Les « fines herbes » ? Elles sont partout… mais que sont-elles ? Les dictionnaires modernes citent Alexandre Dumas, qui fit un dictionnaire de cuisine : « Dans le domaine de l’art culinaire, au plur. Les vingt-huit herbes qui servent pour la cuisine sont divisées en herbes potagères, en herbes d’assaisonnement et en herbes de fourniture à salade (…) ou fines herbes ».
Et les herbes potagères seraient les légumes verts cultivés dans les jardins potagers et destinés à être mangés cuits ou en salade : oseille, laitue, poirée, arroche, épinard, pourpier vert. Les herbes d’assaisonnement seraient persil, estragon, cive, ciboule, sarriette, fenouil, thym, basilic et tanaisie. Enfin les herbes e fourniture à salade, ou fines herbes, seraient au nombre de douze : cresson alénois, cresson de fontaine, cerfeuil, estragon, pimprenelle, perce-pierre, corne de cerf, petit basilic, pourpier, cordioles de fenuil, thym, jeune baume et ciboulette.
Oui, mais Dumas écrit à propos de ris de veau : « passez-les dans des fines herbes, telles que persil, ciboules et champignons hachés très fins. Des champignons ? Ce ne sont pas des « herbes » ? D’ailleurs Dumas est fantasque, et son dictionnaire est un dictionnaire de romancier. Allons voir un professionnel, tel Jules Gouffé, qui donne une vraie définition de « fines herbes pour garnitures et sauces ».
Et, mieux, il donne une définition d’autorité
« Je désigne, sous le nom de fines herbes pour garnitures et sauces, le mélange connu jusqu’alors en cuisine sous le nom ambitieux, suivant moi, surtout en fait de cuisine de ménage, et assez peu intelligible dans tous les cas, d’Uxelles. J’ai préféré adopter un nom beaucoup plus simple et plus propre à indiquer l’emploi même de la chose. Je ne puis pas donner ici de mesure, parce qu’elle se trouve déterminée par la quantité de parures de champignons dont on peut disposer. Après avoir préparé vos champignons pour garnitures, comme il est dit à l’article précédent, hachez menu les parures que vous avez dû mettre de côté, puis pressez-les dans le coin d’un torchon pour bien faire sortir l’eau ; Hachez même quantité de persil bien lavé et bien pressé dans le coin du torchon ; Joignez une quantité d’échalotes également bien lavées et bien hachées, la moitié moins de ce que représente la quantité de parures, soit 50 grammes d’échalotes pour 100 grammes de champignons ; Mettez dans une casserole d’abord l’échalote, avec : 15 grammes de beurre, 5 grammes de sel, 1 pincée de poivre; Placez le tout sur le feu ; vous tournez avec une cuiller pendant cinq minutes, pour éviter que l’échalote attache ; Ajoutez champignons et persil ; Faites cuire encore pendant cinq minutes en continuant à tourner ; Versez dans une terrine, couvrez d’un rond de papier beurré pour empêcher que les fines herbes se dessèchent. Ces fines herbes pour garnitures et sauces, servent pour les gratins, barigoules, papillotes, sauces italienne, piquante, etc. Les parures de champignons indiquées pour la préparation de ces fines herbes doivent être employées aussitôt que les champignons auront été tournés. Si on attendait pour en faire usage, elles noirciraient et perdraient entièrement leur goût. »
Si l’on résume
- Ce serait Gouffé qui aurait introduit le nom ;
- Il y aurait champignons, échalotes, persil.
Oui, mais Gouffé n’est pas à même de nommer fines herbes une préparation… parce qu’elle existe déjà auparavant. Que dit Joseph Favre, à la même époque ? Que le cerfeuil entre dans la composition des fines herbes ; « avec la ciboule, il forme une harmonie de goût et d’arôme fort engageant, à la seule condition toutefois de ne hacher le cerfeuil qu’au moment de le servir et de ne jamais le soumettre à une longue ébullition ». Il ajoute que « la ciboulette devrait toujours faire partie des fines herbes pour la confection des omelettes dites aux fines herbes, qui ne contiennent ordinairement que.du persil. Mais on retrouve les idées discutées par Gouffé, puisque, dans une côte de veau aux fines herbes, il propose de préparer une duxelle claire et allongée avec du jus réduit sans sauce espagnole, d’y ajouter, au moment de servir, de l’estragon, des ciboules et du cerfeuil hachés.
Mais il est plus explicite, dans sa formule 2664 : « Hacher ensemble une égale quantité de cerfeuil, d’estragon et ciseler à part des ciboulettes ; mettre le tout dans un torchon et laver sous le robinet de la fontaine ; presser et mettre sur une assiette ou un plat, en lieu frais, au garde-manger ». C’est ce qu’il nomme des « fines herbes de cuisine », qu’il distingue de « fines herbes pour la salade », ou « fournitures de salade » : ces dernière se composent de plantes aromatiques : cerfeuil, estragon, ciboulette, fenouil ; on y joint aussi le baume nouveau, la pimprenelle, la perce-pierre, les capucines fleuries, le baume des jardins, les fleurs de bourrache, etc.
Cette définition est surtout l’occasion de comprendre qu’il y a des « fines herbes » différentes, et, d’ailleurs, pour André Viard, antérieur d’un demi siècle, les fines herbes seraient faites avec du lard, de l’huile, du beurre, des champignons, des échalotes, du persil, du gros poivre, un peu d’épices. Avant lui François Massialot, en 1722, nous apprend que le persil et la ciboule ne sont pas des fines herbes, puisqu’il indique dans ses recettes « fines herbes, persil, ciboules ». De même, l’auteur anonyme L. S. R nous fait comprendre, de même, que le laurier n’est pas dans les fines herbes. Surtout, les « fines herbes » ne seraient pas nécessairement réduites à des herbes aromatiques et condimentaires. Et, enfin, Pierre François de la Varenne, à qui l’on attribue la « duxelle », nous dit fines herbes, comme persil, ciboules, thym.
Pour terminer, un correspondant me signale que les « fines herbes » étaient ce que l’on nommait, naguère et jadis, des appétits. Des appétits ? En 1772, on trouve la définition : « Appétits, Harengs préparés en demi-apprêt, peu salés & peu fumés, qui sont plus estimés que les Harengs saurs. » Bref, ce ne sont ni des herbes aromatiques, ni des préparation à base de champignons et d’échalotes dont parlait Gouffé.
Mais l’usage a fini par l’emporter : aujourd’hui, les « fines herbes » sont des plantes aromatiques et condimentaires. Et la liste n’est pas clairement définie, de sorte qu’est laissé à l’arbitraire de l’artiste cuisinier le soin de les choisir.
Par Hervé This
Revoir en vidéo, Hervé This déguste son dessert alsacien préféré