Relais Princesse Maria Leczinska, une royale étape alsaco-nipponne

Depuis le 1er mai 2007, Momoko et Akira OKAMOTO ont repris le Relais Princesse Maria Leczinska à Marienthal, succédant au chef étoilé René Fieger, aujourd’hui installé à l’Umami à Strasbourg. Si ce dernier met exergue la 5ème saveur, le second à Marienthal, fait l’apologie de la cuisine française qu’il défend ardemment, acceptant de la personnaliser par touche japonisante, avec parcimonie, saupoudrée de souvenirs d’enfance, soulignant par ici par là ses racines culinaires du pays du soleil levant.

En 2013, Gilles Pudlowski les distingue de “Révélation de l’année” dans son Pudlo Alsace. L’assiette rouge du critique régional trône majestueusement, en belle place, dans la salle.

Située aux alentours de la ville d’Haguenau, y accédant par des routes forestières sinuantes, la découverte de la petite ruelle pourrait paraître déroutante, dans ce quartier somme toute plutôt résidentiel. On s’empresse de se réfugier dans l’antre de la demeure de la famille Okamato et de bénéficier immédiatement de la douceur et la sérénité qui nous enveloppent de sécurité.

L’histoire ici est déjà passée, puisqu’il s’agirait de se souvenir du passage dans le village de celle que l’on surnommait “La Bonne Reine” la polonaise Maria Leczinska, Reine de France et de Navarre, épouse de Louis XV.

Rillettes de fruits de mer aux fines herbes, et tartare de tomates sur toast
La délicate Momoko Okamoto, née à Tokyo, formée à l’école TSUJI en pâtisserie, conjuguant également une expérience en boulangerie, abandonne résolument sa formation pour accompagner son époux, chef cuisinier, dans la concrétisation de leur projet : l’ouverture d’un restaurant français.

Tous deux Japonais ne rêvaient pourtant que d’ouvrir un restaurant de cuisine française. Et c’est dans notre région qu’ils accomplissent leur dessein gastronomique, mariant avec subtilité nos identités culinaires respectives, sans jamais renier leur culture culinaire, élégamment amenée au gré de la carte des mets.

Détail : rillettes de fruits de mer aux fines herbes
“Ma cuisine est française” souligne Akira Okamoto, originaire de Hyogo près de la ville de Kobé. Le récit de son parcours est similaire à celui de cuisiniers Japonais déjà rencontrés. On se souvient de Yoichi Kishida, découvert chez Gérard Goetz à Fouday et du médiatique Kei Kobayashi, chef étoilé parisien. Tous trois partagent un récit solitaire, courage en bandoulière, couteaux en sac à dos et sonnant à la porte d’un restaurant pour y travailler.

Motivés par l’apprentissage de la cuisine française et la formation chez un grand chef cuisinier, ils explorent nos spécialités régionales. À 19 ans, Akira Okamoto intègre l’école de TSUJI près de Lyon, réservée aux étudiants japonais. Il rêvait de rencontrer Paul Bocuse.


Nougat de foie gras de canard mariné à la fleur de bière
Il occupera un premier poste au Vieux Moulin en Côte-d’Or chez Jean-Pierre Silva, avant de s’en retourner à Tokyo travailler pendant 10 années dans un restaurant français. Mais le “mal du pays” (ndlr la France) se fait sentir. Akira et Momoko Okamoto espèrent revenir en France pour ouvrir leur établissement. Motivés, ils réitèrent le voyage et c’est chez Marc Veyrat, en Haute Savoie, qu’ils complètent leur formation.

Le jeune chef entend parler de L’Arnsbourg à Baerenthal et du chef Jean-Georges Klein. Il souhaite le rejoindre. Qu’à cela ne tienne, le jeune couple arrive à la gare de Philippsbourg, devant le restaurant Le Falkenstein. Le restaurateur des lieux lui propose gentiment de le conduire en voiture jusqu’au chef étoilé.


raviole de langoustines, sukuné de volaille au shitaké cuit à la vapeur, bouillon de queue de boeuf parfumé au “yuzu”
Malheureusement la brigade affichant complet, le jeune Akira accepte bien volontiers la proposition du patron de l’auberge du Falkenstein, dans la perspective bien précise, d’appréhender la cuisine alsacienne. “Je l’ai apprise pendant quatre années” sourit-il, insufflant quelques pincées régionales à la carte du Relais Princesse Maria Leczinska.

Pendant ce temps son épouse Momoko travaillait dans la boulangerie, face à l’auberge. Tous deux suivaient le même chemin, traçant jour après jour leur dessein.


Filet d’omble chevalier laqué au sésame et sansho, sauce au riesling safranée
C’est par le biais d’une agence immobilière qu’ils ont découvert l’endroit, l’élisant comme le berceau de leur nouvelle vie de restaurateur. Les poutres blanches apparentes, le poêle en faïence, les tomettes,le singulier vitrail mural, conjugués à quelques notes discrètes de décorations japonaises, confèrent à ce lieu tout le charme d’une adresse confidentielle.

On admire ce drapeau, offert par le papa de Momoko, intitulé Momotarō racontant la légende d’un héros du folklore japonais, qui remporte le combat contre le démon. Cet étendard, relégué avec discrétion, additionné de quelques objets nippons, est le seul témoin de leur tradition. Leur discours s’ancre dans le terroir de notre région, et pourtant le voyage culinaire est déroutant.

Filet d’omble chevalier laqué au sésame et sansho, sauce au riesling safranées, chou à l’étuvé au lard fumé et risotto d’écrevisses
“Faites-vous une cuisine fusion (franco-japonaise) ?” demande-t-on au chef ? pointant le menu Kuishinbô, le sukuné de volaille aux shiitaké (champignons parfumés) Le tonkatsu (plat japonais à base de porc pané et frit) , le wasabi (racine condimentaire), le nori (algue rouge comestible) le sansho (poivre japonais) la citronnelle, le gingembre, le lait de coco, le kabocha (famille du potiron) ou encore la crème brûlée au Matcha (poudre très fine de thé vert moulu)

“Non, non, non, c’est une cuisine française” insiste le chef, “avec quelques produits du Japon et surtout de l’Alsace aussi” soulignant la sauce au Riesling safranée, les kaasknepfles sautées, ou la compote de poires au Pinot noir.


Carré de porc iberico pané “tonkatsu”, réduction de madère à la sauge, mousseline de pommes de terre aux truffes et chou rouge aux chataignes
“Nos diverses expériences nous ont toujours partagées entre la France et le Japon” rajoute Momoko, “Mais nous avons une formation classique et l’amour de la cuisine française” souffle-t-elle d’une petite voix, présentant la carte des mets.

On retrouve des alliances surprenantes, subtilement travaillées, de la finesse dans la présentation et de la justesse dans les cuissons, confirmés par une distinction de notre critique gastronomique régional, Gilles Pudlowski qui l’élit” Révélation de l’année” dans le PUDLO Alsace 2013, les présentant comme “Des Alsaciens pas comme les autres” où comment le terroir alsacien se revisite en mode japonaise, avec finesse et subtilité. C’est l’esprit nippon distillé avec rigueur, appliqués aux produits d’Alsace.”

A la carte, se découvre en toute confiance, le petit pâté chaud de caille aux pistaches, sauce banyuls et coulis de figue, la timbale de thon rouge aux avocats, et sa crème de wasabi et nori, feuilles de roquettes à l’huile de sésame, sélectionnant également des Saint-Jacques et gambas grillées à la citronnelle, sauce punch de gingembre et lait de coco, riz noir venere et ratatouille à l’orientale, ou encore ce filet mignon de biche grand veneur, kaasknepfles sautées aux pleurotes et kabocha, ou l’entrecoté de boeuf à la façon japonaise, légumes pot-au-feu japonais.


Compote de poires au Pinot noir, à l’anis et à la cannelle, blanc-manger au mascarpone, glace au caramel léger
Pour accompagner ces recettes du chef, la carte des vins fait la part belle à l’Alsace (Loew, Rieffel, Schaetzel, ou Brandt) et aux régions viticoles françaises, avec une pépite, un domaine sur nos terres qui marie l’Alsace et le Japon, le domaine Mittnach frères et sa Cuvée Gyotaku 2011, en bio. Cette cuvée, fruit d’un assemblage de plusieurs cépages, est née de la rencontre entre une chef de cuisine japonais et un vigneron alsacien, créée spécialement pour accompagner les poissons, particulièrement les sushi et sashimi et soutenir les sauces wasabi et gingembre.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©Sandrine Kauffer

Le Relais Princesse Maria Leczinska
1, rue du Rothbach
67500 Marienthal