Vous venez de lire le premier semestre des rendez-vous culinaires de Daniel Zenner en 2014. Voici la seconde partie de ses émotions gourmandes vécues passionnément. “Que mes mots vous fassent rêver et qu’ils soient aussi un remerciement pour mes frères cuisiniers et sœurs cuisinières. Dans cette chronique, je prends des risques…” dit-il..
JUILLET/AOUT
Je me rends à Düsseldorf pour promouvoir notre région avec l’appui de la Fédération des Chefs d’Alsace. Pendant ma semaine passée outre-Rhin, je n’ai pas eu le temps de fréquenter des tables étoilées. Je déjeune d’une curry-wurst sur l’autoroute. Les frites sont bonnes comme les röstis. Et c’est tout.
Pas une trace d’encre ne vient ternir les pages immaculées de mon agenda Crédit-Mutuel-la-banque-à-qui-parler. Juillet sera donc, comme le mois d’août, ma période de vagabondage et d’insouciance. Comme chaque année, je me laisse porter par là, et par ma nature. Travaux d’isolation et de menuiserie, entretien des sources et des parcs pour les équidés. L’été je pense à l’hiver. Il me faut couper du bois et rentrer le foin.
Travaux d’été. Poussières, chaux, fibre de bois. Puis prendre le temps de contempler les nuages qui passent. S’asseoir. Jouir du paysage, sentir le vent qui pousse les nuages. La bière est si bonne, faite avec l’eau de mes sources.
Je cueille 14 sortes de plantes aromatique de ma montagne pour élaborer avec Philippe Traber Maison METTE à Ribeauvillé, une liqueur d’herbes. Je trie soigneusement, employant racines, tiges, feuilles, fleurs ou graines suivant les plantes. 60 litres seront bientôt disponibles.
Je pars deux jours dans le Jura et me rends à Bonnétage, à L’ETANG DU MOULIN, un hôtel-restaurant étoilé perdu sur le plateau du Haut-Doubs à 1000 mètres d’altitude. Jacques Barnachon propose une cuisine rigoureuse et technique faisant la part belle aux produits de son terroir. Promis, j’y reviendrai au printemps pour dévorer les cuisses de grenouilles fraîches.
Arrêt obligatoire à LA FINETTE, à Arbois. Voici une vraie taverne où je déguste le poulet fermier aux morilles et vin jaune, le gratin de saucisse de Morteau à la cancoillotte ou la fondue au Comté. Un chardonnay de Tissot m’a laissé de beaux souvenirs.
SEPTEMBRE
A nouveau KOBUS. Ma drogue. Filet de barbue cuit juste à l’entrée du four sur un lit de coquillages, poêlée de cèpes et girolles, admirable purée, jus de veau concentré. A pleurer.
Déjeuner à LA CHENAUDIERE à Colroy-la-Roche. Roger Bouhassoun et son équipe accueille mes stagiaires en cuisine pour l’apéro. J’aime trop ta cuisine mon Roger! C’est une cuisine de partage offrant aux convives le meilleur du terroir Vosgien et Alsacien. Pas de chichi, pas de maquillage, les produits sont bons et cuits à façon. Visite du nouveau SPA. Pour ceux qui fréquente ce genre de divertissement, voici ce qui se fait de mieux en France!
Je suis membre du jury sur le concours: le Meilleur Foie Gras d’Alsace. Un bel exercice que de déguster douze terrines de foie gras sublimés par de grands chefs. Pas de fausses notes, un véritable bonheur.
LA RIVIERE. On boit, rue des Dentelles à Strasbourg, en ce lieu intime et très personnel, les paroles de Richard Meier comme le thé le plus rare au Monde. Un voyage culinaire dans sa culture asiatique en compagnie de son amie iranienne qui cuisine les produits du monde. Entre les spécialités de la Corée, de la Thaïlande, du Japon, de la Chine et de l’Iran, les mets se marient originalement, exquisément pour la plupart. Ici, le repas obéit à un rituel: on écoute le Maître.
J’avais hâte de retrouver Joël Philips, en compagnie de son amie, dans leur premier restaurant. “ESPRIT TERROIR” a pris la place de L’ESCALE AUX QUAIS, quai Finkwiller à Strasbourg (Merci Clément et Carole Fleck pour m’avoir souvent régalé). Je connais bien la cuisine de Joël, ayant suivi sa participation lors de nombreux concours culinaires qu’il terminait toujours dans le peloton de tête (Trophée Masse, Trophée Henri Huck, etc.).
OCTOBRE
“LE BOEUF ROUGE” à Niederschaeffolsheim. C’est plus facile de s’y rendre que de l’écrire. Allez-y absolument. Eblouissant! Voici une de mes meilleures adresses. J’ai pris plus de plaisir à dîner chez la famille Golla que dans beaucoup d’autres établissements étoilés. Je me rappelle d’un turbot côtier rôti sur l’arête puis désarêté, fenouil et citron vert, jus verjuté; d’une galette tiède de truffes blanche d’été à la noisette du Piémont; d’un agneau allaiton de Bischwiller cuit en trois façons, d’une fraicheur de betteraves et raifort..
NOVEMBRE
Déclinaison de légumes d’antan. Les agrumes entrent dans la farandole, épousent le homard, les noix de Saint-Jacques, les racines du Paranal. La solette, en habit de hollandaise au beurre noisette, nage dans une vinaigrette à la tanaisie. Gel d’argousier. Un filet de chevreuil cuit à la perfection. Des pré-desserts, puis des desserts, puis des mignardises. Un Saint-Péray de Cuilleron et un admirable Pinot Noir de Loire.
Moment d’exception. Merci. Chapeau bas Jean-Georges Klein.
DECEMBRE
Ce lieu possède un petit air de brasserie Parisienne. Les gens de salle sont vraiment classes, efficaces et attentionnés. Ils se faufilent adroitement entre les tables. Le plafond boisé et haut est porté par de blanches arcades. Voici un lieu historique dans lequel la cuisine traditionnelle alsacienne garde ses lettres de noblesse. La maison affiche toujours complet, il faut impérativement réserver pour une frisée aux lardons, un pâté en croûte-crudité, une splendide bouchée à la reine, une escalope panée, un pavé de sandre sur choucroute. Produits frais bien cuisinés. Une excellente adresse.
J’ai quitté le Rendez-vous de chasse une larme à l’œil. J’ai vécu ce soir-là le chant du cygne d’un chef très en forme qui part pour d’autres aventures. Je t’attends ailleurs…
L’ATELIER DU PEINTRE. Parmi mes trois meilleures tables de l’année. Je déguste le menu “Grande Galerie”. Quelle précision, tant dans l’harmonie des saveurs que dans la présentation. Je déguste mon assiette comme un curé son hostie. Le goût: comme chez Loiseau, pas plus de trois saveurs fondamentales.
Tout est dans la justesse et dans la mesure, dans l’élégance et la finesse. Haute technologie dans le travail des matières. Simplicité apparente mais complexité en amont. Loïc Lefevre un artiste-peintre-cuisinier, une nouvelle espèce de génie des fourneaux. Amen.
Allez, Hopla et excellente année 2015!
Par Daniel Zenner
LE MEILLEUR POUR LA FIN (FAIM)
“Dans cette chronique relatant mes meilleurs tables de l’année 2014, j’ai oublié quelques bonnes adresses. Mieux vaut tard que jamais. Je répare donc ici quelques omissions impardonnables.
Cuisine fraiche, savoureuse, de saison et du marché mitonnée par Jacques Eber Aux Plaisirs Gourmands à Schiltigheim : une institution hautement recommandable.
La table ensoleillée d’Antonio, à “La Villa Casella” à Strasbourg : les saveurs intactes de l’Italie, les pâtes, raviolis, bruschetta comme on aime, poissons et coquillages sortant de l’eau. La carte des vins vaut le détour.
Puis le “Mélichkann” de Christophe et Valérie Leyssens à Jebsheim, table à ce jour fermée. Mais qu’à cela ne tienne, ils viennent d’ouvrir “Le Petit Bidon”, rue Etroite à Colmar, ou vous pourrez toujours apprécier la cuisine fraiche et de saison, mitonnée dans les règles de l’art par Christophe et servie par Valérie, dont le sourire et la bonne humeur légendaire illumine la petite salle de 22 couverts. Réservation conseillée.