En 2019, alors qu’il recevait le trophée de cuisinier de l’année du Gault & Millau, Alexandre Mazzia signait sur les réseaux sociaux « AM le bienheureux », pour remercier. Deux années plus tard, le chef Marseillais tutoie à nouveaux les sommets, en décrochant la 3ème Michelin en janvier 2021.
Rendez-vous à Marseille, au restaurant AM, dans une discrète rue du 8ème, au n°9 de la rue François Rocca, se dévoile une devanture sans signe ostentatoire de distinction, antinomique du faste délectable de la table.
Bienvenue sur la planète Mazzia, «AM-azing, Alexandre Le très Grand, qui conjugue en 6 « séquences », comme il les nomme, un voyage sidéral et sidérant. Le plat et ses satellites étayent son univers culinaire.
L’expérience conjugue une quarantaine de préparations « astronomiquement » culinaires.
Mais où va-t-il chercher toute cette créativité, cette technique, cet équilibre des puissances, l’harmonie des associations, le tour du monde des saveurs ? De son enfance au Congo? de ses voyages, de ses expériences, mais aussi de son coup de foudre pour la ville de Marseille.
Le chef de l’année 2021
Le 22 septembre 2021 aura lieu la soirée organisée par le magazine Le Chef à Paris, qui va désigner son ” chef de l’année”. A priori, sans surprise, Alexandre Mazzia, élu par ses pairs, va monter sur scène, avec une sincérité dans son humilité. Cette soirée va consacrer un parcours fulgurant et atypique
Alors que certains chefs sont en quête d’une identité culinaire, Alexandre Mazzia pourrait s’enorgueillir de conjuguer différentes personnalités culinaires. Son imaginaire fait de lui un génie créatif atteint d’une sorte de “schizophrénie” inventive. Il est multiple et indivisible. S’appuyant sur un triptyque conducteur : torréfaction, épices et piment, tel un magicien des saveurs, il éblouit d’intelligence dans ses préparations, son organisation, son rapport aux équipes.
Ce chef est singulier dans l’univers des vestes blanches, sensible dans le sens noble du terme, mettant ses qualités au service de sa créativité, nourrissant son instinct culinaire. Sensible au beau, à l’art, au goût, aux autres, à leurs émotions, il est aussi à l’écoute de ses propres émotions et de ses envies, indépendamment de l’ère du temps. Chez AM, le menu peut se déguster en écoutant, par exemple, un album de Bob Marley.
« Je me suis simplement défait du fantasme de vouloir plaire ou contenter tout le monde pour un projet plus personnel : trouver mon territoire, dompter la matière et apprendre à vivre avec moi-même. Pour cela, j’ai emprunté des routes d’étapes, avec le sport de haut niveau (Basket) ou me suis orienté vers un bac scientifique. Il a vécu 15 ans en Afrique, au Congo plus précisément. « J’ai même pu faire le tour du monde, avant de tomber deux fois amoureux à Marseille : de ma femme Anne d’abord, sans qui je ne serais pas là aujourd’hui, et de l’énergie de cette ville unique et incroyable. Aucun chemin n’était donc tracé par avance, chez AM d’ailleurs, nul ne sait précisément ce qu’il dégustera en arrivant : pour moi qu’importe la destination, le plus important c’est le voyage. Ces menus se déclinent uniquement sur la durée du vol (court, moyen ou long-courrier) mais pas sur la destination».
Tarif à partir de 135€ (déjeuner) jusqu’à 385€
Alexandre est omniprésent dans son restaurant.
Concentré, Alexandre Mazzia scanne constamment la salle, il observe attentivement les attitudes des clients, analysant leur communication non verbale. Ainsi, il ressent le rythme du service. Il est au « passe» et il « fait marcher » les bons. Il centralise avec une grande maitrise et incarne l’AMe de son restaurant.
« Je regarde leurs réactions, vérifie que tout va bien, j’y suis très sensible » explique-t-il. « Je suis toujours présent en cuisine et disponible pour ceux qui souhaitent échanger ».
La salle est à taille humaine (25 couverts), épurée dans sa déco, mais les projecteurs sont braqués en cuisine. La scène se déroule en 4-5 ou 6 actes, dans l’assiette. Alexandre Mazzia joue à guichet fermé 4 jours par semaine. Le ballet culinaire peut commencer : élégant, silencieux, harmonieux, fluide et précis.
Une place privilégiée ? Au premier rang, installé au comptoir juste devant le chef qui finalise le dressage et envoie. Cette place a une vue imprenable sur la cuisine « de poche », de 20m2. Alexandre Mazzia annonce des travaux d’agrandissement, mais rien d’ostentatoire, une seule table va être « sacrifiée » pour agrandir la cuisine.
Dégustation et concentration
Les énoncés seront complets, les recommandations de dégustations, précises. Il y a, tantôt un ordre crescendo de dégustation à respecter qui monte en puissance, tantôt des aller-retours entre 2 propositions qui s’équilibrent et se complètent ; une bouchée pimentée chauffe votre palais, immédiatement adoucie par une cuillerée fraicheur qui apaise. Les « juxtapositions » font sa marque de fabrique.
Pour narrer ces mets, Marco Altenburger, son “alter ego” est un conteur né.
Menu photographié chez AM août 2021
Lancement du Food’truck Michel
Depuis octobre 2020, il a également créé son camion Food’truck Michel, (du nom de son grand-père) est installé à l’angle des rues Paradis et Prado, dans le 8e arrondissement de Marseille. A bord, il invite des amis chefs.
« Mon grand-père Michel était pêcheur sur l’Île de Ré. Il aimait les formules. Il m’en répétait une sans cesse : « Aime ton métier, un jour il te le rendra ». Son grand-père est encadré en photo chez AM, et sur les étagères… sont exposés des jouets, ceux de ses deux enfants, Gabriel et Juliette, « parce que je pense tout le temps à eux ».
Par Sandrine Kauffer-Binz
Crédit photos et vidéo ©Sandrine Kauffer-Binz
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