Christian Prudhomme : La grande boucle est bouclée

Depuis 2007, Christian Prudhomme est le directeur du Tour de France. L’ancien journaliste sportif sur RTL, Europe 1, Eurosport, LCI et La Cinq, passé rédacteur en chef de France Télévisions, fut de nombreuses années le commentateur du Tour de France, avant d’en devenir le directeur. « C’est le Tour de France qui m’a donné envie de devenir journaliste, car gamin, avec mon père et mon frère, j’écoutais Jean-Paul Brouchon commenter les 100 derniers kilomètres sur France Inter. C’était passionnant, je vibrais ! Mon père était médecin et infirme. Il adorait le sport par procuration et m’a transmis cette passion. J’ai eu envie d’être le témoin et de raconter à mon tour, à ceux qui ne pouvaient pas voir, la plus grande compétition sportive, itinérante et annuelle au monde ! »

Sous la direction de Christian Prudhomme, le Tour de France a connu plusieurs évolutions, notamment la sécurité des coureurs, le contrôle du dopage, l’internationalisation et la retransmission des étapes dans 190 pays, sans oublier la féminisation de la course. L’ASO (Amaury Sport Organisation) a pérennisé l’épreuve du « Tour de France Femmes », sur huit jours de course en 2022, soit 33 ans après la dernière édition.

Entretien

Dans les rayons de Jean-Marie Leblanc

Né le 11 novembre 1960 à Paris, Christian Prudhomme cite volontiers ses origines alsaciennes maternelles. « Ma mère est née à Olwisheim, au nord de Strasbourg et mes grands-parents habitaient à Illkirch près de Strasbourg. Je venais chaque année en vacances pour voir mes cousins ». Il décroche son diplôme à l’École supérieure de journalisme de Lille.  Il fait du journalisme son métier, passionné par le sport en général et le cyclisme en particulier. C’est Raymond Pulidor qui l’a fait rêver. Dès la fin des années 1980, il apparait dans l’émission TéléFoot de Pierre Cangioni sur La Cinq, avant de devenir journaliste sportif sur France Télévisions, participant à la création de L’Équipe TV en 1998. Il commente plusieurs éditions du Tour (de 2001 à 2003) et anime l’émission Stade 2 de 2000 à 2003.

Les astres se sont bien alignés et sa trajectoire le positionne dans les rayons de Jean-Marie Leblanc, son prédécesseur, qui le forme de 2004 à 2007, au sein du comité directeur du Tour de France. « Un homme magnifique, qui m’a complètement adoubé. Il m’a emmené à tous ses déjeuners et dîners avec des élus pendant trois ans pour me présenter ». Christian Prudhomme lui succède et dirige l’une des plus grandes compétitions internationales de cyclisme sur route. La grande boucle est bouclée. Il cumule à ses responsabilités, celles de la vice-présidence de la Ligue nationale de cyclisme (LNC) depuis 2008 et la présidence de l’Association internationale des organisateurs de courses cyclistes (AIOCC) depuis 2011.

En 2017, pour marquer sa décennie à la tête du Tour de France, et revenir sur son parcours, Christian Prudhomme se livre dans un livre « Coulisses et secrets du Tour de France », écrit avec Jean-Paul Ollivier Il se souvient de son premier départ donné pour le 94ème Tour de France à Londres en 2007. « Ce fut enivrant. J’avais du mal à croire à ce qui m’arrivait. Tout ce que j’ai aimé jusque-là, se trouvait réuni dans un même creuset, qui s’appelle la passion du Tour de France. Je n’arrêtais pas de rouler et de dérouler mon drapeau, debout dans la voiture. J’étais seul au monde. Et depuis, mon seul but est de faire aimer aux enfants le tour de France, comme moi je l’aime et comme il m’a fait rêver. Ma finalité est de transmettre cette passion aux jeunes générations ».

Tour de France de la Gastronomie

« Pour être le directeur du Tour de France, il faut la foi et un bon foie », sourit-il. « Je suis un privilégié absolu, puisque je fais le tour de France de la gastronomie. Les restaurants sont des lieux privilégiés pour faire connaissance, découvrir une région, ses habitants, et ses représentants. S’asseoir, prendre le temps de déguster un bon vin, un bon plat et un spiritueux, sont le socle pour nouer des liens de confiance. Je suis un amateur de whisky et mon dernier voyage en Ecosse m’a offert une dégustation d’un dîner 100 % whisky». L’interview s’est déroulée lors du lancement du premier whisky fruité « Les Belles Filles » des Grandes Distilleries Peureux. Ce whisky met à l’honneur La Planche des Belles Filles, étape mythique du Tour de France. « Des grands noms du cyclisme l’ont gagnée et depuis 2012, les quatre premiers ont chacun, à leur tour, remporté le tour de France », atteste le directeur.

Christian Prudhomme, Yves Krattinger, Elodie Naslin et Bernard Baud, présentent les Belles Filles ©Sandrine Kauffer

Le Tour de France et la gastronomie partagent une profonde connexion, car tous deux sont des symboles de la culture française, attirent un public international et valorise le terroir avec une exposition des produits locaux et des spécialités culinaires. Les deux créent des moments de communion sociale, de convivialité, avec un partage d’expériences et la construction de souvenirs. « Le tour de France valorise la gastronomie de nos terroirs, suivi par 10 à 12 millions de téléspectateurs ». Depuis toutes ces années, Christian Prudhomme a noué des relations privilégiées avec certains chefs comme « l’incroyable Jean Sulpice, capable de courir l’étape régionale puis d’aller en cuisine ». Il confie que sa regrettée sœur, était l’assistance de l’un des patrons du guide Michelin, c’est dire si Christian Prudhomme, est aux faits des métiers de la gastronomie, leur témoignant beaucoup de respect.

Revoir le lancement du premier whisky fruité « Les Belles Filles »

Les serveurs sont des biathlètes

« Mes fonctions me conduisent souvent au restaurant. J’observe les métiers de la salle, que je compare au biathlon, avec d’une part un effort sportif durant le service du fait de courir et porter des plateaux et d’autre part, garder son calme, sa concentration et mémoriser les commandes avec la progression du service. Ils ont la culture des plats, doivent établir une belle relation avec la clientèle, usant de répartie ou d’humour si nécessaire. Je suis impressionné, car certains sont en plus capables de me vendre un dessert, alors que je n’ai plus faim », s’amuse-t-il. « Ce métier représente un défi physique et mental extrême et du sang-froid. Comme les coureurs cyclistes, ils sont soumis à une certaine pression, où les attentes sont élevées et la préparation minutieuse. » Christian Prudhomme est d’autant plus observateur, qu’il s’est fixé pour objectif d’apprendre à cuisinier une fois à la retraite. « Je m’y mettrai car je vois le bonheur dans les yeux de ceux qui cuisinent, et ceux qui dégustent».

Par Sandrine Kauffer

portrait gastronomique Christian Prudhomme