Daniel Zenner et sa fille, en duo sur le nouveau guide des fermes-auberges

Le guide des Fermes-Auberges de Haute-Alsace

Les 4500 exemplaires du nouveau Guide des Fermes-auberges de Haute-Alsace sont enfin sortis de leur carton. Confinés dans un hangar, ils attendaient qu’une vie à peu près normale reprenne, après la terrible onde de choc générée par un virus mondial. Les librairies, comme les Maisons de la Presse, ont enfin réouvertes. Les fermes-auberges, quant à elles, subissent les mêmes impératifs que les contraintes imposées au secteur de l’hôtellerie-restauration. Il faudra encore attendre de longues semaines, pour pouvoir apprécier et vivre en toute quiétude, le plaisir de s’attabler dans ces établissements.

Pourquoi un nouveau guide ?

Le précédent datait de plus de six ans. Comme dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, des établissements cessent leurs activités, d’autres rejoignent le réseau. Quelques fermes-auberges changent de propriétaire. D’autres, adaptent leurs menus à de nouvelles sollicitations des clients, en proposant des produits bios, en les cuisinant différemment. Certaines diversifient leurs pratiques et leurs productions agricoles.

 

Le nouveau guide de Fermes-Auberges. En vente 10 €
Les infrastructures des fermes-auberges s’adaptent alors à un changement dans ce monde agricole en perpétuelle mutation. Les accès, les jours de fermeture, les informations pratiques évoluent. La cuisinière veut proposer un menu du jour en fonction de la disponibilité d’une carcasse de génisse Vosgienne. J’ai aussi raconté des histoires de vaches, en lien avec leur environnement et les gens qui les soignent. C’est un peu toutes ces nouvelles informations qui sont inscrites dans ce nouveau guide, qui se veut pratique et parfaitement mis à jour. En ce qui concerne la rédaction, j’ai privilégié le côté humain. J’ai écouté toute la famille. J’ai consigné des émotions. J’ai véritablement écrit, plutôt que d’énumérer une suite de plats ou d’informations impersonnelles. Puissent les pages refléter l’âme de chaque ferme-auberge et de ses occupants !

 

Les roïgabrageldi à la Wassmatt

En 2006, c’est à dire il y a 14 années, j’avais déjà écrit l’ancien guide, réédité et rafraîchi plusieurs fois durant cette période. Pendant mon périple courant 2019, j’ai auditionné les enfants des fermiers-aubergistes qui tenaient l’établissement en 2006 !

Certes, les parents ne sont jamais bien loin, toujours actifs, à donner un sérieux coup de main, tant à l’étable qu’en cuisine. Certains jeunes agriculteurs ont révolutionné la façon de travailler, de produire, de communiquer, dans un soucis de la préservation de l’environnement.

 

La ferme-auberge n’est pas un restaurant

Dans ce nouveau guide, l’accent a été mis sur le fondement de l’activité de ces établissements. Avant d’être un lieu de convivialité et de restauration, une ferme-auberge est d’abord le prolongement d’une activité agricole qui fournit la base des matières premières proposées à l’auberge. La cuisinière qui s’active derrière les fourneaux, la personne de salle qui vous sert, est bien souvent, quand l’auberge est fermée, assise sur un tracteur pendant la fenaison, en train de réparer les clôtures ou d’entretenir une prairie permanente. L’ouvrage, en toute saison, ne manque guère. Ce que vous trouverez dans votre assiette est le reflet du travail de l’agriculteur.

Au Gustiberg

 

Au chant du coq, le paysan-cuisinier-boucher-charcutier-fromager est bien souvent dans la salle de traite. Il regagne ensuite la fromagerie ou la salle de transformation des viandes.
Non content d’un emploi du temps bien chargé, il est bien souvent aussi à ses heures perdues, directeur des ressources humaines, gestionnaire d’une entreprise agricole et de restauration, et même quelquefois comptable…

Le fermier-aubergiste est un sculpteur de paysage

Grâce à ses connaissances et à sa fonction d’éleveur, il entretient et sculpte les paysages. Sans la présence des vastes troupeaux sur nos prairies de montagne, point de Hautes-Chaumes : les espaces ouverts se fermeraient. La Route des Crêtes deviendrait une route de montagne, bordée de part et d’autre de forêts et de landes. On ne pourrait plus profiter du panorama, découvrir au détour d’un sentier, l’arête rocheuse impressionnante du Spitzkoepfe, les lacs en contrebas des chaumes nues. On ne verrait plus arriver de loin les brumes d’automne portées par un grand vent. Le soleil qui perce les nuages opaques ne serait plus qu’un lointain souvenir. L’arnica, la gentiane, le fenouil, le serpolet, la digitale, la grande campanule, l’aconit disparaitraient. Chênes verts, genêts, ronciers et fougères envahiraient les derniers espaces ouverts. Si les paysages se fermaient, l’atteinte à la biodiversité serait irréversible. Les orchidées reviennent chaque année grâce à l’activité pastorale. Les myrtilliers se régénèrent plus facilement par le piétinement des animaux. Les reliques de la flore de l’époque glacière est préservée et le lis martagon a encore de beaux jours, non loin des tourbières du Frankenthal.

Lumières d’automne au Gsang

 

Schissrot, seestaedlé

Pour nourrir son troupeau, le marcaire doit aussi couper du bois, défricher, couper les genêts, ouvrir un chemin, installer une clôture, drainer quelquefois une zone humide, ou capter une nouvelle source. On les nomme quelquefois “les jardiniers des Hautes-Vosges”.

Lors de la dégustation d’un siesskass sur la terrasse d’une grande ferme-auberge située sur la Route des Crêtes, j’entends une personne émettre le fait que 160 couverts ont été servis ce jour. “Ce n’est plus une auberge, c’est un restaurant” dit cette personne, venue sur les Hautes-Chaumes pour apprécier le paysage et cueillir des myrtilles. Je me suis permis de lui expliquer, que justement, si elle pouvait jouir du paysage et ramasser encore des brimbelles, c’était grâce au travail du fermier-aubergiste qu’elle décriait, car celui-ci entretient le paysage avec son troupeau de 150 bovins !

Les fermiers-aubergistes : des avant-gardistes !

Les circuits courts, l’économie locale, la vente directe, la qualité des produits, le bien-être animal, la protection des ressources et de l’environnement, la transformation et la valorisation des produits issus de la ferme, voilà qui s’inscrit dans une mouvance actuelle, plus que jamais au goût du jour. Les AMAP, les Ruches, les magasins de producteurs, les marchés paysans se développent.

Le consommateur veut de plus en plus savoir de quoi est composée sa nourriture, comment elle est produite, où et par qui. Les fermiers-aubergistes sont précurseurs en ce domaine. Ils ont compris avant d’autres, qu’en transformant leurs productions, il bénéficiaient d’une plus-value. Plus que jamais les fermes-auberges inscrivent leur aventure dans l’ère du temps.

Munster au Rothenbrunnen

Menu Marcaire, menu unique ?

Soupe du jour, roïgabrageldi, kassler, salade verte, fromage, tarte de saison.

Voilà le menu Marcaire “traditionnel” servi autrefois dans presque toutes les fermes-auberges. Aujourd’hui, ce menu tend à disparaître, sauf sur la Route des Crêtes et le massif du Petit Ballon. “Les clients le réclament” me disent les patrons. Si ce menu existe toujours dans moins de la moitié des fermes-auberges du Haut Rhin, il est complété par des suggestions du jour ou d’autres plats, plus en phase avec les productions de saisons.

Daniel Zenner ; Heureux au Schnepfenried

 

Tarte aux myrtilles au Gaschney
Dans la plupart des établissements, vous n’aurez guère le choix que de commander le menu du jour, ce qui est crédible et bienvenu dans une ferme-auberge. Certaines fermes-auberges n’ont ni carte, ni menu. La suggestion du jour sera un pot au feu, car une bonne vieille vache est passée la semaine avant, de vie à trépas. Des repas à thème sont souvent proposés, comme des cochonnailles, ou des festins, lors des fêtes de la transhumance. Vous pouvez aussi commander des plats pour des groupes.

 

Siesskass glacé du Kahlenwasen
Et si le jour de votre visite, il n’y a plus de tarte aux myrtilles, prenez un siesskass ! Dans une ferme-auberge, vous n’êtes pas en droit d’exiger les mêmes services que dans un hôtel-restaurant !

Une belle aventure humaine

La salle chaleureuse de la Wassmatt ©Sandrine Kauffer-Binz

Avec ma fille Léa, chargée de capter en image la vie dans les fermes-auberges, nous avons parcouru pendant l’été et l’automne 2019, le Massif des Vosges, de Sainte-Marie-aux-Mines au Ballon d’Alsace, à la rencontre des gens attachés à leur terre et à leurs traditions. Le paysan ne se dévoile pas facilement.

Heureusement que tous me connaissaient ! Partout, Léa et moi avons eu un accueil chaleureux, même quelquefois avant et après un service difficile. J’ai découvert, parmi la nouvelle génération, des jeunes agriculteurs pleins de projets, ou ayant déjà repensé leur métier dans le monde d’aujourd’hui. Avec beaucoup d’émotions, j’ai eu l’impression, dans trois fermes-auberges, d’être passé la veille. Depuis quatorze années, pour mon plus grand bonheur, rien n’avait changé. Sauf le tas de bois devant la ferme !

Mes coups de coeur

En exclusivité, et pour les lecteurs des “Nouvelles Gastronomiques”, voici, sans chichi et en vrac, quelques coups de coeur-émotions vécus lors de mon périple.

Je ne vous parlerai ni de l’accueil, ni de la gentillesse ou de la disponibilité de mes hôtes, car partout, Léa et moi avons été fort bien accueillis.
Ostein, Entzenbach, Bruckenwald, Felsach, Gustiberg, Gsang : pour vivre une expérience simple, authentique et hors du temps. Penser à visiter les fermes-auberges dans les vallées de Thann et de Masevaux !
Les lawerknepfla, les roïgabrageldi, les fromages, au Gaschney.
La bière, les charcuteries, la bonne cuisine familiale, au Chalet Pierre. Les chambres douillettes.
La tourte, la pierrade, les charcuteries au Salzbach. La terrasse.
Les grillades au feu de bois, le siesskass de chèvre, la délicieuse viande de cochon de la ferme, servie aux Buissonnets.
Au Grand Langenberg : l’authenticité du lieu douillet, chaud, petit. La tarte au fromage, les fromages, les sirops d’herbes sauvages.
Le gratin de poêlée marcaire à la Graine Johé.
Veau de lait, charolais bio, flan aux oeufs, au Haag.
Le cadre naturel et le siesskass au Lac du Forlet.
Le cadre spacieux et lumineux du Lochberg. Les fromages et le vrai cochon. Simplement bien manger des produits authentiques.
La cuisine servie au Schnepfenried : résolument excellente, généreuse et accompagnée d’une carte des vins digne d’une grande maison ! La viande de veau de lait est sublime.
Le marbré des Vosges et la cuisine aux fromages au Hahnenbrunnen.
Pommes de terre confites au beurre, lapin fermier, tchic, au Pré Bracot.
Opulent boeuf gros sel avec son consommé, au Buchwald. Fromages.
Saucisse au Bargkass, toutes charcuteries, le cadre au Treh.
Les charcuteries, les roïgabrageldi, les tartes, les pic-pic, les fromages au Glasborn.
La merveilleuse cuisine parfaitement mitonnée, les légumes, au Gresson. Lieu douillet, sensible, charmant. Pour un séjour au calme en pension dans les chambres coquettes et propres. Et on n’y vient qu’à pied.
La tourte, le munster coiffé, les gröstel, la terrasse, au Strohberg.
En cuisine et en salle : une affaire de femmes au Hinteralfeld !
La viande fumée, la tête de veau, le pot au feu, l’omelette, les patates au lard, les tartes, au Baerenbach.
La cuisine de Philippe Batman. Viande de boeuf séchée, pâté en croûte, “Tessinoise” et viande de salers à la plancha. Le fabuleux troupeau de 120 bovins dans un paysage époustouflant au Wissgrut.
La tourte, les roïgabrageldi, le munster coiffé, le siesskass, le strudel, le bargkass, au Musmiss.
La gastronomie, au Christlesgut, de l’entrée au dessert. Carte, menus, suggestions à l’ardoise. Carte des vins digne de ce nom. Un séjour en amoureux dans les chambres coquettes s’impose.
Le cadre, l’authenticité du lieu. Les plats bien mitonnés, les fondues au veau ou au boeuf, les fromages, le siesskass glacé, au Kahlenwasen.
Les charcuteries, les pommes de terre, les lawerknepflas, à la Wassmatt.
La tête de veau au Uff Rain.
Les escalopes de veau, le burger maison, la tourte, le siesskass, les fromages dont le “Geissala”, au Rothenbrunnen.
La bonne cuisine familiale, les légumes frais, les tartes aux myrtilles, les fromages, au Schafert.
Les charcuteries, le gibier, le baekaoffa, à la Glashütte.
Fleischnaka, viandes de boeuf et veau, la “Gourmande fromagère”, au Freundstein.
Quiche au munster, charcuteries fines, sauté de cabri, gibiers bien cuisinés, yaourt, au Kohlschlag.
La bonne cuisine d’Annick avec les produits de saison et issus de la ferme. Rôtis succulents, fondue aux trois fromages, tourte parfumée, délicieux chèvre chaud, au Grand Ballon.
Succulentes charcuteries, viande de Limousine, légumes frais, cueillettes sauvages, au Thannerhubel.

Par Daniel Zenner

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Le fumoir du Baerenbach
Les fleischnaka au Freundstein

 

Marbré des Vosges au Hahnenbrunnen