Dans le cadre du 3ᵉ Festival de la Chasse, Olivier Nasti, Camille Delcroix et Matthias Marc ont signé un menu « Chasse » au Chambard à Kaysersberg.
Prenez place au passe avec les équipes pour écouter le brief des chefs qui présentent chacun leur plat. Deux sont belfortains, deux sont chasseurs, les trois sont forestiers, amoureux de la nature, exaltés par le même amour du gibier et passionnés par les différentes manières de le cuisiner. Découvrez le menu qui met en scène la chasse en quelques bouchées, des accords terre-mer, une bécasse de mer, un colvert, du daim, le Cantal fleur de « Soron » et le « Des cerf » myrtilles.
Les chefs au passe présentent le menu
.
Au Chambard, la troisième édition du Festival de la Chasse s’ouvre sous le signe du partage et du renouvellement.
Pour Olivier Nasti, Meilleur Ouvrier de France et maître de maison, cet événement n’est pas seulement une célébration gastronomique : c’est un manifeste pour la nature, la transmission et la sincérité. « À chaque édition, il faut continuer à surprendre, à grandir, à bien faire », confie-t-il, en évoquant les chefs invités, les artisans, les photographes animaliers, tout comme des détails vestimentaires pour les équipes et des trophées exposés. Le Chambard conserve son âme tout en se parant, le temps de cinq semaines, des couleurs de la forêt.
L’an dernier, le chef publiait Cuisinier chasseur, un ouvrage personnel, né d’une vie passée entre fourneaux et forêts. Il y raconte son rapport intime à la nature, ses marches à l’aube avec son chien, le silence des crêtes du lac Blanc, la beauté du lever du jour. « Je ne vais pas toujours pour prélever, je vais pour observer, comprendre, respirer. » La chasse, pour lui, n’est pas une conquête mais un équilibre : entre le sauvage et la table, entre la main qui cuisine et la nature qu’elle honore. De cette philosophie est née l’idée du Festival de la Chasse, qui s’étend sur cinq semaines, au rythme des saisons et des arrivages. Gibiers à plumes et à poils se succèdent : biche, cerf, lièvre, colvert, cailles, sarcelles, gélinottes… chacun trouvé, respecté, sublimé. « Tous les gibiers arrivent en même temps, explique-t-il. Il faut choisir, consacrer chaque semaine à une espèce, à un territoire, à une émotion. »

Pour la première fois cette année, le chef innove avec la création du Championnat du Monde de la Tourte de Gibier, une idée née presque naturellement de son goût pour les concours. « Les concours ont toujours fait partie de ma vie. J’en ai perdus, j’en ai gagnés, j’en ai transmis à mes apprentis. Cinq d’entre eux ont été Meilleurs Apprentis de France : c’est ma plus belle fierté. » En organisant cette épreuve exigeante, Olivier Nasti perpétue une culture du geste, de la technique et de la transmission. La finale aura lieu au Chambard le 18 novembre 2025, devant un jury composé de grands chefs et de palais reconnus.
Depuis trois ans, le festival a déjà rassemblé une cinquantaine de chefs. « Quand je propose à quelqu’un de venir, la réponse est presque toujours oui », sourit-il. L’amitié, le respect et la passion servent de fil conducteur. Parmi les invités de cette édition, Camille Delcroix et Matthias Marc incarnent cette jeunesse qu’il admire : « Ce sont deux chefs sincères, habités par une vraie sensibilité. Ils ont prouvé que la cuisine médiatisée pouvait rester authentique. » Leur menu à six mains illustre cette fraternité culinaire autour du gibier, chacun y apportant sa vision et sa technique. « Je veux que les chefs s’expriment librement. Je ne leur impose rien : ils proposent, et moi, je compose autour d’eux. C’est dans cette rencontre de regards que naît la richesse du menu. » Entre nature, gastronomie et transmission, Olivier Nasti fait du Festival de la Chasse un espace vivant où la forêt, la cuisine et les hommes se répondent : une célébration de la noblesse du gibier et de la sincérité du métier de cuisinier.
Entretien Olivier Nasti
.
Dans les cuisines du Chambard à Kaysersberg, l’effervescence précède un dîner d’exception. Olivier Nasti orchestre avec précision les derniers préparatifs d’un menu entièrement consacré au gibier. Le chef alsacien, passionné de nature et de terroir, célèbre cette année la troisième édition du Festival de la Chasse, imaginée comme une fête dédiée à la saison, au partage et au vivant. « Je travaille la chasse toute l’année, c’est ma cuisine, mon quotidien. J’ai simplement eu envie de faire la fête autour de cette saison », confie-t-il. Sans calcul ni stratégie, le projet est né d’un désir sincère de transmission. Le chef évoque le plaisir d’ouvrir sa maison à d’autres cuisiniers, pour l’émulation qu’elle suscite, la joie qu’elle procure aux équipes, et la curiosité renouvelée des clients. Dans ce menu pensé comme un hommage à la nature, le gibier se décline en variations de textures et d’intensités.

Au-delà du menu, Olivier Nasti défend une conviction : le gibier doit retrouver sa place dans la gastronomie contemporaine. Produit sain, naturel, pauvre en gras, il incarne pour lui un équilibre parfait entre goût, éthique et transparence. « C’est du 100 % sauvage, rappelle-t-il. On sait d’où il vient, il vit librement, sans antibiotiques, sans artifices. À nous de le travailler avec finesse, parce que les palais ont changé. La clientèle recherche désormais la délicatesse plus que la puissance. »
Ce rapport au vivant, qu’il transmet à ses équipes et à ses convives, s’enracine dans une vision du métier comme prolongement d’un écosystème.
Chasser, cueillir, pêcher, comprendre la nature avant de la cuisiner : tout cela forme, selon lui, une même culture du respect et de la cohérence.
Dans cette maison alsacienne où la rigueur se mêle à la sincérité, Olivier Nasti affirme une fois encore sa singularité : celle d’un chef ancré dans la terre, fidèle à la montagne, porté par une vision qui fait de la cuisine un acte de transmission et d’harmonie avec le vivant.
« La chasse n’est pas un acte de domination, mais un dialogue silencieux entre l’homme et la forêt. »
Matthias Marc incarne une nouvelle génération de cuisiniers enracinés et visionnaires. Formé auprès de Michel Portos, Christophe Moret et Amaury Bouhours, il ouvre en 2018 Substance à Paris avec Stéphane Manigold, au sein du groupe Éclore. Il obtient en 2022 une étoile Michelin et une note de 16/20 au Gault & Millau. Originaire du Jura, il signe une cuisine d’auteur où se rencontrent nature, terroir et modernité. En 2023, il publie In Situ, recettes d’un cuisinier du massif jurassien, manifeste intime de sa cuisine de cœur et de territoire.
Entretien Matthias Marc
.
« Je ne suis pas chasseur, mais je viens d’une famille de chasseurs. J’ai grandi dans un village de 300 habitants où la moitié des gens chassaient. Ma famille est exploitante forestière depuis six générations. J’ai grandi dans une maison à l’orée du bois. Depuis ma fenêtre, je voyais des cerfs, des chevreuils… C’est mon univers. » Amoureux du Jura, il évoque son goût pour le vélo de descente, les trails, la cueillette des champignons et des herbes sauvages. En 2022, lorsqu’il décroche sa première étoile, il vient la fêter au Chambard avec ses parents : « C’était un moment inoubliable. Je suis tombé amoureux de la vision d’Olivier, de ce qu’il incarne à travers cette maison : un écosystème complet, cohérent, ancré dans le terroir. »
À Paris, Matthias Marc observe deux univers : « Dans le 16ᵉ, aucun problème, c’est un arrondissement de chasseurs. On peut proposer du gibier, il y a une vraie demande. »
Sur ses cartes, il a déjà travaillé le chevreuil, le cerf et les tourtes de gibier à plume. Pour le dîner au Chambard, il revisite un dessert imaginé lors d’une épreuve de Top Chef : un dessert à la myrtille et au cerf séché, hommage à la région et à ses souvenirs du Lac Blanc. « Cuisiner ici, c’est un honneur. La cuisine, c’est le partage, l’échange et la transmission. Ce soir, ma femme et mes parents sont dans la salle, c’est un moment précieux. »
Camille Delcroix, chef du restaurant Bacôve à Saint-Omer, s’impose comme l’un des visages emblématiques de la jeune gastronomie française. Lauréat de Top Chef 2018, il ouvre en 2021 sa propre table, récompensée d’une étoile Michelin en 2024. Originaire du Nord, il revendique une cuisine profondément ancrée dans le terroir des Hauts-de-France, entre marais, terre et mer. Formé aux côtés de Marc Meurin au Château de Beaulieu, il conjugue rigueur technique et sensibilité gourmande.
Entretien Camille Delcroix
.
Issu d’une lignée de chasseurs et de bouchers-charcutiers-traiteurs, Camille Delcroix revendique un lien intime avec la venaison. « J’ai été élevé par un père, un grand-père et un arrière-grand-père chasseurs », confie-t-il. Pour lui, cuisiner le gibier, c’est travailler un produit naturel, écologique et décarboné, provenant d’animaux sauvages nourris d’éléments sains. Il milite pour une approche globale, « de la tête à la queue », en valorisant les abats, joues, colliers ou pièces oubliées. Dans sa famille, le gibier se préparait dès le lendemain de la chasse : terrines, viandes séchées, fumées… un savoir-faire transmis de génération en génération. Dans son restaurant, cette filiation se reflète dans la décoration : trophées, couteaux en andouillers de cerf, manches en bois de chevreuil.
Camille Delcroix défend une vision moderne du gibier : fini les longues marinades au vin rouge qui resserrent les chairs. Il privilégie les cuissons lentes, les notes d’agrumes et d’acidité, pour sublimer la finesse des viandes. « Une selle de chevreuil juste rosée, c’est délicieux », sourit-il. Pour le dîner au Chambard, il signe deux plats : la bécasse de mer, un rouget barbet travaillé comme un lièvre à la royale, et un dos de daim cuit rosé, accompagné d’une sauce poivrade aux agrumes. « C’est un rêve de pouvoir travailler ici, dans un lieu aussi structuré, aussi proche du produit », confie-t-il, avant d’ajouter : « Je suis trop heureux d’être ici, de cuisiner avec des gens que j’admire et avec qui je m’entends très bien. »
Par Sandrine Kauffer
crédit photos et vidéos ©Sandrine Kauffer
MENU
La Chasse en quelques bouchées
Feuille à feuille d’anguille, foie gras d’oie,
compotée de lièvre et vinaigrette aux airelles sauvages
« L’Insolite »
Le roi des forêts alsaciennes en tartare, Caviar Osciètre « Maison Kaviari »
La Bécasse de la mer
Jus d’arêtes lié au foie et au sang, choux-fleurs, sabayon safran des Hauts-de-France
Le Colvert
Carotte rôtie, sauce XO citronnelle
Le Dos de daim juste rôti
Salsifis à la bière noire, pâte de coing et beurre noisette chlorophylle, sauce poivrade
Le Cantal fleur de « Soron »
Sélectionné par les amis Lorho
Le Des cerf myrtilles
« Le vrai chasseur ne conquiert pas la nature, il s’incline devant elle. » — Proverbe ancien revisité


