Lundi 6 aout 2018, à 73 ans, Joel Robuchon est décédé à Genève.
32 étoiles Michelin quittent la galaxie culinaire, plongeant brutalement la profession dans la plus grande tristesse et consternation.
Le millésime 2018 accuse la disparition de deux géants de la gastronomie, deux repères, deux icônes, deux symboles culinaires, Joel Robuchon rejoint Paul Bocuse dans le panthéon des illustres cuisiniers.
Les Nouvelles Gastronomiques présentent nos plus sincères condoléances à sa famille et à l’ensemble de ses équipes dans le monde entier.
Lire les hommages rendus par les associations professionnelles.
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Les Obsèques
Ses obsèques de Joel Robuchon auront lieu le vendredi 17 aout 2018, à la Cathédrale de Saint Pierre à Poitiers à 15h
Pour les professionnels qui souhaiteraient et pourraient être présents. La famille serait sensible au fait que les cuisiniers viennent vêtus de leur veste blanche avec une arrivée minimum 1h avant la cérémonie et en tenue professionnelle.
Il s’est éteint des suites “d’une longue maladie”, selon l’expression consacrée. Atteint d’un cancer du pancréas, il avait été opéré l’an dernier.
Sacré “Meilleur Ouvrier de France” en 1976, “Chef de l’année” en 1987 puis désigné “Cuisinier du siècle” en 1990 par le guide Gault Millau avec Paul Bocuse, Frédy Girardet et Eckart Witzigmann, Joël Robuchon était le chef le plus étoilé du monde au guide Michelin avec ses 32 étoiles.
Biographie *
Né en 1945, fils de maçon, dans une famille modeste catholique fervente de Poitiers, où il passe son enfance, il entre à 12 ans au Petit séminaire de Mauléon dans les Deux-Sèvres pour devenir prêtre catholique. Il se découvre une vocation pour la cuisine en aidant en cuisine les religieuses de l’établissement, et s’oriente finalement en 1960 à l’âge de 15 ans vers la gastronomie en tant qu’apprenti cuisinier pâtissier au Relais de Poitiers à Chasseneuil-du-Poitou du chef Robert Auton. Il réalise un tour de France dans de nombreux restaurants, en tant que Compagnons du Devoir et s’initie à la Nouvelle cuisine d’alors, avec entre autres son mentor Jean Delaveyne.
En 1974, il débute sa carrière à 28 ans en tant que chef cuisinier d’une brigade de 90 cuisiniers de l’hôtel Concorde Lafayette dans le 17e arrondissement de Paris, où il est reconnu en 1976 Meilleur ouvrier de France pour son savoir-faire en art culinaire. En 1978, il devient chef cuisinier de l’Hôtel Nikko du 15e arrondissement de Paris, où il décroche ses deux premières étoiles au Guide Michelin.
En 1981, il crée son propre restaurant Jamin à Paris, 32 rue de Longchamp dans le 16e arrondissement de Paris, pour lequel il obtient entre autres les distinctions d’élite des trois étoiles au Guide Michelin en 1984 (à la vitesse record d’une étoile par an), « Chef de l’année » du Gault et Millau en 1987, et « Cuisinier du siècle » en 1989 par Gault et Millau (en même temps que Paul Bocuse, Frédy Girardet et Eckart Witzigmann).
En 1989, il crée son Château restaurant Taillevent-Robuchon à Tokyo au Japon, puis son restaurant « Joël Robuchon » en 1994, 59 avenue Raymond-Poincaré dans le 16e arrondissement de Paris (reconnu meilleur restaurant au monde en 1994 par la revue américaine International Herald Tribune, qui lui confère une renommée internationale, restaurant repris en 1996 par le chef Alain Ducasse).
En 1995, il prend sa retraite de chef cuisinier à l’âge de 50 ans, et se consacre avec le producteur Guy Job, à la transmission de son savoir culinaire, par des émissions télévisées, avec entre autres l’émission Cuisinez comme un grand chef de TF1, Bon appétit bien sûr de France 3, puis de Gourmet TV. Il préside l’importante mise à jour du Larousse gastronomique de 1996, est membre du Comité Colbert pour la promotion de l’industrie française du luxe, du Club des Cent.
En 2003, il crée son concept de restaurant « Atelier Joël Robuchon », en s’inspirant de son Château restaurant Taillevent-Robuchon à Tokyo de 1989, avec un concept novateur de cuisine de grand luxe et de haute gastronomie, ouverte sur la salle des convives, inspirée des bars à tapas d’Espagne et des comptoirs de sushi et de cuisine japonaise ou des maîtres japonais préparent et exposent leur cuisine en spectacle, face à leurs clients. Il le décline en de très nombreux restaurants / salons de thé / pâtisseries / caves internationaux dont les : Restaurant Tokyo atelier, Atelier de Joël Robuchon Saint-Germain et Atelier de Joël Robuchon Étoile de Paris, Monaco, Covent Garden de Londres, New York, MGM Grand Las Vegas, Hong Kong, Singapour, Shanghai, Taipei, Macao, Bangkok, Casino de Montréal, Miami, Genève.
Le 6 août 2018, Joël Robuchon meurt à Genève des suites d’un cancer du pancréas à l’âge de 73 ans.
*Source wikipedia
Témoignage des Maitres Cuisiniers de France
2018 restera dans nos esprits comme une année noire. Je vous écrivais il y a quelques mois mon immense tristesse lors du décès de Monsieur Paul Bocuse. Aujourd’hui l’un des nôtres nous quitte aussi bien précipitamment… Jöel Robuchon…
Le chef aux 32 étoiles, le chef ayant tout gagné, un énorme talent, des qualités exceptionnelles de chef d’entreprise, un incroyable technicien, un des plus investi dans la transmission, nous avons eu l’honneur de lui décerner en mars 2018 le premier titre de la Transmission et du Rayonnement international des Maitres Cuisiniers de France à Macao lors de notre Congrès.
Nous perdons en ce triste jour du jour du 6 août 2018 un mentor, un ami, un cuisinier d’exception, un vrai cuisinier…
Je transmettrai en votre nom à tous nos condoléances respectueuses et sincères à sa famille.
Votre dévoué,
Christian TETEDOIE
Président des Maîtres Cuisiniers de France
Témoignage des Toques Francaises
Tout d’abord Paul Bocuse puis aujourd’hui Joel Robuchon. Deux hommes ayant oeuvré pour la gastronomie francaise sur notre chère planete. Des Hommes avec un grand H…
Humanité, Humilité, Transmission…. 3 mots qui ont été les fondations de sa vie. Trop jeune pour partir, il nous a tant laissés.
L’emprunte Joel Robuchon restera à jamais dans les memoires de tous, admiré et respecté de toutes les generations.
Mr Joel Robuchon nous avait fait l’amitié d’accepter la présidence d’honneur du jury du prochain trophee Jean Delaveyne. Il ne sera pas parmis nous physiquement mais par nos pensées.
Tres enthousiaste également aux actions de la Cuillere d’Or, il devait egalement être à nos côtes pour célébrer les 10 ans de valorisation des femmes des métiers de bouche.
Nous perdons trop tot un des pilliers de la gastronomie française.
Nous adressons nos sincères condoleances à sa famille, ses proches et ses amis.Marie Sauce
Presidente des Toques Francaises
Presidente de La Cuillere d’Or
Témoignage GL Events, le Sirha, le Bocuse d’Or
Le Chef Joël Robuchon nous a quittés.
Chef le plus étoilé de tous les temps, cet immense cuisinier a rejoint Paul Bocuse dans les étoiles. L’un et l’autre ont oeuvré pour perpétuer avec brio l’héritage des pères fondateurs de la cuisine française.
Mais par leur talent, ils ont su lui conférer une dimension mondiale unique au patrimoine culinaire français. Paul Bocuse a ouvert la voie avec bonheur, Joël Robuchon a creusé avec rigueur les sillons en profondeur et sur tous les continents.
Joël Robuchon incarnait la perfection technique, une profonde culture humaniste, une soif inassouvie de curiosité. Voyager avec lui, c’était réellement comprendre « on est ce que l’on mange » tant il était passionné par les cuisines et les arts de recevoir du monde entier. Son abord simple et presque timide contrastait avec son immense popularité. Quand il visitait nos salons, il acceptait de discuter avec tous ceux qui l’approchaient, du jeune apprenti commis de cuisine, les yeux pleins d’étoiles, aux Ministres que l’on sentait intimidés par sa présence. Il savait ainsi tenir des propos de haute tenue philosophique concernant la cuisine et sa transmission devant un parterre de sommités internationales.
Il est resté toute sa vie un compagnon et un cuisinier.
GL Events, le Sirha, le Bocuse d’Or perdent un ami et un guide.
Joël Robuchon a, en effet, accompagné l’aventure Bocuse d’Or depuis la première édition et était encore présent pour célébrer le 30eme anniversaire du concours en janvier 2017. Il a présidé nombre de nos salons, partenaire du Sirha depuis ses débuts.
Au nom de Marie-Odile Fondeur et de tous les collaborateurs de GL Events, j’adresse mes plus sincères condoléances aux proches de Joël Robuchon, à sa famille, à Guy Job, à Eric Bouchenoire et à tous les collaborateurs dévoués que nous croisions régulièrement.
Olivier Ginon,
Président de GL Events
Témoignage de Marc Esquerré Gault Millau
Joël Robuchon : disparition du Cuisinier du Siècle
Joël Robuchon, élu Cuisinier du Siècle Gault&Millau (en 1990) s’est éteint aujourd’hui à l’âge de 73 ans. “Tout au long de l’histoire de notre guide”, se souvient Marc Esquerre, “Nous avons fait à sa table de très nombreux repas mémorables, qui lui valurent de multiples distinctions, dont notamment celui de “Meilleur Repas de l’année” dans notre édition 1983. Voici la chronique que nous avions publiée à l’époque, alors qu’il n’avait racheté le Jamin, rue de Longchamp, que depuis quelques mois. On y mangeait alors pour environ 300 francs à la carte et le “petit” menu était facturé 110 francs et nous lui avions décerné 18/20 (soit 3 toques alors) :
(paru en 1983) “Chacun sait que Joël Robuchon est Meilleur Ouvrier de France (1976), mais seuls les initiés comprendront, en regardant l’illustration de sa carte (un jeune homme pensif et son bâton ; tout au loin, une cathédrale sous un soleil rouge), que c’est aussi un Compagnon du Tour de France, secrète quoique illustre et antique confrérie au sein de laquelle, après de longs et rustiques voyages, Robuchon a acquis, entre autres, le sens de la recherche, de l’humilité, de la réflexion. L’aboutissement, dans l’ancien Jamin, d’une carrière déjà longue, prudente et modeste, malgré mille honneurs, diplômes et ahutes responsabilités, s’exprime dans une cuisine totalement maîtrisée, souveraine. Très inventive, changeante avec les saisons, cette cuisine si situe d’emblée à la lisière des quatre toques par son raffinement suprême, l’équilibre des saveurs, le choix supérieur des produits, les sauces qui ne cachent ni ne rehaussent mais révèlent et se marient, l’extrême légèreté des préparations, la présentation ravissante, la générosité aussi, si rare dans la nouvelle cuisine. Une carte assez courte offre un éventail complet de ce talent, mais elle change, au fil des mois, et vous découvrirez ce que nous n’avons pas encore goûté mais que nous adorerons. Sans doute y seront maintenus la poêlée de langoustines aux légumes, la crème de coquillages en soupière, les filets de rougets à la fleur de thym, les joues de raie printanière, l’agneau rôti en croûte de sel, le lapereau au chou et à l’admirable purée de pommes de terre, la canette au miel, le poulet aux épices, les crêpes au citron vert, plats merveilleux qui assureraient la réputation de dix grands cuisiniers.
Le service dirigé par J.-J Clément, exceptionnel maître d’hôtel, est parfait, le décor beige des murs et vert des plantes est intime, l’addition assez lourde (mais le petit menu est exquis et les petits vins sont entrés dans la grande carte) : le bonheur est garanti.”
Quelques années plus tard se souvient Marc Esquerré
“C’était au printemps 1989. Cela faisait deux mois que j’attendais ce moment. Une table au Jamin. Comme à chaque fois, j’étais excité, intrigué, presque inquiet à l’idée que bientôt il faudrait choisir, et donc renoncer, dans cette carte où l’on aurait envie de tout connaître.
J’avais la chance de ne travailler pour personne, de ne pas avoir de rapport à rendre, pas d’étude chirurgicale de chaque assiette à publier, pas d’interrogations vaguement suspicieuses pour reconnaître quelles épices se dissimuleraient sous la selle de l’agneau.
Je lisais Gault&Millau depuis des années, et pour les mêmes bonnes raisons qu’aujourd’hui. Au point que, en ce moment où l’on pourrait me taxer de partialité, j’ai du mal à penser que parler de « chef étoilé » relève d’autre chose que de la pure paresse journalistique, celle qui « condamne avec la plus grande fermeté » ou qui « fait la part belle aux produits régionaux ».
J’étais donc averti. J’avais croisé la cuisine de Joël Robuchon au Nikko, dans ce cadre improbable à je ne sais plus quel étage, dans une salle aussi laide que les grands immeubles du front de Seine pouvaient en produire dans leurs tours cosmopolites. Je l’avais suivi au Jamin, en respectant les codes, en goûtant le merlan et la purée. Ce devait être ma troisième visite rue de Longchamp. Je ne m’attendais à rien, je n’anticipais rien, donc je m’attendais à tout et je goûtais déjà le plaisir de la patience, celle qui rend meilleure la montée de l’escalier.
Il y avait dans ce salon une atmosphère de recueillement qui emportait l’adhésion. On pouvait y prendre un repas d’affaires, mais cela restait vulgaire, c’était comme arracher un coin de toile de maître pour y noter un numéro de téléphone. On venait chez Robuchon, c’était un moment par avance unique, celui du capo di tutti capi, et de ses assiettes qui frisaient le 20/20. Car c’était bien cela. En soi, les plats n’étaient pas les plus originaux de l’époque, mais il avait poussé le curseur à un tel niveau d’excellence, qu’il était impossible d’imaginer le même résultat en « meilleur ». Quarante couverts, quarante personnes pour s’en occuper et créer une impression durable, quelque chose qui bouleverserait votre génétique du goût
Le moment de la commande passée, j’étais dans les starting-blocks. En face de moi, sur la droite, Serge Gainsbourg était installé sur une banquette, légèrement de travers, presque affalé. Durant tout le repas, il ne quitta pas un manteau de laine à chevrons gris-rose qu’il semblait d’ailleurs simplement avoir oublié. Personne ne vint le déranger, mais tout le monde suivit, jusqu’à sa table, le cheminement de la volaille en vessie qui fut découpée devant lui.
J’avais fait des choix moins spectaculaires. Pourtant, je me souviens comme si c’était hier de ma première bouchée de la crème de chou-fleur au caviar, avec sa gelée de crustacés qui nappait le fond de la petite soupière. Cette justesse dans les températures, les textures, l’assaisonnement, l’impression globalement magique d’un contenu de cuiller, à la fois si frais, si onctueux, si précis dans le dosage des associations, tout était si harmonieux dans les saveurs que cela prenait le goût d’une révélation.
Quand vous alliez chez Joël Robuchon, on vous prévenait, on vous disait « tu vas voir, ce sera parfait ». Et c’était parfait. Il faut pouvoir tenir ce genre de promesse indirecte. J’ai dû manger cinq fois sa cuisine, la dernière fois avenue Poincaré. Je ne regrette pas de n’y avoir fait que ces cinq repas, et pas trente comme certains. Ces cinq-là vous forgent à vie, non seulement une référence culturelle, mais aussi une idée de l’exception. Ce qui est exceptionnel doit rester exceptionnel.
Joël Robuchon sera resté, toute sa vie professionnelle, un chef exceptionnel.
Marc Esquerre
Directeur de la rédaction et des dégustations
Témoignage du Collège Culinaire de France
Le CCF vient de perdre, en la personne de Joel Robuchon, l’un de ses éminents membres chefs Fondateurs.
“Joël Robuchon a été l’un des premiers à s’engager dans la création du Collège Culinaire de France en 2010.
En sa qualité de co-président, il a apporté tout le poids de sa notoriété internationale et du prestige de son talent au service du combat de la cuisine de qualité qu’il considérait beaucoup moins comme un art que comme un artisanat d’art.
Sa démarche, qui se voulait de haute simplicité, faisait largement écho à celle aujourd’hui des 2300 hommes et femmes de métiers, producteurs, artisans et restaurateurs de qualité, qui se battent chaque jour dans chaque ville, chaque village et chaque cuisine de France pour promouvoir et mettre en valeur la transmission et l’avenir de notre patrimoine culinaire artisanal.
Joël Robuchon était un génie visionnaire de la gastronomie qui a bouleversé les codes de la haute cuisine. Il a cherché jusqu’à son dernier souffle à s’adresser au plus grand nombre et à transmettre, pour rendre la cuisine accessible à tous.
Le souvenir de cette passion de passeur restera au cœur de chaque membre du Collège Culinaire de France comme une référence de valeur et de responsabilité pour tous les métiers de l’artisanat culinaire.
Amoureux du travail bien fait, rigoureux, perfectionniste, exigeant, nous le connaissions aussi discret, réservé voire timide, mais toujours soucieux du respect et du soutien des valeurs qui ont présidées à la création du Collège Culinaire de France et de son appellation de qualité.
Son intérêt et son engagement de la première heure resteront à jamais pour le Collège Culinaire de France une garantie et une référence de vigilance et d’exigence sur ce que le mot qualité veut dire pour tous les artisans de l’univers culinaire.
Le Collège Culinaire de France