Fricassée de géline de Touraine à l'ancienne ©Clémentine Chauveau

Terminologie ; qu’est-ce qu’une fricassée  ?

Dans ces billets, notamment à propos de ragoûts, j’ai souvent utiliser le mot « fricasser »… mais que signifie-t-il ?

Pour le Dictionnaire de l’Académie française, qui n’est guère fiable, en matière de cuisine, une fricassée est un ragoût de viande. Mais, un ragoût ? Ce serait un plat composé de morceaux de viande de boucherie, de volaille, de gibier, cuits lentement dans une sauce avec des aromates et, parfois, des légumes. Et pour le Trésor de la langue française informatisé, il s’agirait de cuire dans leur jus, à la poêle ou à la casserole, des aliments coupés en morceaux.

Bon, voilà notre (mauvais) point de départ.

Remontons le temps pour voir si nous comprendrons mieux la spécificité des fricassées. Joseph Favre dit que la fricassée est le nom ancien des ragoûts en sauce blanche. Et il ajoute que « aujourd’hui, ce mot ne s’applique qu’au poulet : une fricassée de poulet ; il dit blanquette de veau et ragoût pour les sauces brunes. ». Mais il ajoute «Toutefois, on peut dire : des grenouilles en fricassée; la fricassée étant un mode spécial de préparation culinaire, auquel on peut soumettre différentes viandes blanches, mais plus particulièrement des volailles ». Ce n’est guère cohérent.

A la même époque, le Guide culinaire indique que « la Fricassée se différencie de la Blanquette, en ce que les éléments qu’elle comporte sont cuits directement dans la sauce ». Et il préconise de raidir les morceaux de viande au beurre, sans les laisser colorer, saupoudrés de 40 à 50 grammes de farine par kilo de viande et mouillés d’un bon litre de fonds blanc ; on fait prendre l’ébullition en remuant pour assurer la dissolution du roux ; puis la fricassée est assaisonnée et additionnée seulement d’un bouquet garni. Mais on sait qu’il faut aussi se méfier du Guide culinaire, qui est généralement ignorant de l’histoire de la cuisine.

Passons à Urbain Dubois, en 1876, qui donne une recette de fricassée de poulet : il faut diviser des poulets en parties, les faire dégorger, puis les placer dans une casserole avec les carcasses, pattes, cous et ailerons, couvrir avec de l’eau tiède, ajouter sel et grains de poivre, faire bouillir le liquide et cuire ensuite à frémissement. Après cuisson, on prépare un roux blond avec farine et beurre, et l’on mouille avec la cuisson de la volaille ; on tourne la sauce sur feu jusqu’à l’ébullition, puis on ajoute un petit oignon, un bouquet garni d’aromates, quelques parures de jambon et de champignon crus ; après une vingtaine de minutes, on dégraisse et on réduit. Enfin on pose la sauce sur les morceaux de poulet, et l’on lie avec 3 jaunes d’œuf délayés avec un peu de bonne crème ; puis on finit la sauce avec beurre et jus de citron, persil. Autrement dit, pour Dubois, la fricassée de poulets se cuit dans un liquide qui est ensuite lié.

Et pour d’autres, de la même époque ? Pour Viard, en 1882, il faut faire raidir le poulet dans du beurre, singer, ajouter du bouillon et finir la cuisson : autrement dit, même si le détail du procédé diffère, l’idée est la même.

Passons alors à Nicolas de Bonnefons, presque un siècle plus tôt. La première fricassée que l’on trouve sous sa plume est une fricassée de pois : « On les fricasse aussi faisant roussir le beurre, lard ou graisse, puis on les jette dedans avec un peu d’eau pour les faire cuire & on les assaisonne de sel & d’épices, avec quelque peu de persil & ciboulettes hachés ensemble bien menus ; si vous voulez mettre deux brins de thym et de marjolaine pour leur en faire prendre le goût, faudra seulement les lier de fil pour les retirer avant que vous les dressez dans le plat. Pour épaissir la sauce, la crème douce fait merveille, mais il ne la faut mettre que sur la fin de la cuisson. » On voit que c’est le même procédé que pour le poulet. En revanche, à propos d’oeufs durs, il s’agit simplement -pour lui- de faire sauter dans du beurre avec des oignons. En revanche, pour les poulets, c’est bien la cuisson avec de la matière grasse et de l’eau, le tout étant assaisonné (épices, ciboules et « autres ingrédients convenables ».

Finalement, que pouvons-nous nommer une fricassée ?

Nos anciens sont assez d’accord : il s’agit de sauter un ingrédient avec un corps gras et un liquide. Cela se fait à découvert, et l’on peut lier la sauce en fin de cuisson.

Hervé This