le salon Cagliostro

Le 1741, un restaurant-boudoir à Strasbourg

 

Le restaurant 1741, perché sur le quai des Bateliers à Strasbourg (67), s’inspire du Palais des Rohan, classé au titre des monuments historiques en 1920. C’est dans cette ancienne demeure bourgeoise, que Michael Wagner et Fabien Raux, signent un duo synchro.

Edifiée sur le bord de l’Ill en 1590, construite sur pilotis avec ossature en bois, l’établissement était historiquement structuré en petits appartements transformés en merveilleux et atypiques salons-boudoirs baroques, distribués sur quatre niveaux.

Devenu restaurant, son particularisme est d’offrir aux clients 5 espaces intimes. Sur la façade, les chiffres 1741 évoquent la date d’achèvement du Palais des Rohan, qui appartenait à Armand-Gaston Maximilien de Rohan.

Le 1741, un hommage au Palais des Rohan

Sa décoration est en résonance avec le palais voisin, admiré par Cédric Moulot, le propriétaire.
L’esprit historique y règne avec sa représentation de la salle de bal en noir et blanc. D’illustres personnages incarnent les différents salons : Robert de Cotte, Joseph Massol, Gaston de Rohan ou encore le sulfureux Cagliostro, matérialisé dans ce boudoir cosy, à la banquette de velours rougeoyante, en forme de petite alcôve.

À l’abri des regards, le boudoir offre le luxe de la haute discrétion, une prérogative réservée à 5 personnes privilégiées. Un intelligent jeu de lumière met en exergue la belle toile de Jouy, une étoffe de coton aux tonalités chromatiques anisées et rosées.


Fabien Raux et Mikaël Wagner – 1741
Colonne centrale de la maisonnée, le grand escalier tournoie jusqu’au 3ème étage. À chaque arrêt la magie opère, dévoilant une ambiance feutrée et cosy, sublimée par les moulures, les tissus Hermès, les chaises-fauteuils, les appliques pampilles, où les arts de la table sont à leur paroxysme avec Lalique, Baccarat, l’argenterie «jardin d’Eden» de chez Christofle, Reynaud et Bernardaud, s’invitent sur les nappes angéliques.

Le fil conducteur de la demeure n’est autre que Michael Wagner, l’actuel directeur, qui a participé à l’ouverture de l’établissement en 2012 au poste de la sommellerie. Il narre avec superbe l’histoire de la maison, l’aventure épique du 1741 et de ses prestigieux chefs (Thierry Schwartz, Olivier Nasti, Guillaume Scheer) avant l’arrivée de Fabien Raux en 2016.


1741 – Fabien Raux et Cédric Moulot
Témoin de l’évolution de cette table, qui en moins de 5 ans est entrée pleinement dans l’excellence de la gastronomie alsacienne, Michael Wagner se réjouit :

« Notre emplacement sur le quai des Bateliers, piétonnier, est une chance et nous avons une vue privilégiée sur le Palais des Rohan et la Cathédrale de Strasbourg. Le restaurant est calme et romantique, offrant beaucoup de sérénité. C’est une décoration féminine et sensuelle, avec de la finesse et des courbes. Par coquetterie, les tables n’ont pas de numéro, elles portent des adjectifs : baronne, amourette, coquette, fidèle, élégante, désirée, ou encore ingénieuse, mais aussi des noms de fleurs en cuisine : bleuet, dalhia et érable ».


Ici tout n’est que luxe, calme et volupté

À l’étage la salle contemporaine avec vue sur la cuisine ouverte- 1741 – Fabien Raux et Cédric Moulot
La préciosité du passé se marie avec la cuisine contemporaine du chef. L’esprit du siècle des Lumières s’exprime dans toute sa dimension, alliant l’écrin du 18ème siècle, filant vers les mets du 21ème.

Il suffit de gravir les marches et d’atteindre l’espace du chef Fabien Raux pour apprécier cette dichotomie. Plus moderne, quasi anachronique, la cuisine ouverte permet d’observer la brigade s’affairer dans un univers de blanc immaculé. Le contraste est saisissant et tranche avec le maniérisme baroque des salons.


Fabien Raux – plat du 1741
L’assiette réunit tous les fins esprits gourmets, se félicitant de l’arrivée de ce chef formé notamment auprès de Yannick Alleno. De retour de Chine et du Maroc, Fabien Raux est recruté par Cédric Moulot et Olivier Nasti au 1741 pour signer une carte personnelle dès le 1er janvier 2018.

« Mes plats sont droits, francs dans les goûts et la technique se fait discrète. Mes assiettes sont très graphiques. J’adore travailler le gibier, la langoustine, mais aussi le foie gras ; ce sont des plats marqueurs au « 1741 ». Pour accueillir les clients, nous leur proposons un voyage en gastronomie pour leur faire découvrir le terroir alsacien en une succession de mises en bouche. Puis, des plats comme la Pintade Miéral de Bresse, avec son céleri en croûte de sel et truffe d’automne et sa sauce vin jaune ou le superbe lièvre des chasses d’Alsace, préparé à la royale, permettront de se sustenter avant de finaliser par une note sucrée et cette alchimie chocolat cacahuète.


Fabien Raux – plat du 1741
Dans sa cave voûtée, qui peut se visiter, Michael Wagner, passé par L’Arnsbourg du temps de Jean-Georges Klein titré « Meilleur sommelier du Luxembourg » en 2010, abrite plus de 550 références.

Il a installé une carte des vins au verre pour composer des accords judicieux comme par exemple de jolis Sauvignons de Loire ou le Riesling 2015 Vieilles Vignes de la maison Trimbach pour marier le gâteau croustillant d’Anguille et d’écrevisse et sa sauce Nantua infusée à la mélisse. Le filet de Merlu de ligne, cuit lentement, accompagné d’épinards salsifis et ail noir va pleinement s’exprimer avec un blanc Chardonnay ou un Pinot Noir allemand, qu’il juge « superbe », déniché quand il officiait au Luxembourg.
En février 2019, il a décroché le titre de « Meilleur jeune sommelier » par le Gault & Millau.


Fabien Raux – dessert du 1741
Cet illustre 1741 a traversé le siècle des Lumières et celui de l’évolution de la gastronomie alsacienne, rappelant que s’y tenait autrefois le restaurant « Julien », alors étoilé Michelin, sous l’égide de Serge Knapp, puis le restaurant « Fleur de sel » avant de devenir le noble 1741, imaginé par Cédric Moulot.


Strasbourg
Quel plaisir le soir venu, de flâner sur les quais, admirant les demeures à colombages, les monuments illuminés et leurs reflets scintillants sur l’Ill.

« Le temps semble suspendre son envol », formulerait Alphonse de Lamartine.

Par Sandrine Kauffer-Binz
crédit photos ©Aline Gérard

Restaurant 1741
22 quai des Bateliers
67000 Strasbourg
03 88 35 50 50