Le 7 janvier 2021, le gouvernement a confirmé ce que la profession pressentait, les bars, cafés et restaurants resteront fermés, à minima jusqu’à la mi-février 2021.
Le 4 janvier 2021, Stéphane Turillon lançait un appel à la “révolution hôtelière”, à “la désobéissance civile” à braver l’interdiction et ouvrir les restaurants le 1er février. Le chef met en exergue qu’il n’est pas un mouton et qu’il est chez lui dans son restaurant ». ( relire et voir la vidéo ).
Il a été largement relayé par les médias, faisant le “buzz” sur les réseaux sociaux, mais divisant l’opinion. Les commentaires sont étonnants, les débat sont parfois virulents, se disputant franchement le bienfondé de sa “révolte”. Les avis sont divisés sur son action jugée, tantôt courageuse et exemplaire, tantôt individualiste et irresponsable.
Son cri d’alarme aété lu et entendu par la profession. Majoritairement, elle ne l’a pas relayé, ni appuyé. Le silence est éloquent.
Quelles en sont les raisons ?
Plusieurs motivations se conjuguent et s’additionnent
La crainte de la sanction
Ouvrir et contrevenir à la loi serait passible d’une amende, de la suppression des aides, (voir demande de remboursement) car elles sont conditionnées à la fermeture administrative (et à son respect)
Responsabilité et crainte de la maladie
Le chef d’entreprise est responsable devant la loi de la mise en danger de la vie d’autrui, dans la mesure où, l’ouverture illégale démontrerait la contamination des clients ou des équipes.
Les professionnels du CHRD sont des citoyens comme les autres, plaçant leur santé et la vie de leur proche, au-dessus d’un chiffre d’affaires. Certains ont été gravement affectés et ont perdu des proches. Confrontés personnellement à la covid-19 ils ne tiennent pas le même discours. Ayant applaudi et soutenu les personnels de santé en mars dernier, comment risquer aujourd’hui de contribuer à la circulation du virus ?
Si la France n’a pas pu démontrer dans les faits, que les CHRD sont des clusters potentiels de la circulation/ contamination du virus. Personne ne pourra vérifier non que, si les CHRD étaient restés ouverts, les lits en réanimation seraient saturés.
Les aides de l’Etat sont suffisantes pour certains, inexistantes pour d’autres
Globalement, les acteurs de la profession reconnaissent la chance d’être Français, d’être relativement protégés financièrement. Appelées “aides” ou “indemnités”, elles sont indispensables aux entreprises. Une entreprise saine avant la crise, accusera une année blanche, ni perte ni profit. Les salaires sont à 90% pris en charge par l’État et les charges sont reportées et peuvent être financées par la vente à emporter. L’activité partielle a été reconduite jusqu’au 31 janvier 2021 et le fonds de solidarité s’est élargi aux grandes PME qui n’étaient pas éligibles jusqu’ici.
Mais, le profil et le positionnement changent si en mars 2020, la société n’avait pas de trésorerie. Les pertes sont plus importantes selon la taille des structures (hôtels, ou spa), la perte du chiffre d’affaires, et si d’importants investissements venaient d’être engagés. Les entreprises inquiétées sont celles qui étaient fragiles avant la crise et/ ou qui avait déjà perdu la confiance de leur banquier. Les aides parviennent à tenir la profession sous perfusion. Certes, c’est imparfait, mais personne n’a sollicité la covid non plus et personne n’est capable de définir une date de fin.
Accepter sans rien faire ? oui mais que faire ?
Personne ne détient la réponse car il n’y a pas une, mais des réponses possibles. La révolte n’aura pas lieu car les attentes, les demandes, les périls, les prières ne sont pas les mêmes et la profession ne parle pas d’une seule voix.
Nombreux sont les professionnels qui ne souhaitent pas rouvrir dans ces conditions.
Les raisons sont transversales et complémentaires. Les motivations ne sont pas toujours avouables sous peine de paraitre “fainéants, défaitistes et démotivés”. Le chef d’entreprise est censé donner l’exemple à ses collaborateurs, garder le lien avec sa clientèle, soutenir ses fournisseurs/ producteurs”, veiller à préserver son image dynamique et donner confiance dans l’avenir.
Ceux qui “veulent travailler “sont déjà actifs avec les ventes à emporter, drive, livraisons, consulting, bocaux, ouverture d’épicerie éphémère, ou points relais. Ils ont réussi à développer une activité économique complémentaire. Certes, incomplète et insatisfaisante, mais la France n’est-elle pas en situation de crise/ guerre sanitaire ?
Alors, comment justifier ce positionnement ?
1 -La perte du plaisir d’exercer sa profession,
Elle revient en boucle. Lieu d’accueil, de loisirs, de bien-être, de convivialité et d’évasion les cafés et restaurants, affichent les stigmates anxiogènes de la covid.
2- La suspicion du “cas contact”
Prenons un exemple. Le chef d’entreprise se réjouit d’être complet pendant 15 jours. Mais, son bras droit est testé positif. Toute la brigade devient “cas contact”, doit se faire tester et s’isoler. Conclusion, il ferme son établissement “pour quarantaine” risquant selon les résultats des tests, une médiatisation de cluster.
3- des problèmes structurels
Celui de l’approvisionnement. En effet, devant tant d’incertitudes, les fournisseurs restreignent les achats et l’approvisionnement devient un parcours du combattant. Qui n’a pas recherché en hâte des boites en carton pour la vente à emporter ?
Celui des couvre-feux changeant et le spectre du reconfinement découragent la mise en route de la machine. Une 3ème fermeture serait préjudiciable pour le moral et la motivation des équipes. Une lassitude générale.
4-La vie de famille. La profession, déjà en déficit de recrutement, pourrait accuser des reconversions professionnelles. Sous la bannière de « nous voulons ouvrir dans de bonnes conditions », il est possible de lire « Nous sommes bien chez nous à la maison ».
Conclusion
Plus que jamais, la santé économique de notre pays est liée à l’accélération de la campagne de vaccination pour que les établissements puissent rouvrir le plus tôt possible, dans de bonnes conditions, et définitivement.
Avec un vœux pour 2021 ; que « la nuit doit revoir le jour »
Par Sandrine Kauffer-Binz