Il fallait bien un chef à l’imaginaire indocile pour transformer un livre de recettes en récit initiatique. Avec La Cuisine d’un cancre, publié chez Hachette Cuisine, Glenn Viel, chef triplement étoilé de l’Oustau de Baumanière, signe un premier ouvrage aussi personnel qu’inattendu.
Ce n’est pas un manuel technique, ni un catalogue d’assiettes dressées à la perfection, mais un carnet de vie. Entre les pages, on trouve des annotations spontanées, des dessins d’enfance, des confidences écrites à la main, des souvenirs qui tiennent autant de la mémoire que de la matière. Glenn Viel y raconte sa route cabossée et lumineuse à la fois, celle d’un enfant breton « cancre » à l’école, qui apprit plus tard à lire la vie à travers les saveurs.
« Je ne voulais pas faire un livre de recettes pour faire un livre. Ça ne m’intéressait pas », confie-t-il. « Je voulais trouver une idée qui me ressemble, une forme d’autoportrait culinaire. » Il y racontera son parcours atypique, sa dyslexie, sa manière d’apprendre autrement, et ce besoin de comprendre le monde par le goût. « Le livre parlera d’humeur, de concentration, de l’idée. Ce sera un carnet plus qu’un traité. Pas besoin d’écrire dix pages pour dire que le chaud, c’est le chaud », plaisante-t-il.
video archive 2022 (livre 26’mn)
Dans La Cuisine d’un cancre, il revendique une écriture à rebours, presque à l’envers, comme pour rappeler que l’erreur et la lenteur font partie du chemin. Les recettes y côtoient les souvenirs, les croquis et les pensées. Il y décrit aussi son rapport aux mots, à la poésie, à la fadeur, à la matière brute, à l’inertie, ce temps invisible de la cuisson qui prolonge la chaleur après le feu. Ce livre, à l’image de sa cuisine, mêle la rigueur du geste à la tendresse du souvenir. Il y parle de la nature, du potager, des abeilles, de la nécessité d’un engagement lucide : « Le luxe consomme, il faut l’admettre. Mais on peut consommer mieux. L’important, c’est l’évolution positive. » À travers La Cuisine d’un cancre, Glenn Viel se dévoile sans fard : un homme fidèle à son enfance bretonne, émerveillé par les écureuils qu’il croise sur la route de Baumanière, heureux dans la simplicité. « Le problème des adultes, dit-il, c’est qu’ils ne s’émerveillent plus. Moi, je continue. Je lève les yeux, je regarde, je vis. »

Le chef évoque son parcours sans fard : des côtes sauvages de la Bretagne à la rigueur des palaces parisiens, avant d’atteindre les Alpilles et l’Oustau de Baumanière, qu’il dirige depuis 2015. Sur ce chemin, il transforme sa dyslexie en moteur, ses doutes en énergie, et trouve dans la cuisine un langage de liberté. « Il ne faut pas grandir trop vite, ni oublier ses racines. Je crois que je suis resté un petit garçon, et que ça infuse dans ma cuisine », écrit-il.
Dans ces pages, les classiques côtoient les créations les plus singulières : la bouillabaisse se réinvente, la tartine de sardines méditerranéennes prend des airs de tableau marin, et le pigeon en inertie devient une expérience sensorielle totale. On y retrouve ses fameux OGNI –objets gustatifs non identifiés- dont l’« Anépomme », sculpture-dessert poétique et militante, manifeste contre la pollution des mers.
Sous la plume de Viel, la cuisine se fait langage, la recette devient récit. Il joue avec les mots comme avec les textures, et chaque intitulé se transforme en promesse d’émotion. La Cuisine d’un cancre est aussi un hommage discret à ceux qui l’ont façonné : ses mentors, ses producteurs, ses amis et ses proches, autant de figures bienveillantes qui traversent ces pages comme des silhouettes familières autour d’une table.

L’ouvrage se clôt par une invitation au lecteur : « À vous de jouer », écrit le chef, comme pour passer le relais. Il ne s’agit pas d’imiter, mais de prolonger- d’inventer sa propre cuisine à hauteur d’homme, libre, instinctive, et un peu rêveuse.
Pour accompagner cette parution, Hachette Cuisine propose une édition collector présentée sous la forme d’un pupitre d’écolier, clin d’œil à l’enfance du chef. Un tiroir secret y cache une règle, un taille-crayon, une gomme : trois symboles simples, modestes, presque tendres, qui rappellent que la création naît souvent de peu, mais toujours du cœur.
La Cuisine d’un cancre paraît le 13 novembre.
Prix du livre seul : 40 €.
Prix du coffret collector : 80 €.



