Sandre sur choucroute, écailles de courgettes, makis de gambas marinées à la moutarde à l'ancienne enroulés de choucroute à l'aneth et sauce au Riesling ©SandrineKauffer

Qu’est-ce qu’une cuisine alsacienne moderne ? par Hervé This

“Qu’est-ce qu’une cuisine alsacienne moderne ? Et pourquoi est-ce important pour l’Alsace de le savoir ? ” interroge Hervé This . La cuisine alsacienne peut être moderne d’au moins trois façons. Quand on utilise des ustensiles nouveaux pour faire des recettes traditionnelles. Quand on modernise les recettes traditionnelles, en les allégeant, en les « construisant », par exemple. Quand on invente une cuisine d’auteur, novatrice, mais les pieds dans le sol d’Alsace.

De la cuisine alsacienne moderne ? N’avons-nous pas assez de la cuisine alsacienne ancienne, traditionnelle, puisqu’elle est « la meilleure » ?

« La meilleure » : chacun d’entre nous trouve la cuisine de son enfance la meilleure, mais, surtout, l’expression « la meilleure » signifie en réalité « celle que je préfère ». Et nos critères personnels n’ont aucune raison d’être ceux de nos amis ou de nos interlocuteurs. Mais, surtout, la question est surtout de voir pourquoi, dans cette vaste foire d’empoigne qu’est le monde moderne, la cuisine alsacienne ne peut pas faire l’économie de la question de savoir pourquoi elle doit être moderne. Notre analyse, par conséquences immédiatement enchaînées, nous conduira à la réponse.

Un « village global » qui communique

Commençons par confirmer ce que nous savons tous, en faisant un tour sur les sites statistiques de la région : le tourisme est important pour l’Alsace, et l’agriculture (notamment la vigne), l’élevage et la cuisine alsaciennes sont une composante importantes de ce qui attire les touristes, avec les paysages. Par conséquent, pour rester florissante, l’Alsace doit entretenir ses paysages, d’une part, et entretenir sa production de denrées alimentaires, d’autre part.

 

Cependant, si travailler à faire bon et beau est essentiel, notre monde de communication veut aussi que l’Alsace communique efficacement, face à des discours très offensifs d’autres régions (l’Espagne, le Danemark, l’Italie ou même l’Angleterre). Avec une modernisation des conditions de production, d’une part, et avec diffusion internationale de la culture culinaire, d’autre part, de nombreuses régions et de nombreux pays prétendent avoir chez eux les « meilleurs » atouts pour capter les touristes.

Et, dans ce monde de communication, les « classements internationaux de cuisine », notamment, ne voient plus en France, et notamment plus en Alsace, les meilleurs des cuisiniers. Certes, il s’agit de communication, de sorte que nous aurions toujours raison de nous demander qui émet ces messages et pourquoi les messages sont émis. Mais, quelle que soit la réponse, les messages émis finissent par être entendus… et ceux qui concernent l’excellence de la cuisine dans d’autres régions ou pays que l’Alsace font de l’ombre à cette dernière, captant des touristes. Or si les touristes partent dans ces régions ou pays, ils ne sont pas sur le sol alsacien et n’y apportent pas des devises qui peuvent rendre la région florissante.

L’Alsace doit donc communiquer aussi vigoureusement que le reste du monde… mais ce serait bien sûr plus digne d’elle que le message diffusé soit juste… d’autant qu’elle a des atouts réels.

Communiquer ? On peut bien sûr répéter, rabâcher des idées anciennes, mais la presse relaie mieux les informations neuves, les « nouvelles fraîches ». De sorte que l’Alsace ne peut rester exclusivement sur ses bases classiques, et que, à côté de la « tradition », elle doit chercher des nouveautés, de l’ « innovation », et les communiquer.

Il faut tendre avec effort vers la perfection sans y prétendre.

L’Alsace doit chercher de l’innovation

Cette conclusion inéluctable est-elle une « obligation » ? Je préférerais que mes amis y voient plutôt une opportunité merveilleuse : si les techniques modernes qui ont été introduites par la « cuisine moléculaire » permettent de faire mieux les plats classiques, traditionnels, n’est-ce pas une chance ?

Commençons par essayer de balayer les fantasmes, nés de trop nombreuses confusions ou ignorances. Introduite à partir de 1980, la « cuisine moléculaire » était une en réalité une volonté de moderniser les techniques culinaires ; faire de la cuisine moléculaire, c’était seulement utiliser des ustensiles modernes pour cuisiner.

Par exemple, si les sorbetières font des sorbets de qualité « raisonnable », l’azote liquide permet des textures bien plus fines, plus soyeuses, avec des goûts plus nets. Une fois passé le cap de la maîtrise technique, pourquoi s’empêcherait-on de faire mieux que par le passé ?

Autre exemple : puisque le « coup de feu » est notoirement catastrophique pour la confection des braisés et, plus généralement, des viandes, les thermocirculateurs ont été introduits, afin d’obtenir des cuissons plus justes, et des viandes plus goûteuses, plus tendres et plus juteuses ; à nouveau, pourquoi se condamnerait-on à servir des viandes sèches et dures ? Et si ces systèmes de cuisson moderne permettent de mieux cuire, pourquoi nous condamnerions-nous à des volailles sèches ? Ou encore, les mousses : on peut bien sûr les produire en fouettant à la main pendant des dizaines de minutes, mais pourquoi refuserait-on les résultats plus sûrs, obtenus bien plus rapidement, que produisent des siphons ?

On pourrait multiplier les exemples, mais cela deviendrait lassant. Disons seulement que la cuisine moléculaire a été initialement introduite comme de la technique qui permettaient de faire le travail culinaire plus simplement, plus rationnellement. Les recettes de cuisine traditionnelle étaient inchangées, mais facilitées. On continuait de cuire de la choucroute, des grenouilles au riesling, du baeckahoffa, mais de façon plus régulière, meilleure un mot.

Cuisine moléculaire

Toutefois cette technique rénovée a eu des conséquences artistiques, que la langue anglaise permet de mieux désigner : en anglais, la cuisine moléculaire peut être nommée « molecular cooking » ou « molecular cuisine ».

La première, c’est la technique, telle que décrite précédemment ; la seconde, c’est un style de cuisine. Un style de cuisine ? Oui : de même que le jazz n’est pas la musique de Mozart, la cuisine de style « cuisine moléculaire » (molecular cuisine) est reconnaissable à des mousses, des gels, des perles à coeur liquide (comme du caviar), des poudres, des œufs « parfaits »…

Tout cela n’est pas une garantie de qualité, car cela dépend de l’artiste : de même que l’on peut faire de la bonne ou de la mauvaise cuisine traditionnelle, on peut faire de la bonne ou de la mauvaise cuisine moléculaire… mais il n’en demeure pas moins que la nouveauté attire l’espèce humaine.

Entre tradition et innovation

Sandre roti à la plancha, choucroute revisitée sur un sablé au cumin, sauce matelote ©SandrineKauffer

Ce qu’il semble important de répéter, c’est que, en matière d’art, il n’y a pas de remplacement, mais des ajouts. Mozart s’est ajouté à Bach, Beethoven à Mozart et à Bach, Debussy à Bach, Mozart et Beethoven, le jazz à tout cela, et jusqu’à la musique contemporaine. Il en va de même en cuisine : pas d’opposition entre les diverses formes de cuisine, mais des ajouts.

Pourquoi, alors, y a-t-il eu des oppositions à la cuisine moléculaire ? En matière de cuisine, on n’oublie pas que les questions économiques sont toujours présentes, et l’on comprend que les restaurants qui ont affiché de la modernité, et fait le plein de clients grâce aux échos qui étaient donnés par la presse, aient été jalousés par ceux dont les restaurants ne se remplissaient pas.

Je sais aussi que certains chefs ont eu le sentiment d’être dépassés par des techniques qu’ils ne maîtrisaient pas : ce sont souvent ceux qui répétaient inlassablement (mais sans aucune démonstration) qu’il était important d’avoir des bases classiques. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir dispensé gratuitement et très largement des formations ! Mais il est vrai que toute compétence nouvelle ne s’obtient qu’avec du travail… et c’était en quelque sorte du travail obligatoire que les moins actifs ou les moins aventureux refusaient de faire.
Cela étant, il y a de la place pour toutes les cuisines si elles sont bonnes : c’est si l’Alsace fait à la fois du traditionnel et du moderne que les touristes viendront plus nombreux, attirés à la fois par le traditionnel et par le moderne. Et il faudra communiquer sur les deux tableaux, en sachant bien dire ce que peut être du meilleur traditionnel, et en sachant ce que peut être du bon moderne. On le voit : la question initiale du titre s’impose.

L’Alsace a d’ailleurs des atouts : malgré ce que dit une certaine presse étrangère ou internationale, il reste vrai que certains beurres, certains vins, certains fromages, certaines crèmes certaines charcuteries, certaines viandes d’Alsace… sont inégalés. Ayant beaucoup voyagé et ayant eu le privilège de très nombreux restaurants parmi les meilleurs, je dois dire que la meilleure viande de bœuf de ma vie était en haut du Petit Ballon. Et je me souviens de crèmes des Vosges, qui étaient des joyaux, de sauce de poissons au riesling, de beerawecka, de pâtisseries…

Hervé This © Arnaud Meyer / Picturetank.

En cuisine, il y a d’abord la question des denrées

Pour la cuisine, traditionnelle ou moderne, il y a deux questions : celle des denrées, d’abord, et celle de l’art culinaire qui fait usage de ces denrées, ensuite. Examinons d’abord la questions des ingrédients que le cuisinier utilise.

En plein vignoble touristique alsacien, je me suis étonné de voir la carte d’un restaurant alsacien (affiché comme tel) qui indiquait… la même chose que ce que l’on trouve au bord de la mer : des moules, des coquilles Saint-Jacques, des soles, des saint-pierre… Étrange : tout cela n’était pas alsacien, d’une part, et, d’autre part, j’ai du mal à croire que tous ces produits aient été aussi frais que sur la côte. Les crevettes bouquet frétillent-elles dans les cuisines alsaciennes comme sur le marché de Quimper ou de Concarneau ? C’est douteux, de sorte que, en servir, c’est s’exposer à proposer une qualité inférieure à celle que l’on aurait sur la côte bretonne… Et puis, les touristes qui passent sont venus manger de l’alsacien, pas du breton, non ?

Le restaurant n’était pas étoilé, mais, sur internet, je suis allé voir la carte d’un restaurant alsacien étoilé, et là encore, j’y ai vu du homard, du turbot, de la sole, de la volaille de Bresse… Ne puis-je manger cela n’importe où dans le monde ? Et la question de la fraîcheur ne se pose-t-elle pas comme précédemment ? Pourquoi le chef ne proposait-il pas plutôt de l’omble chevalier, de l’anguille, de la truite ?

Dire cela, c’est laisser penser que l’Alsace serait « condamnée » aux plat de « terroir », ceux que l’on trouvait dans les familles il y a un siècle, et dont certains ont la nostalgie. Ne peut-on pas manger, cuisinés par des chefs alsaciens, des denrées qui viennent d’autres pays, d’autres régions ? Dans cette question, le mot « condamnée » est entre guillemets, parce que, en réalité, il y a des denrées si belles que la « condamnation » n’est pas une grande punition !

Cela étant, j’entends bien que les Alsaciens ne vivent pas tous, et pas seulement du tourisme, et mes amis d’Alsace me font valoir qu’il n’y a pas de raison qu’ils soient privés des denrées alimentaires que donnent la terre et la mer ailleurs que sur leur sol ; ils ont le « droit » d’avoir envie de denrées qui viennent d’ailleurs !

Le droit ? En ces temps étranges, tout le monde veut avoir les mêmes droits que tout le monde, et l’on oublie parfois les devoirs, mais passons. Observons plutôt qu’il n’y a pas d’égalité entre les régions : certaines ont de l’eau douce, d’autres du bord de mer ; certains ont des montagnes, d’autres des plaines… A chaque région ses particularités géographiques, et ses atouts en termes de denrées. Quoi qu’on fasse, il sera difficile d’avoir en Alsace des poissons de mer juste sortis de l’eau, alors qu’on pourra avoir des truites encore vivantes, que l’on pourra faire au bleu.

D’autre part, surtout pour une région qui revendique si fort une proximité de la nature, est-ce vraiment citoyen de manger des denrées qui ont fait des centaines, des milliers ou des dizaines de milliers de kilomètres ? D’autant que les denrées perdent en qualité et s’abîment lors des transports. Si l’on est vraiment gourmand, n’est-il pas préférable de manger les denrées à leur meilleur : en saison, sur le lieu de production ? Et tant que l’on parle de citoyenneté, n’y a-t-il pas une logique à consommer des produits de terroir, locaux, afin d’enrichir les agriculteurs et les éleveurs locaux, dont on assure des débouchés aux produits ?

D’autant que la vache vosgienne donne un lait particulier, remarquable, en raison de l’alimentation spécifique dont elle dispose. D’autant que les micro-organismes sauvages des divers terroirs alsaciens (et vosgiens) permettent de faire des fromages uniques, à partir de ce lait unique. Ou encore, certains cépages de raisin ne sont-ils pas particulièrement adaptés à la culture de la vigne sur le territoire de l’Alsace ? Et n’est-ce pas ce climat particulier, continental, qui favorise la fabrication de la choucroute ? Et le fumage des charcuteries : ne faut-il pas des bois particuliers et des charcuteries particulières pour faire des goûts inimitables ? Sans parler des myrtilles sauvages, des champignons et du gibier, qui abonde… Finalement, pour les poissons, faut-il vraiment faire découvrir aux clients des turbots, alors que les cours d’eau des Vosges et de l’Alsace permettent la croissance de truites, ombles, et écrevisses ?

Bref, l’Alsace produit des denrées particulières, uniques. Et qui dit denrées particulières dit recettes particulières, dont ces denrées sont la base.

La question technique de la cuisine

Nous venons de parler de recettes : nous passons maintenant de la production de denrées à leurs transformations, qui peuvent être domestiques, artisanales ou industrielles. Dans les trois cas, avec des denrées de base, on peut effectuer des transformations anciennes ou modernes. Nous avons évoqué la cuisine moléculaire, au sens de la technique rénovée… et cela répond à la question : un cuisinier ou une cuisinière qui utilise des ustensiles culinaires modernes pour faire des recettes traditionnelles fait de la cuisine alsacienne moderne. Et l’on peut d’ailleurs penser également au style : une choucroute qui serait servie sous une forme rénovée serait aussi une cuisine alsacienne moléculaire.

Oui, une choucroute rénovée… et améliorée ! La choucroute, traditionnellement, c’est quand même un empilement un peu « paresseux ». Pourquoi ne pas tailler la charcuterie en brunoise, en lamelles, en filaments  ? Pourquoi ne pas tresser le chou ? Pourquoi ne pas mettre les pommes de terre dans un siphon pour en faire un voile foisonné qui couvrira joliment le plat ? Le genièvre : en gelée, afin d’avoir à la fois le goût et un aspect cristallin ? J’ai mangé cela une fois… et je déplore que ce ne soit pas ce que l’on me sert plus souvent. L’observation vaut évidemment pour toutes les recettes traditionnelles.

D’autre part, des recettes nouvelles peuvent s’ajouter au recettes traditionnelles, pour mettre en valeurs les denrées du territoire. Connaissez-vous, par exemple, le « beurre feuilleté », qui, si l’on part de beurre des Vosges, donnera des résultats particuliers… et modernes ? Avec le foie gras des petites oies alsaciennes, avez-vous déjà fait ce moderne « foie gras Chantilly » ? Avec la chair des oies, d’ailleurs, on pourrait faire une cuisson à basse température, pour avoir une chair particulière, cuite de façon moderne.

Bref, il peut exister de la cuisine alsacienne moderne, qui est donc l’utilisation de techniques nouvelles sur des produits du terroir.

La question artistique

Nous avons donc répondu deux fois à la question de la modernisation de la cuisine traditionnelle alsacienne, mais nous pouvons apporter une troisième réponse, car, jusque ici, nous n’avons parlé que de technique ; nous n’avons pas encore observé que la cuisine, c’est d’abord de la socialité et de l’art, avant d’être de la technique.

Existe-t-il un art culinaire spécifiquement alsacien ? Les cuisinières et les cuisiniers d’Alsace sont-ils marqués par les lieux qu’ils habitent ? Oui : la culture alsacienne est spécifique, entre la France et l’Allemagne. L’Alsace a une langue, qui n’est ni le français ni l’allemand. L’Alsace a un statut particulier, vis à vis des religions. Les familles ont une histoire particulière, avec ces cinq changements de nationalité parfois en moins d’une vie, des invasions des deux côtés, en quelque sorte, et j’en passe, parce que l’on sait bien tout cela.
Malgré une certaine mondialisation, la vie régionale est particulière, et les artistes culinaires locaux grandissent dans une culture alimentaire particulière : l’acidité d’une choucroute, due à de l’acide lactique, n’est pas celle d’un agrume, due à de l’acide citrique ; les asperges de la plaine d’Alsace ont un goût particulier, tout comme les “Bredala” qui se déclinent à l’infini, incluant souvent de la cannelle, et nombre de recettes font usage du vin d’Alsace, particulier comme on l’a déjà dit.

Donc oui, ceux qui vivent là ne sont pas comme ceux qui vivent ailleurs, et leur éducation, leur culture leur ont donné un style particulier, spécifique. Musiciens, ils ont des atouts pour faire une musique particulière ; peintres, il feront une peinture particulière ; cuisiniers, ils ont la possibilité de produire un art du cru, avec un style spécifique.

De ce fait, on peut aussi imaginer qu’un artiste local puisse vouloir exercer son talent sur d’autres denrées, ou matières premières, de l’agriculture ou de l’élevage, que les seuls produits du cru, parce qu’il sent que son style peut engendrer autre chose que ce qui est produit ailleurs, ou bien parce qu’il ou elle a besoin de “matériaux de base” qu’il ou elle ne trouve pas sur place. C’est légitime, mais restera la question de la qualité des denrées « importées », comme dit plus haut.

Et pour les autres arts

Tout cela étant dit, on ne perd pas en intelligence à déplacer les questions. Puisque la cuisine est un art, comparons-le à la musique, à la peinture, à la littérature. Nous nous demandions si les Alsaciens pouvaient manger autre chose que leurs denrées. En musique, cela donnerait : en Alsace, ne puis-je entendre autre chose que de la musique folklorique alsacienne ? La musique “folklorique”, traditionnelle, fait le pendant de la cuisine de terroir, traditionnelle. Peut-elle être modernisée ? Nous avions considéré la question technique, et, là encore, il y a la même possibilité, avec des flûtes traversières qui remplaceraient des flûtes baroques, par exemple, ou avec des airs écrits pour le cor des montagnes qui seraient joué à la guitare électrique.
Cela, c’est pour la technique. Pour l’art, on peut concevoir qu’un artiste (chef d’orchestre, pianiste, etc.) puisse jouer du Mozart avec un style particulier, résultant de sa culture propre. Ou qu’un compositeur de culture alsacienne compose de la musique moderne, qui ne serait comparable à nulle autre, parce que fondée sur une culture alsacienne, spécifique.Le raisonnement s’applique tout aussi bien à la peinture, la sculpture, la littérature… Oui, l’art veut échapper aux règles, et l’art moderne produira nécessairement autre chose que ce que l’on connaît déjà, mais il y a une infinité de façons d’échapper aux règles, et ce que nous avons dit de la culture conduit à des façons spécifiques.Ce qui conduit à conclure que si nous voulons faire éclore un art moderne alsacien, quel que soit le champ artistique, c’est en favorisant la culture alsacienne, ancrée dans le terroir, ancrée dans des traditions spécifiques, avec une langue spécifique, que l’on y arrivera.

En cuisine, en musique, en littérature, et dans la vie en général, je me demande s’il ne faut pas que nous parlions comme le bec nous a poussé afin de parler comme le bec a poussé.

Par Hervé This