“Mangez des fromages au lait cru est un acte citoyen !”

Manger des fromages au lait cru est un acte citoyen, voire de résistance ! Français, préférez à tout autre, un fromage au lait cru, car vous encouragerez sa production, sauvegarderez des traditions, lutterez pour conserver les goûts authentiques, serez garant d’une histoire qui continue de s’écrire, rémunérerez justement un agriculteur, préserverez des paysages ouverts et entretiendrez votre santé.

Comment peut-on fabriquer un fromage vivant avec du lait mort ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : tuer tous microbes et bactéries dans le vilain lait, de peur d’empoisonner le consommateur. Ceci est la version officielle car, à entendre le législateur et les sbires Européens, conseillés par les industriels du lait, eux-mêmes courtisés par les laboratoires pharmaceutiques, manger un fromage au lait cru serait de la pure folie !

Alors on pasteurise, thermomise, microfiltre, déstructure, congèle, stocke et déstocke le sain breuvage primordial, qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Dans les usines ultra modernes et à hauts rendements, l’on trouve plus de machines que d’êtres humains. Quelques techniciens habillés en tenue de cosmonautes alimentaires passent furtivement dans ces lieux sordides, qui ressemblent à des salles d’autopsie. Dans ces antres hyper-aseptisées, des spécialités laitières mortes et dépourvues de goût naissent du génie des fromagers modernes planqués dans la salle des ordinateurs. L’aseptisation totale des lieux ouvre la porte à quelques virulentes bactéries comme la listéria. Sur les tables inox, celle-ci ne rencontre plus de concurrence avec une bactérie ennemie car toutes ont été décimées par la stérilisation. Les problèmes de contaminations et d’empoisonnements naissent dans des usines hyper-aseptisées produisant des fromages à base de lait moribond !

Ceux-là même, qui se targuent de vouloir protéger la santé des consommateurs les empoisonnent !

Mais diable, qui a déjà été contaminé avec un beaufort d’alpage au lait cru ? Ou un Munster d’une ferme-auberge ?

En amont, le paysan et ses vaches (pardon l’exploitant agricole et son élevage bovin) exploite ce qu’on lui demande d’exploiter et produit ce qu’on lui demande de produire : une substance issue du pie d’un mammifère, bio ou pas, avec un rendement le plus élevé possible et un coût le plus bas possible. L’exploitant agricole est exploité car il ne maitrise ni le cours des céréales, ni celui de la viande, ni celui du fourrage en période de sècheresse. Ce sont les industriels du lait et non pas les paysans, qui fixent le prix de l’or blanc liquide. Gaver nos vaches avec ce qui coûte le moins cher ou est le plus riche en protéines a un coût : celui du scandale de la vache folle, car les techniciens agricoles et les producteurs de granulés ont donné à nos bovins, avec la bénédiction des autorités sanitaires, des protéines de porcs… et de vaches.

J’ai passé avec succès en 1997 mon Brevet Professionnel Agricole. Nous étudions alors le rôle des diverses protéines dans le système complexe de digestion des ruminants. Tout y passait, de la farine de poisson à celle de plume. Oui, vous avez bien lu, de la farine de plumes récupérée dans les abattoirs de volailles industrielles : on recycle et on ne dira rien au partisan du camembert-saucisson-canon d’rouge.

Mais tout ça c’est maintenant derrière nous. On vous le dit ! Les vaches folles sont internées et sous médicaments et le consommateur lambda, sous perfusion médiatique, est rassuré. Reste quelques nouvelles inventions : les intrants de nouvelle génération et les OGM !

Mais revenons à nos moutons, à nos chèvres et à nos vaches. Enfant, j’allais chercher tous les soirs le lait à la ferme. Par tous temps, je ramenai mon litre de lait dans le bidon en aluminium. Mes parents ignoraient encore la complexité des différents calciums qui font quelquefois polémiques aujourd’hui. Je ne me souviens pas avoir été malade à cause du lait que ma mère faisait rarement bouillir. Pourtant, le vieux paysan trayait ses vaches au pot, les fesses débordantes de part et d’autres d’un tabouret en bois pourvu d’un unique pied et attaché dans le dos. Les queues, afin d’éviter de fouetter le paysan, étaient soigneusement attachées à un fil de chanvre. Pendant la traite, un silence religieux régnait dans l’étable plongée dans la pénombre. J’entendais les bêtes ruminer, broyer l’herbe fraiche ou, en hiver, le foin et la betterave fourragère conservée en cave.

Mes aïeuls, ma mère, moi-même et mes enfants avons été abreuvés au lait cru que je cherche encore aujourd’hui chez mes amis paysans Michel et Gaëtan. Nous avons tous mangé des fromages au lait cru et continuons à le faire. Les ancêtres génitrices de ma lignée ont toujours apprécié les fromages au lait cru, car il n’en existait tout simplement pas au lait pasteurisé ! Ma femme a mis au monde des jumeaux, bien portant. Pendant sa grossesse, elle n’a cessé d’apprécier des fromages au lait cru, et la veille de l’accouchement à terme, nous étions attablés avec quelques amis autour d’une fondue au fromage AU LAIT CRU ! Alors Messieurs les ronds de cuir de l’Europe, arrêtez vos salades ! Messieurs les Docteurs et scientifiques, interdisez l’emploi des milliers de molécules chimiques et de synthèses employées dans la nourriture et dans le soin des animaux, qui nous offrent leur lait et leur viande. La sauvegarde de la santé publique se joue aujourd’hui sur ce terrain et non pas sur celui des fromages au lait cru !

Oui, manger des fromages au lait cru est un acte citoyen.

Vous défendez l’activité pastorale, la sauvegarde des prairies car, sans les paysans, les chaumes de nos Ballons des Vosges ne seraient que taillis et hêtraies. Vous sauvegardez les races d’animaux adaptées au terroir et au climat. Vous contribuez à soutenir les traditions inscrites dans l’inconscient collectif de nos mosaïques de cultures traditionnelles. Vous encouragez les savoir-faire que nos aïeuls ont patiemment élaborés. Vous devenez acteur d’un développement économique, social et touristique en offrant à nos agriculteurs la possibilité de vivre sur leurs terres du produit de leur travail, en rémunérant sans intermédiaire et au mieux ceux qui nous nourrissent.

Et le goût ! Diable, ces satanés fromages au lait cru, qui me font quelquefois choisir ma destination de vacances ! Ces fromages de France, dont les suaves et fines saveurs sont inscrites au plus profond de nos êtres et devraient figurer au patrimoine mondial de l’humanité !

Françaises, Français, les temps changent, veillez et restez aux aguets. Cesser le nombrilisme franchouillard, qui consiste à continuer à penser que nous sommes uniques et les meilleurs dans l’art et la façon de créer et d’affiner un fromage. Un fait est certain : nos fromages de France se meurent et si nous ne restons pas vigilants, on va se faire manger !

Outre-Atlantique, des fromages au lait cru produits dans les Andes Péruviennes disparaissent.

Au Canada ou en Californie, des centaines fromages naissent, pour l’instant au lait pasteurisé, juste le temps pour les nouveaux consommateurs de comprendre que le lait cru c’est nettement meilleur et plus sain et de donner aux législateurs la possibilité de voter des lois pour interdire les laits bricolés.

On nous pique nos races de vaches, notre savoir-faire, nos fromagers. Et c’est tant pis pour nous, car le Français – Camembert n’avait qu’à se réveiller plus tôt en boycottant les fromages industriels produits dans l’hexagone. Les Japonais, Américains ou Hollandais ne pourront jamais acheter notre terroir, vous savez ? Les petits coquillages calcaires et les galets du Rhin, les brumes tièdes nocturnes des rives de la Garonne, la bise d’automne qui caresse les vignes d’Alsace, les sources du Mont Ventoux, les parfums de la garrigue dans l’arrière Pays Niçois, les futaies des Monts Jurassiens, qui abritent en devenir la micro flore et la micro faune qui joueront un rôle prépondérant et indéniable dans la saveur du Comté, les mille herbes et fleurs sauvages broutées dans ma vallée par nos chères bêtes à cornes. On ne peut nous piquer notre terroir.

De Gaulle affirma qu’un pays qui possède 365 sortes de fromages ne peut perdre la guerre. Il défendait alors nos spécialités au lait cru. Notre Général est mort, mais le mangeur de camembert est toujours là, bien assis sur l’aura de celui-ci, campé sur ses positions et caressant le pénicillium candidum dans le bon sens du poil fongique. Le Français moyen ne sait même pas que le véritable camembert de son enfance est en voie de disparition, peut-être d’extinction et qu’il ne trouvera bientôt plus sur les étagères néonisées des supermarchés qu’un simulacre pasteurisé d’un fromage qui a vendu son âme aux grands groupes laitiers.

Jacky Quesnot, Maitre fromager à Colmar sur Festivitas. ©JulienBinz

Au secours Marie Harel ! On te viole et on te vole. Il y a encore dix ans, des marques centenaires de camembert au lait cru se disputaient le marché. Aujourd’hui, celles-ci ont été rachetées par des grands groupes laitiers, qui stérilisent et pasteurisent, solution plus facile pour eux. Sur la boite (de moins en moins en bois de peuplier) il faut disposer d’une loupe et prendre son temps pour lire en lettre minuscules que ce truc plâtreux est élaboré avec du lait mort. Car les industriels en ont honte, et ne veulent surtout pas réveiller les instincts du Français-camembert. Si nos décideurs de tous bords étaient libres, ils voteraient une loi qui oblige sur tous fromages industriels l’inscription en rouge : Fabriqués avec du lait mort

Festivitas à Mulhouse, début Février. Un salon bien sympathique. Côté gastronomie, tout y est. J’ai le plaisir de partager la scène avec Jacky Quesnot, Maitre fromager à Colmar.
Ce dernier nous éclaire sur quelques fromages au lait cru qu’il a sélectionnés pour le public, attentif et gourmand. Frédéric Voné, sommelier de renom harmonise l’ensemble. Un beau voyage au pays des saveurs ! Et Jacky qui nous parle d’une étude qui met en évidence le rôle des fromages au lait cru sur la santé ! Un constat resté dans les tiroirs.

Cyrille Lohro, MOF fromager “Maison Lorho” à Strasbourg ©JulienBinz

 

Puis vint le lendemain, Cyrille Lohro, fromager à Strasbourg et Saint-Dié, Meilleur Ouvrier de France. L’homme en impose tant par son savoir que par sa corpulence. 500 personnes occupent les gradins, écoutent en silence les mots pesés du Maitre.
La tension monte : Cyrille présente quelques perles rares au lait cru et me fait goûter : je prends des risques en goûtant les fromages qu’il me tend car les mille yeux de la foule me scrutent et sont aux aguets : notre chantre nous fait envie en distillant les propos d’un homme qui connait son affaire. Pendant que l’artiste dresse un plateau de fromages, il nous parle de sa passion. Et l’on apprend que les Suisses sont moins cons que les Français car ils autorisent la fabrication d’un fromage au lait cru issu de vaches libres, normalement nourries et traites au pot, dans les mêmes conditions que celles que j’ai connues dans mon village ! Le lait, en giclant dans le pot, se charge au passage de la microflore qui prospère dans l’étable, celle qui est à la source de l’équilibre de la vie et du gout. Dans la pièce d’à côté, un chaudron de cuivre est posé sur un feu de bois. Les ustensiles sont lavés dans l’eau fraiche de la source et le chat de la maison doit probablement avoir son coussin non loin du foyer.

Car le goût, outre le terroir, l’alimentation de la vache, la nature de la présure, les techniques de fabrications, etc. nait aussi des bactéries présentes dans l’étable. Les Suisses sont moins cons que les Français : ils savent et sauvegardent, affinent patiemment dans une tradition séculaire et en toute bonne conscience les fromages au lait cru car ils ne sont pas dépendants des législateurs Européens. Et pourtant, ces paysans montagnards sont au Pays du monde merveilleux de Nestlé !

Et Cyrille qui en remet une couche, fustigeant au passage les politiques de tous bords, qui probablement ivres de pouvoir, oublient l’essentiel : celui de la sauvegarde de nos traditions paysannes et gourmandes et de nos 365 fromages…au lait cru !

J’ai omis volontairement dans cette chronique de vous parler du Munster, un sujet qui fâche mais qui me tient à cœur. Ce fromage au caractère rebelle sera roi dans une future chronique.

Françaises, Français, résistez ! Ne consommez que des fromages au lait cru !

Par Daniel Zenner