C’est historique le même jour tous les restaurants peuvent ouvrir
Le 2 juin 2020 va rester historique car c’est la première fois que tous les restaurants en France, vont ré-ouvrir le même jour, sur décision administrative. Enfin, tous auront le droit, mais tous ne le feront pas. Petit tour d’horizon sur les raisons de ces ouvertures différées, les arguments avancés et les solutions trouvées pour assurer la sécurité sanitaire des collaborateurs et des consommateurs.
Les restaurateurs ne pourront pas ouvrir comme ils avaient fermés, c’est un fait. Ils ne pourront pas toujours ouvrir sur le même modèle avec les mêmes prestations, des cartes plus courtes, et des services en moins.
Certains ont été abasourdis d’apprendre que l’Alsace passait de zone rouge en zone verte avec l’autorisation d’ouvrir dans la foulée. De 3 semaines de préparations, le délai se raccourcit en 3 jours, relevant presque d’une mission impossible.
“A peine le Premier Ministre avait fini son allocution que le téléphone se mit à sonner pour des réservations dès mardi”, explique ce restaurateur. “Nous avons du répondre que c’était impossible, mais les clients ne comprenaient pas. Cela fait des mois qu’on se plaint d’être fermés et quand on peut ouvrir on se plaint de ne pas être prêts. Il faut prendre le temps de la pédagogie et leur expliquer les coulisses et les contraintes de notre métier dans cette situation exceptionnelle. Il y a le protocole à découvrir remis par l’Umih le lendemain, l’adapter à notre établissement, l’expliquer et former nos équipes, nettoyer et remettre en marche tout l’établissement parfois à l’arrêt complet depuis 3 mois, acheter des équipements en nombre (masques, gel, plexis), contacter les fournisseurs pour commander la marchandise, attendre la livraison et espérer la disponibilité, faire une mise en place, ouvrir les réservations, réorganiser les salles en supprimant des tables. La liste est longue pour bien faire un week-end avec le lundi de Pentocôte férié, statistiquement rares sont les établissements qui pourront ouvrir le 2 en Alsace”, conclut-il.
Les stratégies sont diverses et personnalisées en fonction du type d’établissement. Entre l’hôtel-restaurant spa qui doit assurer de multiples réajustements et le restaurant gastronomique, les impératifs sont disproportionnés. Entre ceux qui étaient en activité drive et à emporter avec un carnet de commandes rempli jusqu’à la fête de mères et ceux qui étaient restés fermés, confinés; la reprise diffère aussi.
Le mot d’ordre des professionnels de la restauration est d’ouvrir en toute sécurité, partagés entre divers sentiments : impatience et appréhension, réflexion et mise en place de nouvelles stratégies.
Mais pour tous, un changement s’est déjà opéré, positivement, observant et saluant une relation renforcée avec leurs clients, qui prenaient de leur nouvelle, leur envoyaient des mails et leur ont assuré de leur soutien à l’ouverture.
“Ça fait chaud au cœur”, ” c’est réconfortant”, disent-ils. “Nous étions là les uns pour les autres”, “C’est une épreuve de vie surmontée ensemble”.
Il y aura sans doute une pure et belle émotion dans chaque établissement lors du premier service.
Julien à Fouday : deux services le soir
“C’est la fin d’un petit bonheur”, s’exclame Gérard Goetz chez JULIEN à Fouday. “Chaque jour, chacun travaillait dans son coin et le soir, on se retrouvait en famille autour d’un bon repas. On peut dire que nous en avons bien profité”, se réjouit Gérard, qui annonce la naissance de la petite Louise le 24 mai. Éléonore et Laurent Arbeit sont les heureux parents de leur second enfant, né pendant le confinement.
“Julien va ouvrir le 19 juin”, précise-t-il. “Il faut quelques jours pour mettre en œuvre le protocole sanitaire. Car la priorité est d’ouvrir en toute sécurité pour nos clients et nos équipes. Nous avons supprimé tables (-30 %) et poser quelques plexis, notamment à la réception. En salle, nous avons des masques partiellement plastifié avec “sourire apparent” . Pour la première fois, nous allons instaurer deux services à 19h et 20h30, nos clients qui logent à l’hôtel remontent souvent tôt dans leur chambre. Si cela fonctionne bien, nous réfléchirons à le pérenniser. Coté activité, le Spa peut ré-ouvrir partiellement, et nous allons disposer dans tout le parc des espaces avec des transats. Les activités plein-air seront développées (sorties rando et vélos), nous allons tous mettre en œuvre pour faire passer un excellent séjour à nos clients”, conclut-il.
Le Cheval Blanc à Lembach : repenser le service du petit-déjeuner
Au Nord de l’Alsace, chez Carole et Pascal Bastian, même branlebas de combat. ” Nous avons d’abord pris notre mal en patience, puis avons lancé une activité traiteur”, raconte Carole Bastian. “Nous avons rendu service à nos clients et avons préparé des menus le week-end pour les sortir de leur ordinaire, c’est notre rôle après tout”.
Surprise d’une ré-ouverture si rapide, elle admet ; “il va falloir éplucher le protocole, on le redoutait mais il a été allégé et c’est tant mieux. On peut climatiser, ouvrir le jacuzzi et le sauna (le hammam reste fermé). Mais côté traiteur, nous devons aussi honorer les commandes en cours, notamment pour la fête des mères.
Pour l’hôtellerie, le point noir c’est la mise entre parenthèse du buffet continental. Nous devons repenser le service du petit-déjeuner en l’organisant comme un service du diner avec commande et service à table. La veille les clients vont cocher sur une carte ce qu’ils souhaitent et l’horaire et puis le matin ils s’installeront à table et nous les servirons. Nous serons prêts pour le 12 juin, enfin !” , soupire-t-elle, impatiente d’entrer dans le vif du sujet. “Nous attendons encore nos masques avec logo et les colonnes de gel à mettre au Spa et à l’accueil. Nous ne sommes pas inquiets, mais nous serons prudents. La réflexion va porter sur la simplification de la carte du restaurant, car il faudra tenir compte du planning des équipes et de l’activité partielle. Nous ne pensons pas pouvoir faire revenir 100 % de l’équipe au début, nous serons dans une phase d’observation. On ouvre un service de plus, de mercredi au dimanche. En terme de s stratégie commerciale, nous avons développé la vente à emporter avec la console Shop and Go et c’est un marché supplémentaire qui s’offre à nous”. Enfin, nous avons reçu nos nouvelles chaises”, sourit Carole Bastian, “C’est bon pour le moral”
Les clients vont retrouver l’Auberge de l’Ill, telle qu’ils l’apprécient
A Illhaeusern, peu de demande de plats du jour et menus à emporter. La belle auberge est restée endormie, en apparence. Chaque jour, la cuisine était en activité en faveur de l’association EPICES, présidée par Isabelle Haeberlin. “Les clients vont retrouver l’auberge telle qu’ils l’apprécient, nous y avons veillé, avec notamment les plats emblématiques. Les techniques de salle, seront provisoirement allégées et renforcées par les techniques en cuisine. Nous avons relancé notre jardin en permaculture, associé au maraicher du village Philippe Uhl. Il va développer un hectare du potager pour nos recettes. Nous serons Illhaeursernovores , sourit Édouard.
“Nous attendions impatiemment d’avoir un cap et le protocole officiel pour enclencher les achats et les dispositifs imposés. Je suis devenu un “chasseur de masques”, ironise Édouard Baumman, devant la mission presque impossible de réunir en un temps record, au meilleur prix les masques et solutions hydroalcooliques en grand nombre. Il n’y aura pas de plexis, sauf à la réception. En salle, nous perdrons environ 20% de notre capacité mais nos tables ont toujours été bien espacées.
Nous ouvrons le restaurant le 18 juin pour le service midi.
L’hôtel, à ce jour, affiche déjà un taux d’occupation de 60% en juillet. Il y aura quelques nouveautés pour l’hôtel des berges et le Spa des Saules”, confie Édouard, ne souhaitant rien dévoiler, laissant la primeur aux premiers clients.
Les Haras ; un protocole de sécurité et écologique
Maxime Muller, directeur de la brasserie les Haras à Strasbourg, mentionne que “coûte que coûte”, avec ses équipes, ils avaient prévu de proposer de la vente à emporter à partir du mois de juin. C’est la raison pour laquelle, ils sont prêts pour ouvrir le 5 juin.
“Nous allons perdre environ 20% en capacité d’accueil et retirer quelques tables. Il n’y aura pas de plexis, le mobilier reste plus ou moins en configuration”, explique-t-il.
“Conformément au protocole, nous allons faire quelques ajustements qui correspondent aussi à nos valeurs. Ces changements pourraient se pérenniser. Nous n’avons pas de nappage sur nos belles tables en bois et chaque année, je commande 100 000 sets de table en papier, avec tout l’impact écologique que l’on connaît. C’est le moment choisi pour modifier cette mise en place, tout comme nous avions déjà renoncé aux pailles en plastique. Pour limiter les gestes du personnel de salle, un seul couteau (viande et poisson) sera de rigueur, il y aura ainsi moins de manipulations.
Coté masque, Maxime Muller privilégie le masque en tissu, sachant que ses collaborateurs sont déjà équipés pour aller faire leurs courses. ” Je préfère qu’ils choisissent leurs masques et qu’ils soient confortables, ajustés à la bonne taille. Privilégions le durable au jetable.”
Coté carte, il y aura quelques plats en moins car les équipes ne seront pas au complet. Le directeur des Haras annonce également qu’il n’y aura pas de fermeture annuelle au mois d’août.
Le Sofitel reste fermé jusqu’en septembre mais innove avec les “Terrasses du Link”
A Strasbourg, le Sofitel Grande Ile, 5* ainsi que le restaurant Terroir and Co vont rester fermés jusqu’au 1er septembre 2020
“C’est une décision du groupe Accor, qui ne souhaite pas ouvrir à perte, avec l’absence de notre clientèle étrangère”, précise Jean-Philippe Kern, le Directeur Général. ” Je leur ai proposé de rester ouverts avec un nouveau concept “Les Terrasse du Link” pour garder le lien avec notre communauté et notre clientèle.
Ce concept va ouvrir le 16 juin 2020, géré par les équipes du bar Le Link, qui organise tout au long de l’année des événementiels. La terrasse va s’agrandir et se déployer devant le restaurant et même devant l’entrée de l’hôtel, puisque l’accès à l’établissement est interdit. “Nous allons proposer en continue des snacking, salades, grill et plats du jour, ” présice-t-il. “C’est aussi une façon pour notre chef Matthieu Klein de soutenir les producteurs qu’il a sourcés pour Terroir and Co”.
Les Strasbourgeois pourront se réapproprier les places touristiques
Le groupe Diabolo Poivre, réunit 7 établissements à Strasbourg et 200 salariés. “Tous vont rouvrir cette semaine entre le 2 et le 4 juin 2020. La Corde à linge, East Canteen, Tzatzi, Supertonic et Jeannette le mardi 2 juin, Square Delicatessen le mercredi 3 juin, Calmos et La Hache le jeudi 4 juin”, explique Christophe Lemennais. “Nous allons prendre le temps de former nos équipes, surtout en salle, car pour la cuisine, nous appliquons déjà les gestes barrières et sanitaires. Cependant, nous allons devoir renoncer à embaucher les saisonniers comme chaque année. Nous allons perdre en capacité de couverts, c’est certain, mais nous espérons obtenir les autorisations de la ville pour élargir nos terrasses. Car nous risquons de perdre 50% de notre capacité en terrasse, notamment à la corde à linge, place Benjamin Zix. Chaque année, cette belle place était prise d’assaut par les touristes, mais pour la première fois, les Strasbourgeois pourront en profiter, dans de belles conditions”.
“Cela fait 33 ans que nous nous adaptons à la situation “
A la Couronne à Scherwiller la famille de Didier Roeckel avait ouvert les trois derniers week-end pour des menus à emporter.
“Nous sommes adaptés à la situation, cela fait 33 ans que nous le faisons, il n’y a pas de soucis”, explique le chef. “Nous n’allons pas retirer des tables, ni mettre de plexis, mais nous allons attribuer 2 tables sur 3 pour respecter la distance requise. Nous avons aussi une belle terrasse, ce qui permettra d’avoir suffisamment de tables pour répondre à la demande.
Habituellement il y a toujours du monde chez nous, c’est un lieu de vie et de convivialité. Nous souhaitons rassurer les clients sur le protocole qui sera respecté pour la sécurité de tous, tout comme nous faisons confiance à nos clients. Nous savions qu’ils seront raisonnables et respectueux dans leurs comportements”.
400 m2 de terrasse pour profiter de la Fontana
Bruno Cutrupi ouvre la Fontana le 4 juin 2020 limitant à une trentaine de couverts en salle. “En extérieur, nous avons une grande terrasse de 400 m2 assez grande pour accueillir tout le monde”, souligne Bruno Cutrupi.
“Pour l’ouverture nous aurons une carte restreinte car notre équipe sera restreinte aussi, tout comme notre clientèle et notre chiffre d’affaires. Tout est relatif”, précise le chef italien. Nous poursuivons jusqu’en septembre le plat du jour à emporter le midi que nous avons instauré pendant la fermeture administrative. Nombreuses sont les personnes âgées qui sont venues chercher nos plats du jour et qui me demandent de continuer. Nos clients étaient là pour nous pendant le confinement, alors nous serons là pour eux aussi quand l’activité va redémarrer” précise-t-il. Il y aura une tente dédiée au retrait des plats à emporter, sans avoir besoin de rentrer dans le restaurant. Nous travaillons et serons vigilants au flux des personnes.
Tout comme nous serons vigilants avec le protocole de sécurité car je connais des personnes très proches qui ont été touchées sévèrement. Avec ma famille, et mes équipes, nous avons conscience de la dangerosité du virus. Nous ne prendrons aucun risque. Quand les clients réservent au téléphone, je leur précise qu’ils doivent venir masqués pour entrer dans la Fontana. C’est important, nous mettons tout en œuvre pour les recevoir en toute sécurité et je voudrais qu’ils en fassent de même pour mes collaborateurs”, reconnait le chef Calabrais.
Le soutien aux producteurs est un engagement fort de solidarité et de responsabilité
“Nous ne pourrons pas rouvrir en 3 jours c’est une hérésie”, s’exclame Olivier Nasti, dont le carnet de commandes pour le drive, son food’truck et le “Chambard à Domicile” est encore plein pour une quinzaine de jours. “Nous allons aussi lancer des “sangliers à la broches” avec les vignerons”, annonce Olivier Nasti.
” Pour la fête des mères, nous allons limiter à 100 menus au drive, pour accueillir aussi nos clients en salle. La winstub va réduire de 6 tables, et renforcer son identité culinaire en proposant que des produits de la vallée de Kaysersberg dans un rayonnement de 30 km. Je vais poursuivre ce que j’ai initié avec les producteurs de proximité. C’est un engagement fort qui correspond à ce mouvement de solidarité et de responsabilité, devenu une urgence et une évidence. La carte des gibiers sera réduite et les plats seront affichés sur une ardoise.
A la table d’Olivier Nasti, il y aura 2 menus (dégustation en 10 plats et Histoire en 7 plats) et plus de carte.
La Maison Kieny ; une nouvelle proximité avec les clients
“Nous ouvrirons dès vendredi soir le 5 juin”, précise Mariella Kieny, de la Maison Kieny à Riedisheim. “Nous avons des commandes traiteur jusqu’à la fête des mères et nous bloquons les commandes pour également accueillir les clients en salle”, se réjouit-elle.
“Chez nous pas de plexis, les tables sont assez espacées, j’en ai retiré quelques-unes et nous disposons également d’une salle à l’étage, habituellement réservée au banquet. Nous avons toute la place nécessaire”.
“Je suis positive mais aussi anxieuse”, confie-t-elle, “anxieuse de bien faire et de bien recevoir. J’ai hâte de retrouver les clients, et je mesure qu’il faut en retirer quelque chose de positif lors de cette expérience”, mentionne Mariella Kieny. “Quand nous avons organisé la vente à emporter, nous avons rendu nos prix plus accessibles et une nouvelle clientèle est venue découvrir notre maison. Par ailleurs, j’ai répondu présente à l’appel de la mairie qui recherchait des bénévoles pour faire les courses à des personnes âgées du quartier. Prendre le temps pour les autres m’a fait un bien fou ! Nous allons aussi garder à l’esprit des souvenirs positifs, de la solidarité et plus d’humanité. Certains pensaient connaitre Mme Kieny, ils ont rencontré Mariella.
La fin des tartes flambées
“Nous avons envisagé une reprise début juin, c’est la raison pour laquellee depuis 8 jours nous avons annoncé le dernier service des tartes flambées le 31 mai”, explique Julien Binz. “Nous sommes heureux de cette initiative qui nous a permis de revoir nos clients, de prendre de leur nouvelle, et faire connaissance avec les habitants du village, nos voisins, si proches et pourtant inconnus. La rencontre humaine a eu lieu en toute simplicité autour d’une tarte à partir de 6€. Ce produit a tenu sa promesse de la convivialité. On n’imaginait pas proposer notre carte habituelle à emporter, sans faire appel à notre brigade au complet. Et impossible de renoncer au dispositif du chômage partiel. Entrer dans l’action permettait de garder un cap, venir chaque jour dans l’établissement, rester connectés avec notre métier, revoir les clients, des fournisseurs, partager une expérience commune (une guerre sanitaire) et montrer à nos équipes que nous avons tout mis en œuvre pour l’entreprise. Il nous appartenait de montrer l’exemple. Le bénéfice n’était pas dans la rentabilité économique, mais de limiter les pertes économiques, de faire plaisir et d’avoir apprécié à sa juste valeur la rencontre humaine et la solidarité dans cette aventure covidéenne. Des visages, des soutiens et des temps forts resteront associés à ce moment historique, gravé dans notre mémoire.
Le restaurant Julien Binz va ouvrir le samedi 6 juin 2020. Notre salle est suffisamment spacieuse pour qu’il n’y ait pas de plexis et le salon sera transformé dans un premier temps en espace intimisme avec 3 tables, bien isolées pour ceux qui le souhaitent. La terrasse va accueillir une vingtaine de couverts, près de la fontaine. Si le personnel est masqué, il saura « se faire oublier », gardant à l’esprit que les convives viennent pour passer un bon moment gastronomique, oublier quelques heures, l’épreuve que nous venons tous de traverser”.