Le lundi 22 février 2016, le Gault Millau a commencé son tour de France en Alsace au restaurant Julien Binz à Ammerschwihr (68) remettant ces différents trophées Grand Est en présence des chefs et des professionnels de la région.
C’est Jean-Luc Brendel, de la Table du Gourmet à Riquewihr qui remporte le Gault Millau d’or succédant à Sébastien Buecher précédent lauréat. Voir le palmarès complet. Nombreuses photos à paraitre dans la nuit.
“Nous aimons nous rendre en région et venir à la rencontre des chefs pour les honorer”, lance Côme de Chérisey, directeur général et directeur de la rédaction de Gault & Millau. “C’est toujours des rencontres conviviales qui rassemblent la profession et favorisent la transmission. Les cooking-démo à quatre mains sont une démonstration de savoir-faire en valorisant aussi nos partenaires”.
Trophée de l’Accueil remis la Famille Philippe – Les Bas-Rupts 2 Toques
La famille Philippe, qui sait toujours cultiver le bon accueil, dans le style familial chic, a trouvé en Jérôme Badonnel un jeune chef capable d’établir la passerelle entre les plats de tradition (les tripes, les quenelles de brochet) et une cuisine actuelle à la belle manière classique, recettes consensuelles et produits nobles sans hors sujet. On peut ainsi construire un menu en phase avec l’environnement, avec l’escabèche de perche poivron pamplemousse et la caille au foie gras jus au porto (très bons jeunes légumes), dans une carte plutôt bien équilibrée, même si l’on peut regretter que les menus, aux tarifs tout de même bien Relais&Châteaux, n’offrent pas davantage de choix (mais le dégustation à 98 € est une belle offre). Desserts sous contrôle par un pâtissier très affûté (une pavlova fraise d’école avec une meringue zéphyrienne), service fluide au standing du lieu, douce atmosphère de relaxation vosgienne dans la salle ou la véranda largement boisées. Grande cave classique, suffisamment vaste pour offrir une étiquette sûre pour tous budgets, avec certains tarifs attractifs et d’autres moins.
Les adresses mises à l’honneur dans le palmarès régional seront toutes reprises dans le guide national France gault Millau 2016, ainsi que dans le magazine Gault Millau par un reportage est dédié à la région visité.
Marc Haeberlin reçoit le trophée de la transmission 4 Toques
L’avis de Gault&Millau sur le restaurant L’Auberge de l’Ill
La famille, la maison, la région. Voilà la trinité suprême qui construit une maison mythique comme l’Auberge de l’Ill. Marc Haeberlin, représentant actuel de cette icône, est aussi humble et tranquille que sa maison est célèbre. On vient de Sydney, Djakarta et Ushuaïa pour voir les cigognes, manger la mousseline de grenouilles et le saumon soufflé sans que le chef ait le melon de la taille d’une citrouille. Non pas qu’il juge un tel succès de plus de 50 ans et trois générations totalement normal compte tenu du travail fourni. Avec Danièle sa soeur qui gère l’auberge avec la même gentillesse et la même humilité, ils remercient chaque jour la Providence de leur donner la chance de montrer ce qu’ils savent faire, c’est à dire produire des moments d’exception et des souvenirs éternels. Avec les emblèmes labellisés Haeberlin, les régionaux ou les plats d’inspiration, le chef touche toujours juste, dans le sens d’une constante gourmandise alsacienne. Avec ses tripes aux févettes, son foie gras majestueux, ses déclinaisons de classiques (délicieuse salade de homard façon Thermidor) ou ses inspirations grandioses sur des thèmes locaux (grandissime foie d’oie rôti sur un ragout de petits pois et radis à la française, un plat franchement à 19/20) ou inspiré par quelques voyages (un beau filet de saint-pierre épices et lait de coco avec une raviole de tourteau à l’encre de seiche), Marc Haeberlin réussit à rendre presque populaire, par cette générosité réjouissante, presque truculente, une très haute cuisine de plaisir. Le service de fidèles, à l’aise dans toutes les langues, contribue à donner à la table un confort et une qualité d’accueil sans égal. Les desserts s’adaptent aux cueillettes du moment, hormis les grands classiques (la pêche Haeberlin est ouverte en toutes saisons), la cave consacre tous les grands vignobles, Alsace en tête, parfaitement gérée par Serge Dubs.
Le Gault Millau d’or Jean-Luc Brendel La table du Gourmet 4 Toques
On aime cette demeure blottie dans une rue discrète pour son atmosphère rustique chic, son intimité, sa chaleur, ses teintes rouges, ses toiles, la fibre culturelle et l’âme vagabonde de la famille Brendel. Jean-Luc est un fin technicien hors pair, intello à l’imagination débordante, sensible et qui apporte, à tout ce qu’il touche, la marque d’une très forte personnalité au service des meilleurs produits. Il est doué dans les jeux d’agrumes (de chez Bachès s’il vous plaît) qu’il associe par exemple à la délicatesse d’un omble-chevalier du Val d’Orbey mi-fumé et entouré d’une “terre” (mode venue d’Espagne) de cresson et wasabi, mais aussi dans le traitement des autres produits comme le skrei cuit à basse-température qui fond en bouche, associé à un lacté citron Bachès encore, très aromatique mais sans excès d’acidité, souligné par l’algue kombu, le foie gras d’Alsace au torchon, sucré-salé avec la praline de groseille, l’agneau de lait des Pyrénées qui est une élégante déclinaison très riche, soulignée par un tartare végétal, de l’ail des ours et une “pommade de carotte”. La glace au carambar, certes devenue un classique mais ici très moelleuse et associée à un coulis de framboises parfumé d’un peu de betterave, est à se rouler par terre. L’ananas Victoria est revisité de manière contemporaine quoique servi froid (la carte l’annonce poêlé) mais rendu gourmand par l’émulsion de rhum blanc et rafraîchi par un gel d’agrumes. Avec la collection d’amuse-bouche qui précède le repas, les vins conseillés par Fabienne Brendel et commentés par Anne Humbrecht, tout concourt à un dîner en tête-à-tête romantique parfait dans le village d’Alsace le plus authentique.
Trophée Jeune Talent Guillaume Raith – Imaginarium 1 Toque
L’ ’avis de Gault&Millau
C’était La Dinanderie, une table bien connue des Messins mais qui connaissait une véritable perte d’affection. Guillaume Raith et Mathieu Botzung ont repris l’affaire et l’ont baptisée en l’honneur d’un film un peu fou de Terry Gilliam. Le cadre est à la fois sobre et élégant, agrémenté des toiles d’un ami peintre, et la cuisine s’oriente plutôt vers un répertoire classique avec le dos de cabillaud rôti cannelloni de ratatouille gratiné au parmesan, le filet de bar au citron confit rougaille et pommes de terre fondants au beurre et le cheesecake caramélisé aux fruits rouges.
Trophée Espoir Romain Creutzmeyer Le Colbert 2 Toques
L’avis de Gault&Millau
L’environnement de banlieue, berceau des brasseries Kronenbourg, ne décourage pas les Strasbourgeois à se déplacer pour la qualité de cette maison joliment rénovée par Stéphanie et Romain Creutzmeyer. La carte change au gré du marché et des saisons tout en saveurs et fraîcheur. Dans la salle joliment fleurie, on propose un fonds “bistronomique” classique mais les idéees fusionnelles ne manquent pas chez cet ancien du Buerehiesel qui a appris l’amour des légumes et des poissons bien faits. Bar de ligne mariné à cru, gel de fenouil, mousseline de betterave et gingembre, incroyable pâté en croûte Colbert, le meilleur que nous ayons goûté, skrei rôti en marinière, coquillages et amusantes pommes de terre fumées, ris de veau, garniture Crécy et jus de veau à l’orange, soufflé au fromage blanc, agrumes en gelée de citron vert, sorbet Margarita, coque chocolat, vanille et café et amandes croustillantes. Des assiettes irréprochables, accompagnées d’une sélection de vins au verre proposés par un service attentif.
Trophée de la tradition Patrick Tanésy Chez Tanésy 2 Toques
L’avis de Gault&Millau
Gastrolâtres de tous les pays, unissez-vous pour rejoindre ce véritable épicurien, qui a gardé le sens moral d’une cuisine française généreuse, abondante, riche de ses produits et de ses recettes. Cette tradition-là est noble et actuelle, et absolument à défendre. Son menu à 60 € a l’air griffonné à la va vite, mais dans l’assiette vbous êtes chouchoutés avec le ceviche de saint-jacques et saumon, la magnifique volaille en vessie aux morilles fraîches, la véritable glace plombières fruits cofnits et kirsch. Et l’omble chevalier, et la brandade, et les suggestions qui mettent l’eau à la bouche. Desserts ecitants, comme la cave, à la fois classique et de connaisseur.
Trophée Grand de Demain Tanaka Katzuyuki – Racine 2 Toques
L’avis de Gault&Millau
C’est la bonne nouvelle gastronomique de l’année ! Kazuyuki Tanaka a en effet investi au début de l’été l’ancien Eveil des Sens, dans une rue discrète qui relie les jolies places Royale et du Forum. Après avoir œuvré aux côtés de grands cuisiniers, Kazuyuki a ensuite joué les chefs à domicile pour, enfin, se poser chez lui. Si les deux petites salles sont d’une sobriété décorative affirmée, la cuisine est d’un esthétisme remarquable. Mais pas seulement ! Les cuissons, les saveurs, les alliances sont d’une précision horlogère. En trois mots, c’est vif, équilibré et ciselé ! Tronçons de maquereau grillé sur peau, vinaigrette citronnée et concombre ; cabillaud, carottes, petits pois croquants ; pigeon rôti associé au céleri et à la pomme et souligné d’un coulis de livèche bien vert ; cerises et chocolat…La vaisselle est très belle et les verres d’une finesse extrême ! La cave est quant à elle en devenir. Accueil et service de Marine Tanaka, tout en douceur et discrétion.
Trophée Cuisine de la mer Françoise Mutel – La Maison dans le Parc 3 Toques
Un lieu élégant et habité pour une cuisine de femme pleine de distinction et de maôtrise. Françoise Mutel n’a pas besoin de récompenses pour être reconnue, par ses pairs comme par ses clients. L’assiette parle d’elle-même, dans ce très beau cadre ouvrant sur le parc, au seuil de la place Stanislas : foie gras fraise rhubarbe condiment miso, turbot mousseline de petits pois crème d’oignon nouveau fumé, filet d’angus en tataki wok de nouilles légumes et shiitakés. La proposition à 69 € fait le tour de la question en offrant le meilleur de la carte jusqu’aix jolis desserts (sphère chocolat streusel muesli noisette). Les trois toques sont atteintes cette année.
Trophée Pâtissier Nicolas Multon Villa René Lalique
Le Trophée Sommelier Romain Iltis Villa René Lalique
L’avis de Gault&Millau
La table installée dans l’ancienne villa de René Lalique (où sont aménagées également des chambres de grand standing) devrait faire parler d’elle notamment grâce au chef qui la dirige, le talentueux Jean-Georges Klein (4 toques pendant de longues années pour son restaurant l’Arnsbourg, à Baerenthal). Nous n’avions pas encore pu visiter cette table très prometteuse au moment de notre bouclage, mais vous pourrez suivre son actualité sur notre site web.
Trophée de l’innovation Jérome Jaegle L’Alchémille, 2 Toques
L’avis de Gault&Millau
Ancien de Têtedoie, de Schillinger et du Chambard, Jérôme Jaeglé a réalisé le rêve de sa vie en ouvrant en août 2015 une table dans sa ville natale. Situé au bord de la nationale Colmar-Nancy très fréquentée par les semi-remorques, l’ancien PMU a été reconverti en table gourmande avec passion. Décor vaguement scandinave doté de tables de bois épais élaborées par un cousin artisan, cuisine sensible à la nature utilisant des herbes sauvages tendance Bras. Très goûteuse mousseline de pommes de terre accompagnée d’oxalis, déclinaison de plusieurs tomates confites et crues, frais sorbet concombre et audacieuse neige de Munster, omble-chevalier “de chez mon ami François Guidat”, cuit avec précision et ragoût de blettes et d’ail nouveau, purée d’artichaut, laitue et jus de dorsale, selle d’agneau au serpolet des prés voisins fort gourmande, fraises et amusant granité de lierre terrestre, tarte au chocolat aux parfums de reine des prés équilibrée, crumble au sésame et bergamote. Si la terrasse est vraiment trop bruyante, la cuisine pleine d’idées est très prometteuse. Carte des vins un peu trop centrée sur le village.
Trophée Techniques d’Excellence Julien Binz 3 Toques
L’avis de Gault&Millau
L’ancien Arbre Vert a été repris et rénové de fond en comble par Julien Binz pour devenir plus clair, plus cosy et chaleureux. Le décor, celui d’un boudoir néobaroque gris-souris et chocolat, est dominé par une élégante fresque de Fragonard. Le bon goût et la netteté sont aussi dans l’assiette, deux constantes chez Julien, Grand de Demain Gault&Millau et multi-titré lors des G&M Tours Alsace : avec une classique terrine de foie gras de canard au muscat de Rivesaltes et chutney d’abricots au safran, un filet de barbue associé à une judicieuse déclinaison de carottes, de délicates noisettes de chevreuil, pâtes de fruits au vin chaud, mousseline de patates douces, sauce aux baies de genièvre ou un dessert de concours bien revisité, la torche aux marrons, gelée rhum-passion, streussel aux agrumes où la fraîcheur du fruit de la passion contrebalance la densité du marron. François Lhermitte gère la salle et conseille les vins avec entrain : signée par Pascal Leonetti, la cave excelle dans les grands crus d’Alsace mais aussi dans la sélection de onze vins au verre. Certains soirs, la maîtresse de maison, Sandrine Kauffer, qui anime le site des Nouvelles Gastronomiques d’Alsace, accueille avec sourire la clientèle de cette table très prometteuse.
Le soleil était au rendez-vous, les convives ont pu déguster les produits des partenaires Gault Millau qui ont exposé ainsi que le cocktail déjeunatoire préparé par toute la brigade de Julien Binz.
“Je tenais à remercier toute l’équipe du Gault Millau pour leur soutien et leur présence à nos côtés ces dernières années”, déclare Julien Binz. “En 2006, c’est le guide jaune qui m’a remis ma première distinction, le prix du jeune talent Alsace, alors que j’étais chef de cuisine à l’auberge d’Artzenheim. Aujourd’hui encore, avec la dotation et deux mois après notre ouverture, avec l’organisation de cet événement d’ampleur dans la région, ils nous renouvellent leur confiance”, conclut celui qui vient de recevoir le trophée Techniques d’Excellence.
Par Sandrine Kauffer