“Le Lierre terrestre: une de mes plantes fétiches!” par Daniel Zenner

Les saisons passent et se succèdent, à leur rythme cent mille fois millénaire. Ce cycle semble immuable. On sentirai presque un parfum d’éternité. J’attends chaque saison, les plantes, fruits et légumes du moment. Cette année, le printemps, bien que déjà un peu trop sec, occupe naturellement sa place dans la course du temps. La violette a très tôt offert le nectar enivrant, né en son intimité profonde, aux bourdons et petits coléoptères. Les fleurs parfumées de la primevère élevée sont déjà montée en graines; il ne reste plus que la rosette basale, dont les feuilles grasses et pleines se gavent frénétiquement de la lumière encore bien présente sous le couvert forestier juvénile. Les boutons d’ail des ours ont déjà accouché des fleurs blanches; les feuilles jaunissent, flétrissent. Elles accueillent, côté terre, une population nombreuse de petits escargots. Le poireaux des vignes a érigé sa longue tige pour développer son panache éclatant de petites fleurs violette.

Le lierre terrestre quand à lui, est en forme: il renforce sa tige florale, agrandit ses feuilles en forme de coeur crénelé, égaye l’ensemble de petites fleurs bleu foncé, dont la beauté se révèle à celui qui prend le temps de les regarder.

Abondant, il colonise sans complexe les jardins, pelouses, friches et bords des chemins. Il rivalise d’audace pour émerger aux côtés des orties et de l’égopode. Grâce à ses tiges rampantes, il va où bon lui semble. Généreux, il se permet une double floraison, une au printemps, l’autre en automne.

Le Lierre terrestre en cuisine

Son emploi est attesté en cuisine depuis l’Antiquité. Les Vikings et les Celtes s’en servaient pour clarifier et conserver la bière et sans doute pour lui conférer un goût sauvage. Les parfums puissants de ses feuilles entrent dans la composition du thé suisse. Pas étonnant, car je lui trouve des senteurs de menthe, d’humus, de camphre, de chlorophylle et de citronnelle. Voilà qui est susceptible d’intéresser au plus haut point le cuisinier curieux à la recherche de saveurs étranges. Sa finale légérement amer lui donne sa carrure et sa charpente. Sa saveur unique, complexe et puissante s’harmonise avec une multitude de mets et de préparations, tant salés que sucrés ou… sucrés-salés!

Je l’emploi sans façon en soupe, enfermé dans un blanc de pintade, dans un beurre ou un coulis d’herbes, en vinaigrette, haché sur un poisson rôti ou en sorbet sur une compotée de rhubarbe. Fort en goût, son emploi doit être dosé homéopatiquement. Il est en quelque sorte une herbe-épice. Il relève aussi, à l’égal du persil, les viandes un peu fades, comme les grenouilles, le veau, le poulet, et excelle en compagnie d’une poêlée d’escargots sauvages.

Côté plante médicinale

Voilà une excellente alliée. Nommé “Herbe de Saint Jean”, le lierre terrestre représente la chaleur et la féminité. Il nous nettoie et nous garde humbles en nous ramenant les pieds sur terre.
Je récolte cette panacée en ce moment. Je la sèche doucement à l’ombre, puis l’enferme dans un sac papier.
Dès que l’angine ou le rhume menace, je plonge feuilles et fleurs dans l’eau chaude et bois sans retenu, plusieurs fois par jour, ma tisane salvatrice. Sainte Hildegarde, née en 1098 et disparue en 1179, (record de longévité pour l’époque), en consommait sans modération. Elle conseillait même de se rincer la tête avec une décoction pour éloigner toutes les maladies du crâne et du cerveau. Autrefois, dans les campagnes, il était cuit dans du lait pour soigner les bronches. Culpeper le prescrivait pour soigner un œil au beurre noir, s’accorderait-il donc avec une aile de raie…au beurre noisette?
Notre bien modeste lierre terrestre épouse la famille des Labiées, une famille formidable qui compte parmi ses membres, la menthe, la lavande, le basilic, le thym, le romarin, la sauge, merveilleuses plantes indispensables aux cuisiniers.

Mais attention, elle n’a aucun lien de cousinage avec le lierre grimpant, celui qui couvre le sol, grimpe aux arbres ou recouvre les façades de certaines maisons. Ce dernier est toxique pour les humains, mais ses baies noires automnales régalent les oiseaux.

Pour les professionnels, suivez un stage avec Daniel Zenner au CEFPPA

Si vous voulez découvrir les plantes sauvages, je donne un stage via le CEFPPA le mercredi 03 et jeudi 04 mai 2017.
Ce stage est pris en compte pour les artisans des métiers de bouche dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Renseignements au CEFPPA. A ce jour, il reste des places.
Demandez Lionel Barret au 03 90 40 05 10

Pour le grand public, ballade et diner chez Hubert Maetz

Pour le grand public, j’ai encore une unique balade le vendredi 19 mai 2017

RDV à 17h au Rosenmeer, le célèbre restaurant étoilé d’Hubert Maetz à Rosheim. Dîner sur le thème des herbes et fleurs de saison, en cinq plats, boissons comprises. 70 € TTC. Réserver directement au Rosenmeer au 03 88 50 43 29. Place limitées.

En vous souhaitant un excellent printemps

Par Daniel Zenner