L’anguille fumée, mini-poireaux et orange en gelée

Emotions gourmandes 2014 par Daniel Zenner (1/2)

Souvent, dans la salle d’attente du dentiste, sur un quai de gare ou dans un terminal d’aéroport, quand l’ennui me prend, je pense aux bons repas que j’ai vécus. Je sens alors le parfum iodé d’une noix de Saint-Jacques grillée, celui suave d’un jambon espagnol au gras mat et abondant né de l’alchimie secrète entre le Patta Negra et les glands. Je me retrouve à Saint-Malo dans la boutique Bordier, à regarder le beurre jaune emplir les moules en bois. Et je le sens, ce sacré beurre aux algues.

J’ai envie présentement de vous entretenir de quelques belles émotions gourmandes vécues passionnément en cette année 2014, juste partager avec vous quelques moments épicuriens.

Que mes mots vous fassent rêver et qu’ils soient aussi un remerciement pour mes frères cuisiniers et sœurs cuisinières. Dans cette chronique, je prends des risques.

J’ai peur d’oublier quelqu’un…

Et je ne me lancerais pas dans la critique négative. Si j’ai mal mangé, je n’en parlerai point. Promis, ma chronique n’est basée que sur des émotions, des souvenirs, des traces agréables… Veuillez donc excusez l’imprécision probable de quelques intitulés de plats, dont quelquefois ma mémoire ne retient que l’essentiel..

JANVIER

Je commence l’année au “CHAMBARD” à Kaysersberg. Capuccino de pommes de terre à la truffe blanche râpée par Olivier en personne. Une avalanche de Tuber alba… Puis vint Une anguille laquée et crème fine de poireaux : remarquable. Un œuf parfait quelque part. Une voie lactée chocolatée en dessert: ahurissant! Moi qui prends rarement les douceurs de fin de repas, voilà indiscutablement une des plus belles découvertes sucrées de l’année. Précision, finesse, subtilité: voilà la signature incontestée d’un Meilleur Ouvrier de France. En quittant le Chambard, je dis aux copains que ce dîner mériterait deux macarons! Par contre l’émincé de volaille et nouilles dégusté par la gamine et facturé 36 €, n’a toujours pas été digéré… par les parents!

Je tue deux cochons de 250 kilos. Trop gros, ils ne rentraient pas dans la baignoire chauffée sur un feu de bois. Presskopf, boudins, rillettes, saucisses, terrines, morceaux salés et fumés. Une semaine de bombance et d’abondance. Merci cochon.

J’ai profité de l’absence de ma femme et de mes enfants pour me poêler une andouillette 5A. L’odeur de l’intimité intestinal du Roi cochon les fait fuir. Quand je suis en déplacement, Fabienne cuisine des rognons et du foie de veau…
Gyozas au SOLEIL LEVANT à Colmar. Famille Sato. Le seul restaurant Japonais que je fréquente dans le Grand Est. Un miracle.
Puis quelques autres restaurants que je ne mentionnerais pas ici.

FEVRIER:

Mon repas huitres à la maison. 278 bivalves ont été sacrifiés. 28 bouteilles ouvertes pour 12 copains et copines apôtres de la bonne chair. Tartare d’huitres au gingembre, feuilleté d’huitres aux fruits de la passion, huitres cuites sur un lit de sel et fumées au Katsuobuchi (copeaux de bonite séchée, 36 mois d’âge)
De la Bouzigues 000, de la pied de cheval de Cancale grosse comme ma main, de la Prat ar Coum, de la Saint Vaast, de l’Utah Beach et à trois heures du matin, une friture d’éperlans…
Je contemple au réveil la brouette. Les coquilles vides forment un dôme savamment composé.
Je dévore une côte de bœuf saignante chez Joseph Leiser au ZAHNACKER à Ribeauvillé. Vraie sauce Béarnaise montée minute, le tout dégusté avec une Côte rôtie: simple mais tellement bon!
Puis Paris: onze jours chez les fous. Mes plaisirs sont simples. Je ne mange qu’une fois par jour, tous les soirs, dans les meilleurs restaurants Japonais de la capitale. “TORITCHO” (Rue du Montparnasse). Habitué des lieux, je m’installe devant la vitrine dont le chef extrait les poissons qu’il tranche devant moi. Fabuleux sashimis et un riz nature à vendre son âme au diable.
“KOETSU” (Rue Sainte Anne). Shabu-Shabu exceptionnel.
Encore “TORITCHO” puis “TONKATSU-TOMBO” (Rue de l’Arrivée, Montparnasse) Je me délecte de porc pané servi avec des légumes aigre-doux et de la racine de bardane frite. Admirable nishoseki.“YOU” (Rue Sainte Anne). Omakase, Yakitori, Maki et sushis: de l’extra-frais préparé minute devant les convives par une armée de cuisiniers nippons. De la rigueur, de la précision. J’écrase entre ma langue et ma voûte palatale une lamelle épaisse de thon rouge cru. Assurément, voici une des choses les plus exquises que je connaisse.
Et encore “TORITCHO”…
Puis “NODAIWA”, rue Saint Honoré. Spécialités d’anguille. La bête brillante arrive posée sur un lit fumant de riz blanc de neige, le tout dans un écrin de bois. Elle est laquée, brûlante, suave. Puis vint un flan d’anguille cuit à la vapeur. Quelque chose d’aérien, presque vaporeux, délicat, subtil, fin mais complexe.
Un petit tour chez “HOKKAIDO”, (Rue Chabanais) pour déguster juste une assiette de Gyozas, peut être les meilleurs raviolis japonais de la capitale préparés par des chinois…
Lundi, je rentre. Passage pour le déjeuner “CHEZ MARIANNE”, (Rue des Hospitalières), pour un menu dégustation autour des spécialités juives. Un beau voyage, des pays de l’Est en passant par la Baltique.

MARS

J’ai envie de morue salée. J’achète donc ma bacalahau à “SAVEURS DU PORTUGAL” (Boutique portugaise à Ingersheim). Je la prépare com Natas (avec de la crème et un tsunami d’huile d’olive)

“KOBUS” (Rue des Tonneliers à Strasbourg). Joël Margotton. Grand prêtre de la cuisine vivante (chronique à venir…). Je ne sais plus ce que j’ai mangé car ce restaurant est un de ceux que je fréquentes le plus. Un pur bonheur.

“L’EVEIL DES SENS” (Rue Escarpée à Strasbourg). Je me rappelle de deux plats de poissons parfaitement cuits et goûteux, accompagnés d’un Rully blanc dont je n’ai hélas pas retenu le nom du vigneron.

Quasi de veau/foie poêlé sauce au bouleau brochette de carottes par Henri Gagneux ©JulienBinz

Halte gourmande chez Henri Gagneux “LA PALETTE” à Wettolsheim. Je ne sais plus ce que j’ai mangé, tant la cuisine d’Henri est inventive, riche et généreuse. Ce cuisinier-artiste est dévoré par un besoin de créer presque boulimique. En son restaurant, je me laisse aller. Je me régale chaque fois. Merci Henri.

Et puis quelquefois, après une journée debout à animer un podium à Strasbourg, à parler dans le micro, j’ai envie de dîner seul. Avant la séance de cinéma à l’ODYSSEE (La plus ancienne salle de cinéma au monde et le cinéma le plus fabuleux de la terre!), je dévore un carpaccio de bœuf à volonté au “BISTROT ROMAIN”. Je sais, c’est une chaîne, mais je m’en fous. Je dévore mes cinq assiettes de viande très correcte. Huile d’olive de qualité, pistou et parmesan acceptable, jus de citron et poivre du moulin, voilà ce qu’il me faut, le tout poussé par un simple mais honnête Montepulciano. Digestion assurée, service rapide et efficace, mais je mange toujours au fond de la salle de peur d’être reconnu!

Je termine le mois en beauté comme président du jury sur la meilleure choucroute aux poissons d’Alsace. Merci la vie.

AVRIL

02 avril. Me voici attablé AUX TROIS POISSONS à Colmar. Gilles Seiler m’a préparé un couscous de la mer. C’est justement ce dont j’avais envie.

Balade botanique chez Philippe Clauss “AU MOULIN” à la Wantzenau. Cuisine fraiche et de saison. Herbes, fleurs, noisette d’agneau rosée, et un filet de Saint-Pierre nacré à souhait.

 

Les raviolis de “COMOLI” me manquent (marché couvert de Colmar). Et la Mortadelle est sublime. A mon grand désespoir, cette honorable maison ne vend plus de porchetta (Jambon de cochon de lait au romarin) car ce mets, en raison de sa teneur élevé en cholestérol était boudé par les consommateurs. Je faisais partie, en compagnie de mon cardiologue, des trop rares clients accros au divin gras parfumé.
Je découpe une génisse croisée charolaise-limousine maturée trois semaines.
Deux jours de fête. Le congélateur déborde.

MAI

Ah qu’elle est belle la truite fumée à chaud du vivier du VAL JOLI‎ au Valtin (88). Philippe Laruelle est un cuisinier consciencieux et érudit, capable de me faire une timbale de spaghettis façon Escoffier. Ah son merveilleux pâté Lorrain!

Halte bienfaisante après trois heures en moto AUX BAS RUPT à Gérardmer. Maison bourgeoise. First Classe. Superbe sauce homardine et un plat de tripes au Riesling qui vaut allégrement les 100 kilomètres de détour.
Je participe au concours du meilleur plat d’asperges à la ferme “MAURER” à Dorlisheim. Hubert Maetz et Emile Jung sont de la partie. Merci les asperges.

JUIN

Train de la Bière 2014 ©Jean Marie Heintzelmann

Merci aux Etoiles d’Alsace‎, à Bernard Rothmann et à Sandrine Kauffer pour m’avoir permis de vivre LE TRAIN DE LA BIERE. Un buffet très gastronomique sur le toit d’un bateau qui descend la Moselle, fleuve cerné par des coteaux aux pentes abruptes où s’élaborent les fameux eiswein.

Dîner d’apparat AU ROSENMEER à Rosheim. Hubert est en forme. Menu dégustation sans faute. Merci l’artiste.

Récidive chez Hubert pour un repas autour des herbes et des fleurs pour mes douze stagiaires.

Daniel Zenner et Ernest Benz

Halte à LA PERLE DES VOSGES à Muhlbach sur Munster. Le bon Ernest Benz, cuisinier rigoureux, me régales. Juste cuisson d’une escalope de foie gras, agneau rosé et sauces réduites comme je les aime.

Par Daniel Zenner

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