish ; la table des habitués et des amis, comme l’indique le chevalet.

“C’est l’image que je souhaite donner” explique Jean-Marc Kieny, “celle du restaurant étoilé, décontracté, et les clients adhèrent à cette simplicité, le naturel de la sobriété. Notre table stammtisch est toujours occupée” poursuit-il, “par les clients habitués ou les “potes du basket”, noyau dur des amis villageois, parmi lesquels, le chef sportif va s’oxygéner et se ressourcer.”Je vais courir une fois par semaine et je m’entraîne régulièrement, me libérant au possible pour les matchs ” se plait à exprimer avec dynamisme le jeune chef “quinqua”.

La famille, les amis et toutes les valeurs que ces terminologies véhiculent ont une place importante dans leur vie. “C’est notre force et nous accordons beaucoup de temps à nos deux fils.” Et chaque chaque jour, Jean-Marc Kieny retrouve son frère Laurent, pâtissier, qui tient boutique juste en face du restaurant.

Le couple de restaurateur, natif de Riedisheim, s’est rencontré en 1988, alors que Mariella, étudiante en anglais, qui se projetait dans une école de publicité, faisait des extras à l’office. Jean-Marc Kieny venait à peine de rentrer à la maison l’année passée et s’en souvient comme si c’était hier…”J’avais dit à maman qu’il ne fallait pas la laisser partir”.

Il rentrait, un “peu énervé”, d’un parcours auprès de nombreux chefs étoilés. “Quand je suis arrivé en cuisine, il y avait encore le vieux fourneau à charbon, qu’il fallait recharger. Mais cela ne nous a pas empêchés de décrocher l’étoile avec.”


Il se remémore avec plaisir son apprentissage aux Armes de France (2*) chez Pierre Gaertner à Ammerschwihr, avec d’autres chefs de la région, puis il a poursuivi sa formation chez Jacques Lameloise à Chagny (2*), Émile Jung, au Crocodile, (2*) à Strasbourg, dont il retient “la rigueur, la méticulosité et la précision du goût”, puis il se rend sur la coté méditerranéenne à L’Oasis à la Napoule chez Louis Outhier (3*), où “le rythme des grosses brigades est soutenu” et la rencontre de son ami, l’Alsacien Jean-Georges von Gerichten.

Puis Jean-Marc Kieny revient dans le coin, au Bruderholz chez Hans Stucky à Bâle en Suisse (2* Michelin), qui lui donnera sa première place de second.


En 1987, à 27 ans sonne l’heure du retour à Riedisheim, mais à une seule condition; celle de tout mettre en œuvre pour chercher l’étoile Michelin. Il s’était donné 5 années pour réussir, mais trois seulement auront suffi à celui qui sera élu “Meilleur jeune espoir de la cuisine française” en 1988, un titre crée la même année par le magazine le chef.

Le prix lui avait été remis par Joël Robuchon, qui l’invitera quelques années plus tard dans son émission “Bon appétit bien sur”


En 1992, Jean-Marc Kieny rejoint l’association des Jeunes restaurateurs d’Europe avec une pensée nostalgique des belles années sous la dynamique présidence du colmarien Patrick Fullgraff. En 1999, il devient membre de l’association des Etoiles d’Alsace, et en 2004, le chef est intronisé chez les Maitres-Cuisiniers de France.

Aujourd’hui, il est l’un des acteurs de la haute gastronomie régionale du Sud de l’Alsace dans la région des trois frontières. Face au restaurant, son frère Laurent Kieny, par deux fois finaliste du concours d’un des “Meilleurs Ouvriers de France” en pâtisserie a ouvert une boutique et un salon de thé pour gourmets, pour compléter l’excellence de l’offre culinaire à Riedisheim.

Par Sandrine Kauffer
Crédit Photos ©SandrineKauffer

Restaurant La Poste Kieny
7 rue du Général de Gaulle
68400 Riedisheim
03 89 44 07 71
www.restaurant-kieny.com 


Fermé lundi, mardi midi et dimanche soir
Menu : 26€, 41€, 49€, 61€, 85€
Carte : 70€