Vient de paraître un énorme livre de 894 pages, 673 figures, 150 chapitres écrits par des auteurs de 23 pays, le tout en anglais. Et en quoi cela peut-il intéresser les cuisiniers français ? Commençons par dire que le titre de cet ouvrage est “Handbook of molecular gastronomy.”
La gastronomie moléculaire et physique, en abrégé gastronomie moléculaire, est une science de la nature, comme la physique, la chimie, la biologie, l’astronomie… A priori, donc, pas beaucoup de rapport avec la cuisine… sauf que cette science de la nature s’intéresse aux phénomènes culinaires et que, pour la plupart de nos travaux, il y a des applications en cuisine, comme je m’évertue à le montrer depuis 20 ans dans la partie “Pierre et Hervé “du site de Pierre Gagnaire.
Mais il y a mieux, car ce livre comporte trois parties.
La première partie est effectivement une partie de gastronomie moléculaire, mais avec des thèses qui intéressent tous les cuisiniers : l’osmose, la capillarité, la filtration, la décantation, les sauces, le comportement du chocolat, les relations entre goût et bruit, le fumage… Nombre d’auteurs ont cherché à expliquer les choses au plus grand nombre, et non pas seulement parler à leurs collègue. Certes, les textes sont de difficultés variables, à savoir qu’il y en a qui font état de travaux de recherche, mais d’autres qui présentent plutôt des résultats accessibles et facilement expliqués.
Puis, après cette grosse partie de gastronomie moléculaire (les deux tiers du livre environ), il y a une partie consacrée aux applications de la gastronomie moléculaire à l’enseignement, et cela va tout aussi bien de l’école primaire jusqu’à l’université. Cette fois, les textes sont lisibles par tous.
Cuisine moléculaire et cuisine note à note
Enfin il y a la troisième partie, qui est essentiellement composée de recettes, données par des cuisiniers du monde entier, qui font soit de la cuisine moléculaire, soit de la cuisine note à note.
Et, d’ailleurs, on trouvera dans cette partie la recette d’un extraordinaire petit macaron vert, qui avait été créé par Julien Binz lorsque ce dernier, en octobre 2016, a préparé un merveilleux repas 100 % note à note, qu’il a servi à des collègues étoilés, à des politiques, à la presse internationale.
Il a fallu 4 ans pour faire un tel livre et c’est une somme qui restera, mais surtout, qui a permis la collaboration d’un groupe considérable de collègues répartis dans le monde entier et qui s’intéressent à la gastronomie moléculaire a des titres divers : pour la recherche, pour l’enseignement, pour des applications culinaires.
Par exemple, vient de se créer en Thaïlande une société de cuisine moléculaire, qui réunit l’université et des associations de cuisiniers ; le but de cette association est de contribuer à l’amélioration technique de l’art culinaire thaïlandais. En France, on connaît les séminaires de gastronomie moléculaire qui, chaque mois depuis 20 ans, testent des idées techniques et distribuent à tous les résultats des expérimentations, ce qui est régulièrement montré dans les colonnes des Nouvelles Gastronomiques.
C’est donc un moment très merveilleux que de voir la publication de ce gros livre, qui devrait contribuer à l’avancement de l’art culinaire, puisqu’il encourage la connaissance, dans le monde entier.
par Hervé This