Evolution ou révolution digitale ? Déshumanisation de la relation-client ou outil pour gagner du temps ? Quoi qu’il en soit le Maitre d’Hôtel 3.0 reste connecté avec sa clientèle et exploite les outils modernes, en constante évolution, si ce n’est pour rester en connexion avec ses équipes, acquises aux Nouvelles Technologies.
Le thème du grand oral de la finale du concours d’Un des Meilleurs Ouvriers de France du Maitre d’Hotel 2018 a confronté les 11 finalistes à cette véracité virtuelle qui s’inscrit dans le réel. Prendre conscience de l’importance de l’ e-réputation permet de faire du e-commerce, e-marketing, e-management, e-formation et des e-RP. Le Maitre d’hôtel 3.0 a plus d’une appli à son arc, mais saura-t-il exploiter toutes ces opportunités, sans renier la tradition et le savoir-faire de son métier ? C’est tout l’enjeu de ce grand oral, véritable laboratoire d’idées et incontestables pistes de réflexions pour les enjeux à venir.
Valorisation de l’intelligence émotionnelle
Pendant cette épreuve de 30 mn, le finaliste qui avait rendu en amont un dossier sur le sujet, se voyait remettre 3 questions, 30 minutes avant sa présentation, en corrélation avec son sujet.
Si ses connaissances transversales et sa maitrise du sujet ont été notées, son savoir être, sa présentation, son aisance, sa capacité à transmettre un message et expliquer ses idées ont tout autant été appréciés. Comme dans un restaurant, captiver la tablée, retenir toute son attention et l’emporter dans une narration est tout un Art. Un Art qui s’appuie sur l’intelligence émotionnelle et repose sur la fine observation, le ressenti et la capacité à ajuster immédiatement sa posture.
Attitude, positionnement corporel, placement de la voix, communication verbale, non-verbale et para-verbale étaient décryptées par un jury en attente d’apprécier l’exposé de son savoir et le décryptage de son savoir-être. Un silence percutant, une pause dans le phrasé, un débit à la juste mesure, une sonorité mesurée, une assurance pondérée présentée avec humilité, une maitrise du sujet suscitant de l’intérêt, voici les clefs d’un Grand Oral parfait. Le piège était d’utiliser le conditionnel. «On pourrait.. il est possible de mettre en place… », car de toute évidence, utiliser le présent induit l’expérience d’une mise en application concrète dans son restaurant, plutôt que d’une énumération de théories et du champ des possibles.
L’expérience client réunit une somme de composantes, orchestrées par le Maitre d’hôtel. Son intelligence émotionnelle reflète sa capacité à rentrer en relation avec autrui. C’est la pierre angulaire de son métier, une qualité qui lui permet de conjuguer le savoir-être, le savoir-faire et le savoir faire-faire, que le digital ne saurait remplacer.
Impact du digital en chiffres
6.000.000 d’avis sont déposés/an
3 milliards d’internautes
1 milliards d’instagrammeurs
4 milliards de vues sur You tube / jour
4h 48 est le temps d’utilisation de son smartphone/ jour
1 million d’applications sont créées/ an
1h22 / jour : c’est le temps moyen passé sur les réseaux sociauxDes réservations 7/7 et 24h/24h
23 à 25% des réservations sont digitales
Il faut moins de 50 secondes pour réserver en ligne contre 5 minutes au téléphone
1 / 5 client a déjà réservé en ligne
1/3 client consulte les avis avant de réserver
6/10 client dépose un avis après
Adaptabilité des pratiques en fonction des nouvelles technologies
Le Maitre d’hôtel met l’ensemble de son expertise au service de l’exploitation du restaurant et pour optimiser ses compétences, il doit s’appuyer sur les nouvelles technologies, vectrices et multiplicatrices de son message et de l’image de l’établissement.
Il travaille à la fois sur l’image de marque, la réputation et l’e-réputation. Comment ? En communicant via le site internet, l’envoi d’une newsletter, l’e-mailing, les campagnes de sms, mais aussi les différents réseaux sociaux et les relations presse.
” Tous les clients sont des journalistes” soulignait Antoine Pétrus, pendant son grand oral, signifiant que chacun via son réseau devient un média à part entière, suivi par une communauté et en fonction de ses followers, se positionne en influenceur. “Nous sommes passés du consommateur passif, à un acteur qui prend la parole”.
“Les avis des consommateurs sont devenus tellement importants que Trip Advisor se positionne comme le premier guide gastronomique”, constate Marc Thomas Fefin. “Etre présent, permet de connaitre son e-reputation, l’étudier et la travailler”.
“Chaque client qui prend une photo et la publie est un promoteur direct de notre établissement, rajoute Yoann Gregory.
“Le digital nous permet d’aller à la rencontre de notre clientèle”, mentionne Bruno Casassus-Builhé, qui rajoute “la réalité doit absolument être en phase avec la communication digitale “. Pour Sébastien Rival, “Le digital, c’est le live qui accélère le “bouche à Oreille” (ndlr le buzz).
“Le digital est l’accès direct avec notre clientèle, sans média interposé”, complète Laurent Delarbre. “Nous devenons un média. Il faut aider le marché de la FoodTech à se développer et penser à modifier le contenu des enseignements”.”C’est une ouverture sur l’international”, rajoute Elsa Jeanvoine “qui valorise une expérience globale du client, avant son arrivée, sa présence dans l’établissement, et après”. Publier des post sur les réseaux sociaux par exemple peut rassurer une clientèle étrangère. “C’est quand le client quitte le restaurant que tout commence”, proposait comme thème de concours des Arts de la table Denis Courtiade.”On est passé de l’ère de l’information à l’ère de la réputation”, relève Mickael Bouvier. “Le digital est notre première vitrine commerciale’.Mais, des limites ont été posées par tous. Elles englobent l’éthique et la confidentialité des données personnelles, sous l’égide du nouveau règlement DGRP. Le Bashing digital (lutte contre les faux avis et la cabale des avis négatifs) relevés par Christophe Baron, mais aussi la prise en considération des “technophobes”. “L’omniscience du digital est chronophage”, rajoute Simon Verger. “Tisser des liens sur la toile exige environ 2H/jour. Mais où se trouve le client aujourd’hui ?”, interroge-t-il. “Derrière son écran ! ” conclut-il.
Pendant le grand oral, les 11 finalistes ont développé plusieurs points
Le digital devient un outil de recrutement
C’est également un levier de recrutement, puisque le candidat se renseigne avant de postuler et que force est de constater qu’ “une image vaut mille mots”. On découvre au fil des publications ; les plats, la décoration, les équipes, mais aussi l’ambiance, l’esprit de la maison, ses valeurs humaines et professionnelles. Bien communiquer permet aussi de bien recruter. C’est offrir la possibilité de montrer les coulisses et de susciter l’envie de rejoindre son équipe. Dans un contexte de recrutement en déficit, le digital devient une arme de persuasion.
Le digital au service de l’accueil du client, le service et la fidélisation
Le maitre d’hôtel, lors de son briefing aux équipes, va transmettre des informations utiles pour optimiser le service et l’expérience client. Il rappelle la préférence d’une table, une allergie, un anniversaire, il mentionne un client « VIP », un habitué.
La reconnaissance du client permet de personnaliser l’accueil. Toujours souriant, bienveillant et chaleureux, il conditionne le client dans un sentiment d’appréciation du moment à table.Si le client réserve spontanément, la mission du Maitre d’hôtel est de le faire revenir. Comment ? En créant un lien, en prenant soin d’entrer avec discrétion et courtoisie en “relation”. Lui envoyer un questionnaire de satisfaction, répondre aux avis qu’il a pris soin de rédiger et partager. C’est la moindre des politesses, que de remercier et répondre “aux courriers”, qu’il soient positifs ou négatifs. La réponse sera un prétexte pour communiquer et transmettre des informations complémentaires sur la maison et de vanter ses qualités : “Notre sommelier a été distingué”, “nous offrons un excellent rapport qualité-prix”, “je vous informe de la prochaine soirée à thème”, nos produits sont locavores” ect.Les outils marketing sont identiques pour entretenir un lien. L’expédition mesurée d’un emailing, newsletter, ou sms, la publication sur les différents réseaux sociaux permet de rester connectés avec sa “communauté”, celle qui a choisi spontanément de vous suivre. Il faut cultiver son intérêt et nourrir sa curiosité. L’excellence consiste à souhaiter les anniversaires, envoyer des fleurs pour une naissance, une carte de condoléance, des actions qui signe une reconnaissance et entretien une relation, qui se doit de rester professionnelle, sans jamais devenir intrusive.
Le digital est un facteur de productivité
La digitalisation de la profession optimise la productivité, donc de compétitivité et la rentabilité économique. Chasser la perte de temps pour en gagner devient un enjeu majeur. Le maitre d’hôtel a pour devoir de sortir d’une zone de confort pour expérimenter et se former aux nouvelles applis et logiciels créées pour gagner du temps, archiver, connecter, et produire des chiffres et analyses de données. Sa capacité d’adaptation et de curiosité envers les nouvelles technologies sont un atout indéniable pour l’établissement. Sa gestion de l’e-réputation, de l’e-commercialisation est en adéquation avec l’évolution des métiers de la restauration.
Les outils se réservations en ligne mettent au ban le sempiternel cahier de réservations. La retranscription des données se résument en perte de temps et d’énergie Même constat pour le relever des plannings, des données en cuisine, (température, inventaire et gestion des stocks). Cependant, il ne sert à rien d’investir si le temps d’interprétation des statistiques et résultats n’est pas étudier pour réajuster sa politique commerciale et d’achats.. Au delà du travail du maitre d’hôtel qui se digitalise, c’est toute l’entreprise qui s’appuie sur les nouvelles technologies pour rester performante et compétitive.
Le digital est un outil de management et de formation des équipes
Il existe des logiciels de gestions des planning des équipes (gestion horaires, absences, congès) de communication interne, (ouverture d’un compte groupé whatsapp,) pour diffuser des informations et notes de services.La formation des employés est la clé d’une évolution des prestations qualitatives dans l’entreprise. Une formation en sommellerie, en langues, aux découpes, aux arts de la table, renforcent les compétences. Les sites de e-learning sont de parfaits assistants de formations individuelles ou collectives. De nombreuses vidéos tutorielles -parfois gratuites- font la démonstration de l’ouverture d’une bouteille de vins, carafage ou flambage. Nul n’est plus sensé ignorer les pratiques des métiers de salle. En un clic, les formations sont assurées, pour qui veut mieux les maitriser. Car en définitive, les outils sont à portée de mains, mais restent suspendus à la bonne volonté humaine.
Le digital au service de la commercialisation
Il s’agit ensuite de tirer son épingle du jeu dans la nébuleuse des offres de nombreux prestataires, qui parfois, bien avant les bénéficiaires, ont saisi les intérêts et les enjeux économiques de ces fonctionnalités pratiques. Installées à bon escient et utilisées par un personnel formé, elles garantissent un gain de temps, une économie d’énergie, une performance productive et donc une rentabilité économique.
Mais chez quel prestataire investir ? Certains sont spécialisés en PME, d’autres en hôtellerie, conciergerie, le tout est de prendre le temps de bien sélectionner son logiciel ou appli. Voici toutes celles citées par les finalistes lors du grand oral ; La fourchette, Table Online, Guest on line, zenchef, Michelin, Gault & Millau, TripAdvisor, instagram, Facebook, twitter, linkedin, Tou tube, You call (traduction), Skello (gestion planning), Billee (paiement mobile), Extracadabra (gestion des extras)
Il reste à choisir les bons outils digitaux adaptés au fonctionnement et besoin de l’entreprise.
Car en définitive, le digital, oui mais pas à tout prix !
Par Sandrine Kauffer-Binz