Dans le temps, il y avait les « écuyers tranchants », noble chargé de découper les viandes. Le mot était encore utilisé au dix-neuvième siècle pour désigner ceux qui savaient l’art de découper et de servir à table, composer des repas. Rien à voir avec le maître d’hôtel, comme le signale Bernardi en 1845, « les fonctions de l’écuyer tranchant n’ont aucun rapport avec celles du maître d’hôtel ; ce dernier remplit les fonctions d’intendant de grande maison », et on le nomme aussi « grand maître », majordome.
Cela étant, progressivement, la fonction d’écuyer tranchant a disparu, alors que le maître d’hôtel est resté, notamment dans les restaurant, où ce dernier a parfois pris des fonctions de préparation ou de finition des mets : découper des volailles, lever des filets de poisson (c’était réservé à l’écuyer tranchant), flamber… et préparer quelques sauces. Car oui, les sauces « maître d’hôtel » étaient l’apanage des maîtres d’hôtel.
Dans le Cuisinier impérial d’André Viard (1806), j’en trouve deux. D’abord une « Maître-d’Hôtel froide, que l’on obtient en mettant du beurre dans une casserole, avec un peu de persil et d’échalotes hachés bien fins, du sel, du gros poivre, un jus de citron ; on pétrit le tout ensemble et, au moment de servir, on sert la maître-d’hôtel « dessus, dessous », ou dedans les viandes ; on peut aussi y mettre une ravigote hachée en place de persil.
La sauce Maître-d’Hôtel liée
Il existe une autre sauce « maître-d’hôtel », mais qui doit se nommer différemment : la « Maître-d’Hôtel liée », dont voici la recette :
« Mettez dans votre casserole un quarteron de beurre ; plein une cuillerée à café de farine, persil, ciboule hachés bien fins, sel, gros poivre ; vous ajoutez plein deux cuillerées à dégraisser d’eau ; vous mettrez votre sauce dessus le feu au moment de servir ; vous la tournerez comme une sauce blanche ; si elle était trop liée, vous y mettrez un jus de citron avec un peu d’eau ; il faut que cette sauce soit épaisse comme une sauce blanche ; on peut, en place de persil et d’échalotes, y mettre une ravigote hachée, bien fine. »
Et la préparation en salle ajoute au plaisir du repas, en même temps qu’il évite que les « serveurs » ne soient des « porteurs d’assiette » un peu invisibles, qui se contentent du “ça vous a plu” que j’ai mille raisons de critiquer. Au contraire, ils deviennent alors essentiels, et leur fierté augmente leur responsabilité en même temps que le bonheur des convives.
par Hervé This