A l’occasion de l’ouverture de la Coupe du Monde de Rugby et de la finale française du Bocuse d’or, le Président de la République Emmanuel Marcon a réuni les grands chefs, les acteurs du sport ainsi que plusieurs jeunes issus des filières sports et gastronomie pour un déjeuner au Palais de l’Élysée.
Discours prononcé par Emmanuel Marcon devant les chefs à l’Elysée
Ce 8 septembre 2023 restera, je crois, dans les annales collectives, à double titre : dans quelques heures, le premier coup de sifflet de la coupe du monde de Rugby au Stade de France, et, dans quelques minutes, le premier coup de fourchette de cette fière tradition du déjeuner des chefs, qui se met elle aussi à l’heure ovale.
Je suis très heureux de vous voir tous, de vous revoir, pour beaucoup.
Alors oui, réunir à table des sportifs qui doivent souvent suivre des régimes spéciaux, et des cuisiniers pour qui le goût primera toujours, même si cela exige son pesant de crème, peut faire sourire.
Mais le paradoxe n’est qu’apparent : entre d’un côté les virtuoses de la puissance physique et de l’autre les champions des saveurs, tant d’enjeux sont communs. La quête de la qualité des produits que vous consommez, évidemment. Une culture commune du dépassement aussi, et du collectif, car vos métiers ne s’apprennent qu’en équipe, confrontés à des éléments qui nous résistent, et qui sont une permanente leçon d’humilité.
Sport et gastronomie sont deux piliers de notre rayonnement international, deux instruments de pacification des mœurs, de dialogue entre les peuples.
Et au-delà, vous avez, au cœur de notre société, une mission commune d’éducation de nos jeunes à leur santé, et à leur environnement. Qu’ils prennent conscience que la nutrition est un moyen d’épanouissement, un levier de bien-être, une condition du développement durable.
Des fourneaux aux filets, du terrain à la table, vous êtes ceux qui valorisent, qui dynamisent nos territoires, qui vivifient la cohésion entre nos concitoyens, et combien de nos villes ne doivent leur bonne santé qu’à un club dynamique ou à un restaurant de qualité, où se font et se resserrent ces liens chaleureux qui fondent l’art très ancien d’être français.
Le système des AOP, que nous avons développé, que nous exportons dans le monde entier, est un outil de son rayonnement, et c’est ainsi que la région lyonnaise se fait connaître à la fois par sa place dans le Top 14 et par ses vignobles que leur qualité, et désormais la loi, rendent inimitables.
GL Events, qui a tant fait pour initier et orchestrer ce déjeuner, a bien compris cette convergence, et je vous remercie, cher Olivier, de gérer de main de maître un si grand nombre d’évènements gastronomiques, ce qui vous laisse encore le temps de vous engager dans cet dans cette Filière Sport dont vous assurez la Vice-présidence, sans oublier votre soutien au vaillant LOU Rugby, bien représenté à ce déjeuner ; mais ils ne sont pas les seuls ambassadeurs de l’ovalie parmi nous, je salue aussi le Racing et le Rugby castre Olympique, avec leurs jeunes espoirs, tout comme nos jeunes promesses de la cuisine, aux côtés de nos grands chefs. Vous faites honneur à vos filières respectives, qui savent que leur futur est dans votre engagement.
Cette émulation des générations trouve une expression magnifique dans la finale française du Bocuse d’or, qui bat son plein en ce moment même au Grand Palais éphémère : la présidente de son jury, Naïs Pirollet, première femme et plus jeune cheffe à avoir représenté la France au Bocuse d’or international en janvier dernier, et parvenue 5e du classement, n’a pas 25 ans.
Émulation encore que ce « Forum de France de l’Alimentation », qui, à l’ombre de la tour Eiffel, mêle cette semaine des chefs, des diplomates et de simples gourmets, venus se former, échanger, découvrir la gastronomie des pays du monde entier, et faire l’expérience de la force d’influence internationale de la cuisine. Une si belle initiative, pilotée par Guillaume Gomez, avec le soutien indéfectible de Stéphane Layani, Alain Ducasse, Philippe Faure, Guy Savoy, et tant d’autres membres de cette confrérie du goût, a vocation à grandir, à être pérennisée, tous les deux ans idéalement, et je sais pouvoir compter sur vous.
Mais nous avons encore beaucoup de plats sur le feu.
Dans les mois qui viennent, la France va recevoir des millions de personnes, sous les projecteurs du monde entier, tant pour la coupe du monde que pour les Jeux Olympiques, et je souhaite à chaque visiteur qu’il fasse l’expérience de cette hospitalité à la française. L’installation de villages de la gastronomie, dans les terres de jeux, y contribuera.
Il nous faut aller plus loin, faire coïncider cette médiatisation de la France avec le lancement d’une stratégie nationale en faveur de la haute-gastronomie, dont nous venons de finaliser le schéma, avec Guillaume Gomez et Olivier Grégoire, et que je voudrais vous dévoiler.
Tout d’abord, intensifier notre projet d’un « Clairefontaine de la gastronomie », qui fasse éclore nos talents et leur donne un lieu où s’entraîner et se perfectionner, pour mieux nous représenter à travers le monde. Pour s’épanouir, ce GIP qui va être créé a besoin de vous tous, chefs, organisations professionnelles, entreprises de la gastronomie, afin que nous puissions commencer à accompagner nos équipes et nos espoirs dès 2024
Ensuite, je crois qu’il ne fait pas oublier que la cuisine, ce n’est pas seulement l’art pour l’art, déconnecté des contraintes, mais qu’il y a derrière des réalités de terrain, des investissements à susciter, des barrières pratiques à lever ; et pour cela, dès 2024, Business France proposera aux chefs un accompagnement entrepreneurial, qui permettra à notre cuisine de s’exporter plus facilement. Des partenariats, des séminaires de préparation, des campagnes de promotion, une aide très concrète à l’implantation.
Un autre axe majeur de notre stratégie : la formation de nos jeunes. Nous continuerons à les orienter vers vos métiers, grâce au soutien sans faille que nous apportons au développement de l’apprentissage et à la réforme du lycée professionnel. Et nous allons également favoriser l’enrichissement international de nos formations. Les écoles françaises sont excellentes, elles sont foisonnantes, mais elles ne sont pas assez, du moins pas encore assez, ouvertes sur le monde : elles pourraient accueillir plus d’étudiants venus de l’étranger, y envoyer plus d’étudiants français. De même que nous sommes en train de le faire avec le développement d’un Erasmus de l’apprentissage, nous voulons instaurer un Erasmus de la haute gastronomie en développant les partenariats et en levant les freins à la mobilité.
Enfin, vous vous souvenez des évènements « Goûts de France », lancés par l’ambassadeur Philippe Faure et Alain Ducasse, qui avaient lieu dans les ambassades ; nous devons réinventer ces évènements dans certaines métropoles, en ciblant les évènements stratégiques dans les grandes capitales, les Fashion week, les expositions universelles, les foires célèbres.
Pas seulement à l’étranger d’ailleurs, mais en France aussi, il nous faut être des ambassadeurs de notre cuisine. Des évènements comme le Taste of Paris ou le festival Omnivore, à Paris et au Touquet, contribuent à faire aimer la gastronomie au grand public. C’est pourquoi nous allons aider les collectivités à développer des projets similaires, afin que l’année 2024 soit une grande année, pas seulement du sport, mais de la cuisine et de l’entreprenariat à la française.
Je sais combien vous nous aiderez, combien vous nous aidez déjà, à faire gagner notre pays, à donner au monde le goût de la France.
Quand on lit le menu de tout à l’heure, avec ces plats dont le nom est déjà savoureux, timbale, soles, ventrèche, avec ces noms de village, Saint-Marcellin, Cervione, Castelnaudary, c’est tout un poème qu’on découvre, où se décline la variété de la France, du nord au sud, de ses rivages à ses sommets, et c’est en tout cas une ode à l’inventivité de nos chefs, eux qui trouvent dans nos traditions l’ingrédient d’une modernité sans cesse renouvelée”, a conclut le président de la République avant d’ouvrir les festivités gastronomiques.
Fabrice Desvignes, le chef des cuisines de l’Elysée a pu compter sur Mathieu Viannay, Guy Savoy, Franck Putelat, Stephanie Le Quellec, Alexandre Gauthier, et Amandine Chaignot
Par Sandrine Kauffer
Emmanuel Macron vient rejoindre les chefs pour la photo officielle