Alain Ducasse et Margot Lecarpentier @Mickaël Bandassak

Margot Lecarpentier : le combat d’une mixologue

Elle fait partie de cette nouvelle génération de la mixologie française. Il n’y a pas un, mais des «combats » que Margot Lecarpentier souhaite mener de fronts pour conjuguer sa passion et ses valeurs, ses ambitions éthiques et ses convictions gastro-mixologistes. Ce néologisme est parfaitement approprié pour celle, qui élabore ses recettes de cocktail comme un chef de cuisine. Margot Lecarpentier, devenue Margot Combat a remporté un prix du Fooding.

Elle a également été sollicitée par Alain Ducasse pour devenir sa cheffe mixologue, signant les cartes des cocktails de tous ses établissements dans le monde entier. Une fierté pour cette normande, juriste de métier chez Sony Music à New-York, qui a opéré une reconversion professionnelle. Aujourd’hui, Margot Lecarpentier est à la tête du bar « Combat » à Belleville ouvert en 2017 avec Elena Schmitt. Elle avait ouvert le café capitale à Belleville en 2021, et « Petit Combat » en 2022 dans le food court de Food Society aux Ateliers Gaîté, qui ont fermé.

Margot Lecarpentier devant son bar dans Combat ©Christophe Meireis

Quels sont vos COMBATS ?

« J’ai toujours eu une passion pour la gastronomie et pour financer mes études en droit, j’ai travaillé en restauration. Je sortais beaucoup faire la fête, surtout à Belleville, raison pour laquelle quand j’ai pris le risque de quitter l’industrie de la musique pour ouvrir mon bar ; ce ne pouvait être qu’à Belleville. Mais, j’ai d’abord essuyé les refus des banques. Mon premier combat fut l’ouverture de mon bar en tant que femme, conjuguée d’un combat féministe puis culturel et de conviction. Je prône une mixologie joyeuse, servant des cocktails locaux, de saison, végans et inclusifs, avec et sans alcool. Je m’emploie à démocratiser et féminiser le monde du cocktail, en créant une safe place pour consommer de l’alcool. L’accessibilité se concrétise par une politique tarifaire très serrée et par la publication de tuto sur mes réseaux. J’aime la transparence et démystifier la pseudo-complexité des recettes. Enfin, mon combat porte aussi sur la place des cocktails dans la gastronomie, en valorisant la mixologie dans les restaurants ».

Cocktails signés Margot Lecarpentier ©Christophe Meireis

Comment s’est construit le pairing « Ducasse-Lecarpentier » ?

« Alain Ducasse m’avait d’abord sollicitée pour réaliser la carte d’Ombres avant de me confier toutes les cartes. Il y a des similitudes entre nos goûts et nos palais ; nous recherchons l’amer, l’acidité, la naturalité et réduire le sucre avec des cocktails marqués par des aspérités. Alain Ducasse apprécie ma démarche de soustraction dans la création. Je m’oppose à la surenchère et l’addition d’ingrédients. La complexité n’est pas gage de qualité et souvent il y a plus d’égo que d’efficacité. Nous avons de nombreux échanges, y compris avec les chefs de chaque établissement pour faire des cocktails créatifs et sur-mesure avec leur cuisine respective. C’est un challenge d’élaborer autant de recettes et de fiches techniques, ainsi que des process d’envois pour les équipes. Le groupe Alain Ducasse, par cette démarche, fait évoluer la place du barman et la formation en mixologie. Cet été, au Meurice, tous les jeudis soirs, nous avons mis en scène le « Margot Combat Cocktail Club » avec une préparation qui se déroule sur chariot, devant le client. J’y ai par exemple déjà réalisé un cocktail à base de whisky fumé et de mezcal, un mélange de goût entre deux tourbés en accord avec une huitre au barbecue.

cocktail l’Impécâpre à base de tequila, câpres, Suze, noix, vermouth blanc, citron de Margot Combat ©Christophe Meireis

Quel est votre signature?

Ma patte c’est indéniablement le vegan et le vinaigre. J’en ai toujours une dizaine à proximité, mais j’en ai déjà goûté tellement, que je sais toujours celui dont j’aurai besoin pour une création. J’adore le gout aigre, je suis connue et identifiée pour ce choix. Il me permet de trouver une alternative au citron, non locavore. Si j’incorpore un vinaire à la fleur de sureau, par exemple, il apporte une acidité parfumée, fruitée et florale. J’ai un style de cocktail très gastronomique, qui ressemble beaucoup à des recettes de cuisine. J’élabore d’ailleurs mes recettes en cuisine et non derrière un le bar. Je les travaille comme un plat. Mes cocktails n’ont pas d’ambition mixologique, mais gastronomique. Combat était l’un des premiers bars à cocktails, qui a été pensé comme un bistrot, qui sert à manger. Je suis très inspirée par ce que je mange et que parce que je bois, mais je m’aperçois que je m’installe davantage dans les restaurants que dans les bars. Je puise aussi mon inspiration dans mes voyages notamment en Scandinavie et au Japon.

Le Bar Combat à bellevielle©Christophe Meireis

Un conseil pour acheter ses spiritueux ?

« Un bon achat de vins ou de spiritueux s’accompagnent toujours d’un bon conseil. Il faut repérer un caviste et rester fidèle, y revenir et multiplier les échanges. Le caviste appréhendera vos goûts, vos attentes et pourra, à chaque fois, préciser, affiner sa sélection et personnaliser son conseil. L’avantage également, est qu’il a toujours des bouteilles ouvertes pour faire découvrir. Il est primordial d’établir une relation de confiance pour bénéficier de son expertise ».

Entretien réalisé par Sandrine Kauffer

A paraitre dans le prochain numéro de The Crafter  -Septembre 2024

Margot Lecarpentier, la nouvelle cheffe mixologue d’Alain Ducasse ©Christophe Meireis