La sauce madame existait déjà au 14e siècle

La sauce madame existait déjà au 14e siècle

On croit parfois que la cuisine a « progressé », mais de quelle nature serait le progrès ? Certes, du point de vue technique, nous avons des casseroles en acier inoxydable, plutôt que des pots en terre qui cassaient sans cesse (on retrouve des amoncellements de tessons sur les sites historiques). Certes, l’induction ou les micro-ondes permettent des rendements énergétiques bien supérieurs à ceux du gaz : 80%, contre 20% seulement pour le gaz… ce qui est loin d’être négligeable, par les temps actuel de crise de l’énergie.

Certes, nos ingrédients sont sélectionnés et améliorés (les endives n’ont plus la terrible amertume de naguère, les carottes sont chargées de sucre, nous n’avons plus à clarifier le sucre, etc.).

Mais on n’oublie pas que la cuisine, c’est d’abord de l’amour, ensuite de l’art, et enfin seulement de la technique

Or, en art, il n’y a pas de remplacement, mais des ajouts : le musicien Wolfgang Amadeus Mozart n’a pas remplacé Jean-Sébastien Bach, pas plus que Picasso n’a remplacé Rembrandt ! En cuisine, il en va de même : les préparations se sont progressivement ajoutées, et la mayonnaise, par exemple, n’a pas remplacé la rémoulade, ni le chocolat chantilly la mousse au chocolat.

Viandier de Guillaume Tirel

Tout cela, parce que j’avais trouvé pour vous, dans le Viandier de Guillaume Tirel, qui date du 14e siècle, une sauce dit « sauce madame », que je propose de considérer. Le texte en vieux français étant bien compliqué, je propose de considérer un protocole dans les termes sont modernisés (seulement les termes, pas la recette) :

  • on rôtit une volaille (Tirel propose une oie) en récupérant les jus et les graisses dans une lèchefrite sur laquelle on a mis des tranches de pain,
  • on fait rôtir un foie d’oie ou d’autres volailles
  • on fait tremper le pain imbibé dans du bouillon, puis on récupère le jus en passant le tout à l’étamine
  • on cuit des œufs durs, et l’on émiette les jaunes cuits dans le liquide récupéré
  • on ajoute éventuellement un peu de lait
  • on porte à ébullition.

J’espère qu’un de mes amis cuisiniers reproduira la recette, comme je l’ai fait : c’est excellent !

par Hervé This

Hervé This
Hervé This – La cuisine moléculaire