Jean-Claude Bader et Johnny à l'Arsenal

Jean-Claude Bader; de restaurateur à chanteur de Johnny

C’est au Paradis des Sources à Soulzmatt (68) que le Groupe Tennessee s’est produit le 22 février 2020, offrant un spectacle sons et lumières de toute beauté, Harley Davidson et scénographie photographiques du “tôlier” offrant un univers artistique à chaque morceau interprété devant 350 personnes.L’ancien restaurateur, qui a tenu l’Arsenal pendant 17 ans à Strasbourg, recevait à sa table, une foule d’artistes et d’hommes politiques, mais surtout son idole Johnny.


Un portrait publié dans le magazine Good’Alsace n°4

« Je ne suis ni un sosie, ni un imitateur, mais j’interprète avec passion et sans prétention, le répertoire de mon idole Johnny Hallyday ». Ses tendres années le bercent encore aujourd’hui, puisqu’avec son groupe Tennessee, il se produit en concert, interprétant un tour de chant, avec une justesse scénographique, une force vocale, et une présence scénique, qui font dire à certains qu’il l’incarne très bien.


Le groupe Tennessee rend hommage à Johnny au Paradis des Sources ©Sandrine Kauffer-Binz
Et dire qu’il a découvert son talent à 45 ans quand son fils Renaud lui a offert à Noël un karaoké.

«Avant j’ignorais que je savais chanter et que j’avais un timbre proche de celui de Johnny Hallyday », s’amuse-t-il, racontant son parcours comme s’il avait été spectateur de sa vie, aux premières loges de ses plaisanteries. Regard malicieux, Jean-Claude Bader égaye son récit d’anecdotes « rock’n’roll », et de railleries. « Maman disait : avec lui on ne sait jamais s’il ment ou s’il dit la vérité ! ».

Jean-Claude Bader sur la scène du Paradis des Sources ©Sandrine Kauffer-Binz


Les tendres années à Ertein

Né à Erstein en 1951, Jean-Claude Bader a grandi à la sous-préfecture. Son père était concierge et chauffeur du Sous-Préfet et sa maman Marthe, y faisait des ménages.

« Nous étions 8 enfants, dont 3 paires de faux-jumeaux », souligne-t-il, certain de faire son effet. « Véridique ! et si tu veux savoir pourquoi, … c’est parce que mon père avait le hoquet », s’amuse-t-il. « Je suis issu d’une famille modeste, mais je n’ai jamais manqué de rien, j’étais un enfant heureux, un peu turbulent aux dires de maman, mais toujours souriant »…

« Dis-toi bien que tu vivais, tes tendres années… »

photo archives. en haut devant sa maison d’enfance. A droite photo de famille. En haut, Jean-Claude et son faux-jumeau Robert, Gérard, Michou, Netty, Annie, maman Marthe, Isabelle et Freddy


S’il y a un restaurant qui a marqué son enfance c’est le Restaurant Marx, construit en 1880, qui appartenait depuis 3 générations à la famille Marx, avant de devenir en 2010, l’Auberge du Ried. C’est dans le Restaurant Marx, sur ses bancs en bois, que sa famille se réunissait pour les grandes occasions (baptêmes, communions).

« À l’époque, c’était une institution, tous les Ersteinois y faisaient la fête . Il y avait une salle de « balluche » (de bal) avec orchestre et les Marx jouaient des instruments. C’était un débit de boisson de 1000 m2 », sourit-il, faisant silence, se remémorant quelques … « Souvenirs, Souvenirs, Je me souviens d’un soir de danse, joue contre joue, des rendez-vous de nos vacances, quand nous faisions les fous… »

Avec Michel Marx, tenant un menu de l’époque ©Sandrine Kauffer-Binz


« J’habitais juste en face du restaurant. C’était « jour de fête » quand nous y allions. Maman allait spécialement chez le coiffeur et mettait une montre qu’elle portait une fois par an. Mon père, quant à lui, sortait la cravate ».

Le restaurant Marx était un lieu de vie comme il y en avait autrefois, avec jeux de tiercé et tables de billard. Plus qu’un restaurant, Marx replonge le restaurateur-chanteur dans ses tendres années, comme une madeleine de Proust, une époque d’insouciance, d’une enfance au coeur d’une famille nombreuse et heureuse. « Papa est mort jeune, à 49 ans. Maman fut courageuse, elle a élevé seule 8 enfants. Je disais toujours que maman était une sainte. Elle a toujours été très croyante. Au décès de mon père, elle se recueillait à l’église et se rendait régulièrement à Lourdes ».

Jean-Claude Bader à Erstein devant sa maison d’enfance ©Sandrine Kauffer-Binz
« Maman cuisinait bien, mais imaginez le travail pour 10 personnes à table ! Je me souviens de ses galettes de pommes de terre. Elle passait tout le dimanche après-midi à râper des pommes de terre pour en faire une centaine. Rien que pour ma part, j’en dévorais 12, je les adorais, elle les saisissait rapidement à la poêle, et elles étaient encore un peu crues à l’intérieur».

Elle nous a quittés en 2008, à l’âge de 92 ans. J’étais très proche d’elle, j’étais son chouchou », précise-t-il, l’œil brillant. « Elle me pardonnait tout. Elle disait : « de tous, ce n’est pas le plus bête, c’est le plus malin, celui qui ira le plus loin ». Je fus juste le plus médiatique et maman était fière quand elle me voyait dans le journal ».

Avec sa maman Marthe à l’Arsenal

Le Terminus pour point de départ

À 14 ans, il quitte l’école et la question de l’apprentissage s’est posée : coiffeur, maçon, charpentier… Ce sera hôtelier-restaurateur à Strasbourg, sous l’ère Kocher.

« À l’époque à Erstein, tous les jeunes allaient faire leur apprentissage au Terminus à la Gare de Strasbourg. Je les voyais partir, admiratif, toujours bien habillés », se souvient-il. « Quand maman m’y a emmené, c’est la première fois que je quittais Erstein et que je prenais le train. Arrivé à la gare de Strasbourg, j’étais impressionné et intimidé »

Jean-Claude en tenue de salle devant le Terminus à Strasbourg


Mais cela n’allait pas durer, Jean-Claude Bader va rapidement prendre ses marques, et l’époque des yéyé lui insuffle quelques légèretés.
« Je faisais bien mon métier, mais j’avais un côté rebelle. J’avais les cheveux longs mais pas les idées trop courtes. Le Terminus appartenait à l’époque à Monsieur Riehm, tout comme le Bristol à Colmar et Les Trois-Épis ». En 1968, j’obtiens mon CAP. Je gagnais alors 15 francs par mois et mon premier achat ce fut le 45 tours de Johnny Hallyday « Le pénitencier » en 1965. À l’époque, on écoutait les vinyles sur un tourne-disques TEPPAZ, en buvant du coca. J’avais 11 ans et Johnny musicalement était le meilleur, avec des pochettes de disques magnifiques »

Avec une superbe assurance, il avance dans les responsabilités, rejoint l ’Holliday Inn à Strasbourg (actuel Mercure, place de Bordeaux) évoluant rapidement de Maître-d’Hôtel à directeur de restaurant. « Et oui j’étais quand même sérieux ! J’ai suivi des cours d’anglais et j’ai appris à manager les équipes, à maitriser la gestion du personnel, les ratios, tout simplement à gérer mon futur restaurant ».

Les années Rock : Johnny Hallyday et l’Arsenal

Et puis un jour, en 1979, Johnny Hallyday, en concert à Strasbourg, réserve une chambre à l’Holiday Inn. Jean-Claude lui fait déposer une bouteille de Marc de Gewurztraminer et le lendemain, la star demande à le voir pour le remercier. « Première rencontre, j’étais très impressionné. Nous l’avons ensuite revu à l’hôtel en 1981 et 1982 quand il venait en concert. Puis, j’ai dû attendre 11 ans pour le revoir, je suis devenu fou ! Il revint en concert à Strasbourg en 1993, 1998 et 2003 et ira cette fois dîner à l’Arsenal. « On avait sympathisé et il m’avait dit : « Si un jour tu ouvres un restaurant, je viendrais. Il a tenu sa promesse ».

En 1988, Tony Schneider, illustre personnage de la restauration, décède et Jean-Claude Bader décide de reprendre L’Arsenal. À 38 ans, Jean-Claude Bader saisit cette opportunité. « C’était comme racheter Yvonne ! c’était mon coup de cœur, j’étais si fier. L’Arsenal était une institution. Tout ce qui comptait comme personnalités à Strasbourg, venaient y dîner. C’était une winstub gastronomique avec des bancs d’églises et un meuble de prêche à l’arrière, derrière lequel je servais l’apéro », s’amuse-t-il.

« Au début, j’avais conservé les recettes authentiques de Tony, celles des fleischnackas ou du kouglof aux escargots, ces deux plats avaient un succès du feu de dieu. Après, il y avait le canard sauce au pain d’épices et les rognons entiers servis avec du foie de canard poêlé. Je savais que Johnny adorait les pâtes et un jour, il m’a demandé de lui préparer une choucroute, alors je l’ai faite juste pour lui, mais j’ai remplacé les saucisses par des quenelles de foie, car il adorait ça. J’ai posé un pot de raifort et je l’ai averti de sa force. Il a ri, il l’a terminé, c’était un champion des concours de plats épicés ».


La salade de cervelas grillés sur choucroute servie à l’Arsenal
« Nous avons reçu Nicolas Sarkozy, Valéry Giscard d’Estaing, et tellement d’artistes. C’était une belle période, festive, avec une belle ambiance, une brigade composée de Thierry Bendler, Sébastien Helterlé, (Restaurant Les Innocents), Carole et Clément Fleck (Fleck&Co) et Nicolas Rieffel. J’étais fier de cette équipe, je les ai vus grandir. Je suis un rassembleur et un sentimental. Nous avons eu des soirées mémorables à l’Arsenal. Quand il fallait, j’allais en cuisine envoyer les entrées et les desserts. Je me souviens de la salade de cervelas grillés sur choucroute préparé par Thierry Bendler ou de son sandre façon matelote. J’ai eu de belles années pendant 17 ans à L’Arsenal, des emmerdes aussi, mais elles m’ont rendu plus fort. Mon épouse Yvonne, qui travaillait chez Lilly à Fegersheim, m’a rejoint en 1989. Nous avons deux fils, Renaud (42 ans) qui est mon guitariste dans le groupe Tennessee et directeur d’un hôtel et Olivier (49 ans) directeur général du casino à Sainte-Maxime. Nous avons vendu l’Arsenal, en 2005, (à trois ans de la retraite). Je venais de commencer les concerts et j’étais de moins en moins présent ».


Son premier 45 tours acheté. J-C Bader “dans sa pièce à Johnny”
« Quand j’ai commencé à chanter, je ne l’avais pas dit à Johnny, par pudeur. Il savait que j’étais fan et je savais qu’il n’appréciait pas les sosies». En 2003, j’ai été invité dans une émission sur France 3 et il m’a dit : « je t’ai vu à la TV. Écoute, tu chantes bien, tu étais naturel, c’est très bien ». « J’ai rougis, il m’a fait très plaisir. Je n’étais pas un ami personnel mais on se connaissait et on conversait. Pour tous les fans c’était un rêve de pouvoir le côtoyer et bien moi j’ai réalisé mon rêve. C’est immense ! À la maison, j’ai une pièce qui lui est dédiée, avec une collection de disques, d’objets, d’affiches, de livres, dont le livre vinyle avec les paroles imprimées ou une de ses guitares. J’espère qu’un jour mes enfants prendront bien soin de ma collection quand je ne serai plus là », dit-il, contemplant une publicité pour un parfum « eau sauvage, méfiez-vous de l’eau qui dort », mettant Johnny en scène, en noir et blanc, son regard très touchant, très perçant, impressionnant. Johnny chantait la vie et j’ai quelques morceaux préférés : « L’envie », « Diego », « La fille aux cheveux clairs », « La solitude » ou « Le diable me pardonne ». « Quand Johnny est mort dans la nuit du 6 décembre 2017, j’ai été interviewé le lendemain sur TF1. Il y a eu un engouement supplémentaire de la part des fans comme s’ils opéraient un transfert. Même si on y était préparé, son départ fut un choc ».

De la scène politique à la scène musicale

« Le travail ne m’a jamais fait pas peur, j’étais toujours courtois, mais je ne me laissais pas faire, devenant assez naturellement délégué syndical de la restauration », quand je travaillais à L’Aubette (1969-1974). J’ai organisé la première grève de la profession, qui a duré 3 jours sur la place Kléber. Nous étions 70 à manifester pour le maintien de nos avantages ».

Par la suite, Jean-Claude a présidé pendant 20 ans le syndicat des hôteliers-restaurateurs de Strasbourg, représentant 800 adhérents, évoquant le para-commercialisme, la TVA et les animations d’été lors de ses discours de rentrée à la Foire Européenne.

De la scène politique à la scène musicale, Jean Claude BAder


« J’ai toujours fait de la politique, pendant plus de vingt ans, pour défendre les intérêts de la profession, sans carte de parti », souligne l’actuel conseiller régional Grand Est. De 2001 à 2008, il avait rejoint le duo Keller-Grossmann sur les listes municipales, devenant adjoint délégué au tourisme. « C’est grâce à moi que Johnny était venu en concert à Strasbourg en 2003, au stade de la Meinau devant 30.000 personnes. « J’avais organisé la rencontre entre Jean- Claude Camus, le producteur de Johnny et Robert Grossmann ».


Jean Claude Bader interprète “les portes du Pénitencier” ©Sandrine Kauffer-Binz
D’une scène à l’autre, Jean-Claude Bader, sourire aux lèvres, semble toujours en mode divertissement et provocation. Il se lance dans chaque aventure à corps perdu, libre de réaliser ce dont il a envie. « Quand tu es comme moi dans la vie, tu démarres bien et il ne peut rien t’arriver. Et puis, j’aime les nouveaux défis ».

De l’ambiance à la théâtralisation d’une salle de restaurant, aux prises de paroles et représentations de la scène politique, c’est avec une certaine expérience qu’il foule le plancher de la scène musicale, en jouant des sérénades hallydayennes.


Projecteurs braqués sur lui, démarche assurée, en Johnny, il s’épanouit

 

Projecteurs braqués sur lui, démarche assurée, en Johnny, il s’épanouit. Rock’n roll attitude, sons des guitares, et « foule en délire », il incarne son idole. « En concert, je fais chanter et danser tout le monde, même les politiques, s’amuse-t-il. La musique adoucit les mœurs, et réunit toutes les générations autour du « patron ».

On a tous en nous quelque chose de Johnny
De concerts caritatifs et bénévoles dans les foyers de vie (Adapei), des salles de concert, aux comédies musicales du « Barabli-Hit » chanté en Alsacien en hommage à Germain Muller, au Zénith avec les « Voix de la Liberté », groupe formé en hommage aux victimes de l’attentat, Jean-Claude Bader poursuit son chemin artistique. « Je suis mon propre Camus (producteur) et je m’appelle Jean-Claude, comme lui », souligne-t-il, amusé. À l’époque, à la Foire aux Vins de Colmar, je tenais un bar pendant cinq ans, le « Despérock’café », c’était de la folie. J’ai lancé quelques artistes régionaux.»

En 2020, les concerts se poursuivent. Pour connaitre les dates, rendez-vous sur sa Page Facebook

Par Sandrine Kauffer-Binz
crédit photos ©Sandrine Kauffer-Binz et archives

Un article paru dans le magazine Good’Alsace #4


A table avec Jean-Claude Bader

• Le merlan frit, sauce rémoulade a marqué ma jeunesse, nous en avions tous les vendredis pour le personnel au Terminus.
• J’adore les abats, les rognons à la moutarde, la tête de veau sauce ravigote.
• La cervelle avec beurre noir et câpres, « pour me rendre plus intelligent », dit-il en plaisantant, dégustée chez Michel au Restaurant du Ladhof.
• Le foie poêlé à la Fink’stuebel à Strasbourg,
• Je craque pour la langue de bœuf, « sauce Bader, heu… Madère »
• J’adore l’escalope de veau à la crème, bien crémeuse, dégustée au Bœuf à Plobsheim.
• Je pourrais manger de la viande à chaque repas.
• Après les vins d’Alsace, j’apprécie les Bourgognes Blancs, les Rouges de la Vallée du Rhône et la cuvée « Lorada » des celliers de Ramatuelle de Johnny Hallyday
• J’aime la tarte flambée et j’ai été intronisé en 2019 dans la Confrérie de la Véritable Tarte Flambée.
• Ni sucré, ni dessert.
• Pour les grandes occasions : c’est le JY’S à Colmar ou l’Auberge de l’Ill à Illhaeusern


Deux Harley étaient sur scène au Paradis des Sources ©Sandrine Kauffer-Binz