Éric Girardin, "le restaurant zéro covid" ©Sandrine Kauffer-Binz

Eric Girardin à La Maison des Têtes à Colmar, devient un restaurant Zéro covid

En mars 2021, ils ont fait le « buzz » médiatique avec l’annonce du restaurant « zéro covid », Marilyn et Eric Girardin, à la maison des têtes à Colmar ont installé un tunnel de décontamination UV en cuisine, imaginé par l’entreprise alsacienne Concept Light. Touchés par la maladies, ils ont poussé la réflexion et l’expérience en apposant des films auto-décontaminant sur objets et poignets, la carte du menu ensemencée et des plexis sur mesure. Restaurant expérimental, véritable labo de recherche de ce que pourrait être le protocole sanitaire durable en restauration, le chef Éric Girardin témoigne de sa démarche en vidéo. Avec un seul regret, ne pas avoir eu de retour de la profession. Aucun appel de confrères ou d’association professionnelle ou syndicale..

Les restaurateurs alsaciens ont renforcé la protection sanitaire, mais à l’instar de leur confrères, d’autres problématiques vont s’inscrire sur leur agenda d’ouverture

 La gestion des cas “contact”

La réouverture tant attendue du 9 juin 2021 ne va pas être un long fleuve tranquille.

En effet, premier coup de fil ce matin pour informer ce restaurant que la classe de son apprenti cuisine vient de fermer car il y  un cas contact. Il faut attendre quelques jours pour que l’apprenti puisse faire son test et s’il se révèle positif, il devra s’isoler une dizaine de jours.

Un directeur de salle témoigne: « le téléphone n’arrête pas de sonner, les réservations prennent, mais les clients rappellent parfois dans l’heure pour annuler, l’un d’entre eux est cas contact. Comme l’an dernier, chaque matin, le restaurateur pourra considérer son effectif salarié mis en parallèle avec les réservations confirmées et espérer que l’équilibre du service tienne. « L’an dernier », se souvient se maitre-d ’hôtel, « j’ai dû rappeler 5 tables pour leur dire que nous devons reporter, faute de personnel. Entre les démissions, les réorientations, les congés des parents pour classe fermée, les cas-contact et les tests positifs, il devient difficile de s’organiser pour commander et prévoir les marchandises. Tout ce qui est produit en cuisine, doit être consommé. Mais, l’appel le plus surprenant est sans doute celui de dentiste : « mettez-vous en place le cahier de contact ? », « oui monsieur bien-sûr », répond l’hôtelier-restaurateur, garantissant le respect du protocole sanitaire. «Dans ce cas, je ne viendrai pas chez vous ! », lui assène le client. « L’an dernier », justifie-t-il, « j’ai été rappelé par l’agence de santé car j’étais « cas contact » avec l’obligation de fermer mon cabinet dentaire une dizaine de jours, sachez que je ne peux pas me le permettre ! ».

Sidéré, le professionnel reste bouche bée. «Nous ne sommes pas des gendarmes, et nous mettons à disposition le cahier, mais nous ne pouvons pas les obliger de renseigner leurs coordonnées sur un cahier de rappel, ou scanner le Qr code qui renvoie directement à l’application Anticovid. L’Etat n’a pas réussi à rendre obligatoire cette application, alors comment peut-il nous demander d’interférer, là où il n’a pas su convaincre ? », s’interroge-t-il. Par ailleurs, le restaurateur encours le risque que l’application envoie une alerte rouge “Détection d’un cluster” à tous ses clients. Il va lui aussi devoir fermer quelques jours le temps de se faire tester.

« Mais, je rassure toujours mes équipes, nous sommes restaurateurs, nous ne sommes pas des gendarmes. Nos clients viennent vivre une expérience agréable pour se changer les idées et se faire plaisir. Il va falloir composer pour rassurer les clients qui le souhaitent et ne pas importuner ceux qui sont vaccinés pestifèrent si vous prononcer “gel hydroalcoolique” ».

Démission et réorientation

Le plus grand mal dont souffre la profession c’est la vacance des postes.

A la réouverture, les offres d’emploi ont été multipliées. Certains restaurateurs réduisent la jauge des clients, indépendamment du protocole sanitaire.  Ils  manquent de personnel pour le service. Qu’elles soient remises pendant la fermeture administrative ou juste à la ré-ouverture, la démission d’un collaborateur est un électrochoc. Une double peine pour le restaurateur qui voyait enfin le bout du tunnel. Une autre épreuve l’attend, celle de la brigade complète pour exercer son métier dans de bonnes conditions. Finalement, l’ouverture progressive des terrasses a permis une remise en fonction graduelle, une sorte du mi-temps thérapeutique pour remettre en condition le corps et l’esprit des équipes.

Imaginez-vous, passer sans transition et sans échauffement, d’une journée  «canapé » à 9 heures par jour en station debout et active !  C’est un choc physique et psychologique pour les équipes. Se voir privé du jour au lendemain de ses dimanches en famille et des soirées entre amis bouleverse le moral des plus passionnés. La remise en question post-covid passant du déménagement à la ré-orientation professionnelle, vont accentuer les problématiques de la profession. La prégnance d’un concurrent déloyal renforce la crise. La pire situation, la démission d’un chef de cuisine ou d’un cadre, quelques jours avant la reprise !

Pôle emploi est bien plus attractif que le salaire et les conditions de travail dans l’hôtellerie-restauration. Est-ce normal de mettre en porte-à faux le nombre de poste non pourvus et le nombre de diplômés et expérimentés en CHR inscrits sur les listes de demandeurs d’emplois ?

Qu’avons-nous entrepris comme réflexion pendant cette crise pour être plus attractif ?

Si les commerces ferment à 19h, les restaurants peuvent fermer à 23h

Le couvre-feu à 23h est bien accepté par la clientèle, alors pourquoi ne pas fermer les restaurants à 23h au même titre que les commerces ferment à 19h ?  4 heures pour diner sont suffisantes, la prolongation à table pourrait majorer l’addition de 10% (tarif de nuit) pour financer les heures supplémentaires du personnel ou embaucher une seconde équipe.

Il en va de la pérennité de la profession de trouver des solutions, pour que les restaurants gastronomiques, qui participent à l’attractivité touristique, au PIB de la France, puissent conserver leur personnel. Le repas des Français, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco, a fêté ses 10 ans. Guillaume Gomez vient d’être nommé ambassadeur de la gastronomie auprès du président Emmanuel Macron. La défense et la promotion du savoir-faire artisan et des produits de qualité se conjuguent aussi et surtout avec du personnel de la restauration, pour les valoriser.

Par Sandrine Kauffer-Binz