Macarons

En quoi un macaron se distingue-t-il d’une meringue et d’un massepain ?

Commençons par le macaron : en 1552, François Rabelais évoque déjà ces «petites pâtisseries rondes aux amandes», dans son Quart Livre. Pour Joseph Fabre, à la fin du 19e siècle, c’est un « petit-four anciennement connu, très délicat, qui fut importé d’Italie, quelquefois confondu avec le massepain. La base du macaron était autrefois les amandes, le sucre, les blancs d’oeufs et un arôme ; mais aujourd’hui la variété en est infinie. »

Par Hervé This

À la même époque, Urbain Dubois en donne la recette dans La pâtisserie d’aujourd’hui :
« Macarons ordinaires. 500 gr amandes passées à la broyeuse, 1 kilo sucre. Broyez les amandes avec moitié de sucre ; ajoutez peu à peu 10 blancs nature, en même temps que le restant du sucre ; moulez les macarons forme ronde sur papier ; mouillez-les avant de les cuire : four doux. ». Et il propose une recette de « macarons moelleux », qui diffère de la première par l’ajout de blancs d’oeufs en neige.
Cela étant, Favre ou Dubois sont moins fiables, pour ce qui concerne la pâtisserie, que Pierre Lacam (1878), dont la recette de « Macarons ordinaires » est la suivante : 500 g d’amandes fraîches, pilées avec 6 blancs d’œufs, puis additionnées en deux fois d’un kilogramme de sucre ; on les travaille, on ajoute 2 ou 3 blancs montés, on couche sur papier et l’on cuit à four doux.

C’est la poudre d’amande qui fait le macaron

Et le massepain, alors ? Toujours pour Favre, ce serait une « sorte de petit-four, dont la composition, quelque analogie avec le macaron, avec cette différence, cependant, que le massepain est toujours glacé, praliné ou recouvert de sucre. » En revanche, pour le Trésor de la langue française informatisé, c’est « une pâtisserie faite d’amandes pilées, de sucre et de blancs d’oeufs, colorée, parfumée et façonnée de diverses manières ». Mais il vaut mieux aller y voir de plus près, et c’est dans l’Art de bien traiter, de L.S.R, en 1643, que j’ai trouvé la plus ancienne recette de massepain, que je traduis en français moderne : « Faire bouillir à l’eau des amandes, pignons, pistaches ; puis pelez-les, égouttez-les et faites-les sécher. Puis pilez-les finement, en les arrosant d’eau de fleur d’oranger ou d’eau de rose, et ajouter alors tant pout tant de sucre, toujours en pilant, afin d’obtenir une sorte d’épaisse bouillie, que vous ferez cuire à petit feu en la maniant afin qu’elle ne brûle pas. Laissez refroidir, et étendez sur du sucre en poudre, et travaillez la masse comme un pâte à fonder, pour former les formes que vous voudrez : rondes, ovales, carrées, en coeur, en triangle, plates, en boules, ou comme il vous plaira. Passez au four pour leur donner de la couleur, puis glacez-les avec du sucre fin et des eaux odoriférantes ; puis remettez à four chaud pour finaliser le glacis. »
Le nom ? Il se dit « marcepain » en 1544, « massepain » chez Rabelais en1546 : il semble emprunté à l’italien marzapane «pâtisserie à base d’amandes, de sucre et de blanc d’oeuf » ou «boîte ou panier de la capacité d’un dixième de boisseau».

Framboise et meringue par le chef Julien Binz ©Weiss

Et la meringue, enfin ? Favre dit que ce serait une « pâtisserie originaire de Mehringen, d’où en dérive le nom ; on l’a appelée plus tard meringue suisse, pour la distinguer d’autres formes successivement créées depuis. Les meringues peuvent se diviser en deux principaux genres : la meringue suisse, à base de blanc d’oeufs et de sucre en poudre ; la meringue italienne, à base de blancs d’oeufs et de sucre cuit. On distingue aujourd’hui un grand nombre de variétés de meringues, qui ne diffèrent entre elles que par les doses ou la diversité de l’état du sacre qu’on leur additionne. »

Toutefois l’étymologie que donne Favre est fausse, et le Trésor de la langue française informatisé dit plus justement que l’origine du mot est inconnue. Certains ont prétendu que le terme de « meringue » viendrait du polonais murzynka, «négresse», et «meringue au chocolat» (cf. le français nègre en chemise, gâteau de chocolat entouré de crème blanche) ; a meringue au chocolat désignée par murzynka devrait être une variété de la recette originale de la meringue. Toutefois il semble peu vraisemblable qu’un mot aussi compliqué que murzynka ait été introduit en français sans hésitations.

Tarte meringuée de Laurent Sanchez Bizkot
Tarte meringuée de Laurent Sanchez Bizkot

Il a également été supposé que le mot « meringue » serait venu de l’allemand Meringel… mais l’hypothèse ne tient pas, puisque le mot « meringue » est attesté en français bien avant avant le mot allemand, qui date seulement du 19e siècle ; c’est en fait l’allemand Meringel qui est emprunté au français.

Autre possibilité, le bas latin meringa (altération de merenda, «collation du soir»), se trouve dans un texte originaire de l’Artois, avec une origine germanique possible, étant donné la localisation du mot et sa finale. Meringue remonterait-il au moyen allemand merunge, «collation du soir», ou meringe, tous deux dérivés de mëren/mern, «tremper du pain dans du vin ou de l’eau pour le dîner» ? Cette hypothèse est encore douteuse puisqu’on n’a pas relevé d’attestation de meringue pour «collation» en picard ou dans les parlers du Nord-Ouest.
En revanche, il y aurait le latin merenda, «collation du soir», orig. de maringue, «miche de berger» et wallon marinde «provision qu’on emporte pour le dehors». Le passage de merenda «collation du soir» à «gâteau très léger fait de blancs d’oeufs battus et de sucre, cuit à four doux» peut s’expliquer par les acceptions prises dans les parlers gallo-romains, où le mot désigne une collation prise à n’importe quel moment de la journée et les aliments qui la composent.

Par Hervé This