Une casserole ? Un ustensile et des plats… à base de pain

Pour les dictionnaires modernes, les casseroles sont des ustensiles de cuisine, généralement de forme cylindrique, à fond plat et à manche court, où l’on cuit divers aliments. Par métonymie, ce sont aussi des plats faits à la casserole.
Mais par le passé ? Pour Joseph Favre, au tout début du 20e siècle, une casserole était une  pièce de cuivre étamé faisant partie de la batterie de cuisine, à dimensions différentes, de forme cylindrique à fond plat, à parois droites et munie d’une queue ou d’un manche en fer.” La correspondance est bonne, mais c’est comme si seul le cuivre était utilisable.

Jules Gouffé, quelques années plus tôt, observait toutefois : “Je conseille les batteries de cuisine en cuivre, sans toutefois exclure absolument le fer étamé, moins avantageux sous le rapport de la durée et aussi pour les opérations auxquelles s’appliquent les casseroles, plats à sauter, plats à glacer. Cependant il est des pièces telles que marmites, braisières, turbotières, poissonnières qui peuvent être fabriquées en fer étamé sans aucun inconvénient.”
En réalité, nous devons nous réjouir de vivre dans notre 21e siècle, car, dans ces temps anciens, le cuivre empoisonnait par son vert-de-gris (une forme oxydée du cuivre), de sorte que l’étamage s’imposait : régulièrement, il fallait porter les casseroles au rétameur, qui redéposait une couche d’étain à l’intérieur… mais on ignorait que l’étain n’est pas parfaitement sain, quand il se combine avec des composés organiques. Le fer étamé avait les mêmes inconvénients, avec, de surcroît, des possibilités de rouille de la partie externe. Quelle chance avons-nous aujourd’hui avec l’acier inoxydable !

Pour en revenir à la casserole, l’usage métonymique – désigner du nom de casserole son contenu- était particulièrement développé au 18e siècle. Par exemple, François Marin donne une recette de “casserole à la Provençale”, dans ses Dons de Comus :
” Faites cuire dans une braise bien foncée des morceaux des queues de boeuf, tendrons de mouton, queues de veau ou de mouton, petit lard, quelques morceaux de pigeon, ailerons de  dindon ou de poularde, et autres choses selon la commodité. Faites cuire aussi un quarteron de ris dans de bon bouillon. Vous ferez une bonne purée de lentilles bien épaisse et de bon goût. Mettez égoutter votre viande pour composer votre casserole. Mettez un lit de purée dans le fond de la terrine puis un lit de viande, ensuite un lit de ris faites toujours de même, et finissez par la purée de lentilles. Couvrez le tout de mie de pain bien mince que vous tremperez dans la graisse de votre braise.  Panez le tout légèrement faites prendre couleur au four à petit feu pour que cela ait le temps de pénétrer au  fond de la terrine. Servez chaude.”
Marin cite d’autres “casseroles du même type”,  telle une “casserole accompagnée”, et il ajoute que “le nom de cafferole vient de ce que l’on sert fur la table le même vaisseau dans lequel a cuit la viande”.

Quelques années avant lui, François-Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois publie sont Dictionnaire des aliments et des vins, et, lui aussi, mentionne l’emploi du pain dans une “casserole”. Mieux, il définit une casserole comme du  “pain farci et cuit dans une casserole avec les assaisonnements convenables”.
Sa recette consiste à utiliser un pain bien tendre, mais bien cuit. On en ôte la mie, et l’on emplit le pain d’un hachis de volailles cuit avec du jus, sel et poivre. Puis on cuit des bardes de lard dans une casserole, et l’on pose le pain farci en le retournant, croûte en haut. On fait mitonner avec un bon jus de viande, mais il faut garder le pain entier. Enfin on renverse la casserole sur un plat, on ôte les bardes de lart et on couvre le pain d’un ragoût de ris de veau, culs d’artichaut, truffes et pointes d’asperges.
Et il propose des recettes analogues au parmesan, aux ris de veau, au riz…

 

Par Hervé This