Jonathan Bauer-Monneret /Trophée Paul Haeberlin ©JulienBinz

Passion Vin : Jonathan Bauer Monneret, La liberté de s’exprimer

C’est au restaurant Spring, rue de Bailleul à Paris où il office en tant que chef sommelier depuis 2012, que nous retrouvons l’Alsacien Jonathan Bauer-Monneret, 28e Meilleur sommelier de France dans l’histoire de ce concours.

Né en 1985 à Strasbourg, celui qui a été formé pendant six années au lycée hôtelier Alexandre Dumas à Illkirch, diplômé d’un bac technologique, d’un BTS option gestion et d’une mention complémentaire (MC) en sommellerie, a été sacré Meilleur sommelier de France à Beaune le 27 octobre dernier, succédant à un autre brillant Alsacien : Romain Iltis, quant à lui titré Meilleur Ouvrier de France en sommellerie le 5 février dernier. Retour sur le parcours de Jonathan Bauer-Monneret

À 16h, le restaurant de Daniel Rose, Spring (ndlr ; signifiant le printemps, ou le renouveau) est encore fermé. Jonathan Bauer-Monneret, muni du trousseau de clés, nous fait visiter le restaurant concept avec cuisine ouverte, menu unique, servi dans une ambiance bistronomie. Il choisit de nous conduire dans l’antre de sa passion, la cave à vin située deux étages en souterrain, petite crypte voûtée, fleurant bon la terre humide et les vieilles pierres. Une large table haute en bois fatiguée et la grille conditionnent l’appréciation et des flacons anciens et la valeur breuvages, sélectionnés et référencés par le Meilleur sommelier de France 2014. Il sourit, il est chez lui. Bienvenue dans son univers, celui dans lequel il s’épanouit depuis deux ans, loin des palaces et des ors de la capitale.
Passion Vin: Jonathan Bauer Monneret : La liberté de s’exprimer

C’est un peu par hasard que Jonathan Bauer-Monneret s’est retrouvé dans le monde du vin. “Petit, j’étais d’abord passionné par la cuisine”, dit-il, “Comme mes parents ! Mais pour pouvoir pleinement m’exprimer, je me suis mis à la pâtisserie pour qu’ils ne puissent pas intervenir dans mes recettes. J’avais ainsi la cuisine juste pour moi le dimanche”, se souvient-il. “J’adorais cuisiner, je voulais en faire mon métier. Mes parents, enseignants, n’étaient pas très favorables et, tel un compromis, ils m’ont demandé de m’inscrire en bac technologique au lycée hôtelier. Puis j’ai poursuivi mon cursus avec un BTS gestion. Au lycée, a rencontre avec Antoine Woerlé, Meilleur Ouvrier de France des Arts de la table, qui enseignait également la sommellerie, a été émissive, relève-t-il. “Il m’a transmis une passion et l’envie de m’inscrire en MC sommellerie.” Le fil conducteur de ce cursus hôtelier est la conviction d’avoir un palais affûté, les sens exacerbés pour la dégustation. Une voie royale et vinique s’ouvrait pour le jeune homme cultivé, assoiffé de connaissances.


Après un premier stage chez Michel Bras à Laguiole, 3* Michelin auprès de Sergio alderon, sommelier argentin désigné par ses pairs Sommelier de l’année en 2010, il rejoint la capitale pour travailler dans une boutique de vins LAVINIA qui affichait plus de 6000 références. Puis, en 2006, se profile l’opportunité de s’envoler pour l’île Maurice au Relais Châteaux Prince Maurice du groupe Constance. “J’y suis resté pendant deux années en tant qu’assistant chef sommelier”, raconte Jonathan Bauer-Monneret. Une très belle expérience. Il fournille d’anecdotes sur son travail au restaurant installé sur des ponts flottants. Il continue son parcours sur cet archipel paradisiaque, et reste au sein du groupe qui lui propose une place de chef sommelier à Constance Belle Mare Plage Resort au restaurant gastronomique Blue Penny. “J’avais en charge le développement de la carte des vins et des achats”, explique-t-il. “Nous y travaillions une carte de 300 références de vins français et environ 350 autres issus pour l’essentiel de l’hémisphère Sud. Sur l’île Maurice, il y a une clientèle haut de gamme. Il y avait tout à faire au niveau de la sommellerie. C’était un défi. Je me suis investi et j’ai participé à la création de l’association des sommeliers de
l’île Maurice, qui était présidée par Jérôme Faure. J’avais accepté le poste de trésorier. Une belle expérience”, reconnaît-il.
Jonathan Bauer-Monneret, le Spring à Paris ©SandrineKauffer
C’est en tant que sommelier français expatrié, qu’en 2009, il se présente pour la première fois à un concours ; le trophée du meilleur jeune Sommelier de France, le trophée Duval Leroy. “Et contre toute attente, je l’ai remporté”, s’exclame- t-il humblement. Un hommage est rendu à son savoir-faire et son savoir-être en présence de Marc Haeberlin, chef de l’Auberge de l’Ill, et de Serge Dubs, Meilleur sommelier du monde en 1989. Pour décrocher ce titre, il a pu s’appuyer sur l’expérience de Jérôme Faure, chef sommelier du groupe et finaliste du concours du Meilleur Ouvrier de France en 2004.

En 2011, il décide de rentrer en France. “J’avais envie de poursuivre ma formation et d’approfondir mes connaissances du vignoble français. Je n’avais pas prévu de rester quatre années sur l’île, mais j’y ai rencontré ma femme, aujourd’hui chef de cuisine au Faust à Paris.” C’est avec une place de sommelier au Royal Monceau qu’il signe son retour en France auprès de Manuel Peyrondet, Meilleur sommelier de France en 2008. En 2012, Jonathan Bauer- Monneret remporte le trophée Paul Haeberlin à trasbourg au salon Egast. Lui qui travailler à l’Auberge de l’Ill a été jugé par Serge Dubs. Il monte sur la plus haute marche du podium en équipe puisque le trophée fait la part belle à la complémentarité des trois métiers : cuisine, salle et sommellerie.

Coaché par Manuel Peyrondet et se perfectionnant auprès des membres de l’association des sommeliers d’île-de-France avec qui, il participe à de nombreuses dégustations, il remporte le concours de Meilleur sommelier de France en 2014.

Jonathan Bauer-Monneret, brillant compétiteur, n’a négligé aucun aspect du concours. La finale se déroule en public devant environ 500 spectateurs et des sommités dans le jury. “J’ai pris des cours de sophrologie et de théâtre”, explique le sommelier. “Les exercices de détente, de respiration et de gestion de stress sont très importants pour appréhender les longues attentes entre les épreuves.”

Fort de son nouveau titre, il serait légitime de s’interroger sur les raisons pour lesquelles un Meilleur sommelier de France en région parisienne n’officie pas dans un restaurant étoilé Michelin ou dans un prestigieux palace?

La réponse de l’intéressé ne tarde pas. “Au Spring, je peux pleinement m’exprimer”, dit-il. Le lieu est atypique, à la fois chic et décontracté, la cuisine est ouverte, le chef officie aux fourneaux proposant un menu unique avec une offre mets/vins au diapason. “Le contact direct avec la clientèle, une équipe à taille humaine, trois sommeliers en salle, les dégustations avec le chef, la gestion de la cave, la possibilité de la développer sont des conditions de travail qui m’apportent pleinement satisfaction, reconnaît-il. Comme le restaurant n’ouvre que le soir, j’ai aussi la possibilité de réaliser des prestations avec mon entreprise : dégustations pour le Gault Millau, formations ou organisations de soirées thématiques œnologiques.”

Rien que l’histoire du Spring interpelle. Elle commence en 1998 quand Daniel Rose arrive à Paris à l’université. Passionné de cuisine, il s’inscrit à l’institut Paul Bocuse et ouvre six ans plus tard son premier restaurant, puis un second légèrement plus grand en 2010. Le repas est composé de 4 plats (deux entrées, un plat, un dessert) puis le sommelier entre en scène pour suggérer le meilleur accord met/vin. ” Avec le chef, nous dégustons en amont ses plats et testons des accords.”


Dans les méandres des sous-sols ; une porte en fer forgé donne un cachet fou à son univers d’expression. En véritable gardien d’un temple vinique, il collectionne de beaux flacons (400 références en rotation) qu’il partage avec envie avec une clientèle avertie. « Ceux qui prennent place au Spring ont envie de se laisser guider, de vivre une expérience unique et de se faire plaisir. Nous prenons le temps de discuter avec eux, de parler vins, d’échanger des impressions et des connaissances. » C’est toute la philosophie et la finalité du métier de sommelier qui lui sied.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©Sandrine Kauffer

Un article à relire dans le magazine Passion Vin n°12 (avril 2015-DNA)
96 pages, 7 euros,
disponible en kiosques, librairies, grandes surfaces et agences DNA.


L’Alsace détient le record de Meilleurs sommeliers de France :

Jonathan Bauer-Monneret est le 7e,
Romain Itlis (2012)
Pascal Leonneti (2006)
Philippe Nusswitz (1986),
Serge Dubs (1983),
Jean-Marie Stoeckel (1972)
Paul Brunet (1966),