Je ne le répèterais jamais assez, prendre du plaisir au restaurant doit rester l’objectif premier de tout gourmet. Quelque soit le style de cuisine, la diversité du monde des boissons nous permettra d’associer de manière juste le génie de nos chefs.
Habituellement, les associations privilégient le choix des mets, en premier, puis, celui des vins. Dans ce contexte, il est primordial de posséder une cave fournie . En effet, et à cette seule condition, on peut espérer être en harmonie avec la cuisine. Ancrée dans l’habitude des convives, cette manière de procéder s’érige en institution.
Toutefois, j’avoue que mes plus grandes émotions éprouvées à table ont été le fait de la réflexion inverse, choisir les vins puis, les mets que l’on pense les mieux adaptés. J’envisage ces associations comme une science quasi-exacte. La seule condition, s’entourer des bonnes personnes. Fort heureusement, la jeune génération de chefs compétents ne manquent pas.
Je souhaite dévoiler aujourd’hui ma philosophie de l’accord réussi, illustré par notre dîner “ Harmonie “ du jeudi 2 mars dernier, mettant à l’honneur les vins du Domaine Bott Frères. Cette maison située à Ribeauvillé depuis 1835 est exploitée par la famille Bott. Propriétaire de grands terroirs elle exprime avec brio leur complexité et définitions.
Depuis plus d’un an, j’ai le privilège de collaborer avec Julien Binz qui excelle dans ce domaine. Ce fonctionnement, pouvant paraître simple, est en réalité fort complexe.
Seuls l’expérience et un dosage millimétré, maîtrisé en cuisine, permettent d’atteindre le but recherché. Réfléchi, imaginé, cet exercice délicat et subtil se révèle remarquable au final.
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager quelques unes de leurs pépites et, tout naturellement, débuter par leur excellent Muscat d’Alsace Tradition 2015. Etant fan de cette cuvée, elle représente à mes yeux le plaisir de déguster du vin. Extraverti, flatteur, frais et rémanent, il constitue le vin idéal à ce moment de la journée, celui qui fait du bien.
En parfaite harmonie avec le Cromesqui d’Escargot, Agata, Chlorophylle à l’Ail Doux, sa structure incisive soulignait à merveille la chair du gastéropode, tout en mettant en relief le caractère végétal de la Chlorophylle. Bien sûr, tenant tête à l’Ail Doux de par son tempérament, ce vin représente à mes yeux un des meilleurs d’Alsace.
Ces dîners étant l’occasion de proposer des vins hors norme, je me délecte de magnums. Leur superbe Riesling Grand Cru Kirchberg 2013 étant disponible dans ce contenant, il traduit de fort belle manière la précision de ce terroir. Franc, complexe et racé, on perçoit la noble minéralité soulignée par l’équilibre tranchant en bouche.
Quoi de mieux qu’une Mousseline de Sandre en Croûte de Pain, Crème de Homard au Gingembre ? L’intitulé résume à merveille les prémices du grand accord. La chair de ce poisson carnassier d’eau douce admirablement panée et nappée d’une Crème de Homard n’a fait qu’optimiser la précision du terroir, tout en rappelant le caractère exotique épicé du vin.
Producteur d’excellents Pinot Gris, et pour l’occasion, ayant eu accès à une superbe référence : leur Grand Cru Osterberg 2010. Aujourd’hui épuisé, il me conforte dans l’idée que les plus grands sont produits en Alsace. Complet, structuré et profond, il exhale l’élégance de son terroir associé à une gamme d’odeurs racées et une structure charnue, caressante et profilée.
Le coeur du repas faisant la part belle à un Foie Gras Poêlé, Quinoa Grillé et Soufflé, Gel et Chips de Coing. Alors que la complexité d’arômes rappelle le caractère odorant du plat, l’équilibre de bouche enveloppe et accompagne la texture fondante et goûteuse du Foie. Le fumé racé épousant à merveille le caractère grillé de la pseudo-céréale.
Enfin, pour clore le dîner comme il se doit, je me devais de mettre en avant une éminente définition de Gewurztraminer. Leur Sélection de Grains Nobles 2013 assurait de par son caractère riche et délicat, finement floral et épicé, le bonheur des convives. La structure concentrée, aérienne et digeste marquait avec classe la qualité du tri à la vigne.
Dans la même veine, une Crème à l’orange, Pain d’Epices au Beurre, Kumquat Confit, Glace à la Bière était de mise. La subtile association d’agrumes était soutenue par le charnu du Pain d’Epices et la Glace à la Bière rééquilibrait la liqueur du vin. De manière globale, la fusion était parfaite et interdépendante. Un pur bonheur !!!
Vous l’aurez compris, cette vision, de prime abord originale, se trouve souvent déterminante pour capter la quintessence de l’harmonie. Encore une fois, elle démontre l’indispensable connivence entre l’humain, le vin et la cuisine. En somme, la complémentarité parfaite.
Pascal LEONETTI
