Sie Yai : Émincé de bœuf, nouilles udon, légumes croquants sautés au wok et oignons frits.

Une histoire de nouilles

Nouilles : ce sont des échaudés particuliers qui viennent de l’Est

Quels rapports entre les « pâtes alimentaires » ou les « nouilles ? Le Trésor de la langue française informatisé stipule que les nouilles sont des pâtes alimentaires de longueur moyenne, plates ou rondes, et coupées en lanières minces. Une nouille est une pâte, mais une pâte n’est pas une nouille.

Depuis quand en cuisine-t-on en France ?

Le Guide culinaire les évoque  : « On les achète généralement toutes prêtes. Toutefois., si on veut les apprêter soi-même, les proportions de la pâte sont celles-ci : 500 grammes de farine, 15 grammes de sel, 4 œufs entiers et 5 jaunes. Détremper comme une pâte ordinaire; fraiser deux fois et laisser reposer au frais pendant une heure ou deux avant de détailler ». Le livre ajoute que les formules indiquées pour le macaroni, sont applicables aux nouilles, et il donne une précisions pour les « Nouilles à l’Alsacienne », à savoir qu’il est d’usage de semer dessus, quand elles sont dressées en timbale, une petite quantité de nouilles crues, sautées au beurre et tenues très croustillantes. »

Aurions-nous mieux chez Joseph Favre, toujours à la fin du 19e siècle ? Ce dernier précise que les nouilles sont des pâtes alimentaires fraîches, donc pas des pâtes sèches. Et il indique même qu’elles sont préparées avec des oeufs et de la farine : « plus elles contiennent de jaunes d’oeufs, plus elles sont fines ; plus elles contiennent de blancs d’oeufs, plus elles deviennent fermes ». Il donne une recette de pâte fine de nouilles aux jaunes d’oeufs avec 500 g de farine, 15 jaunes d’oeufs, 15 g de sel fin. Vous vous rendez compte : 15 jaunes d’oeufs ! En revanche, la recette n’a rien de particulier : « Tamiser la farine sur la table; former la fontaine; mettre au milieu les jaunes d’oeufs, le sel et délayer peu à peu ; en faire une pâte ferme ; la laisser reposer pendant une heure en la recouvrant d’un linge mouillé ; diviser la pâte en deux ou trois parties ; les abaisser en feuilles minces ; les rouler sur elles-mêmes ; tailler ces rouleaux transversalement à l’aide du couteau ou de la machine. Les faire sécher légèrement avant de s’en servir ».

Puis, pour des nouilles « demi-fines », il réduit la quantité d’oeufs à 8 jaunes et 3 œufs entiers. Il donne aussi une recette originale de « nouilles au beurre », avec 500 g farine, 20 g de beurre, 15 g sel, 5 jaunes, 3 œufs.

Et il donne des usages oubliés aujourd’hui : « On varie les formules de ces nouilles, selon l’application qu’on en veut faire dans les préparations culinaires. Les plus dures servent pour les timbales ; autrefois, on s’en servait également pour les bordures, aujourd’hui à peu près abandonnées. Les plus fines se préparent de diverses façon et sont servies comme entremets de pâte ou comme garniture ».

Mais avant ? Je ne vois pas de nouilles dans André Viard, au début du 19e siècle, ni dans la Suite des dons de Comus, au 18e siècle. En revanche, l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers comporte une entrée « noudles », ou « nudeln », qui seraient devenues des « nouilles » en 1767 : le mot aurait désigné une variété précise de pâtes alimentaires, mais la langue familière l’aurait employé pour désigner de nombreux types de pâtes.

Surtout, j’observe que les nouilles sont absentes du livre de Nicolas de Bonnefons, en 1655, celui-ci donnant plutôt la recette d’échaudés (aux œufs), des cornuaux, de cannelets… Par exemple, il propose de mêler farine, œufs, levure, , sel, beurre fondu. On travaille la pâte avant de former les coruaux que l’on jette dans l’eau bouillante « deux ou trois fois » ; on les fait ainsi à l’avance et on les finit au four chaud.

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Ajoutons que ces cornuaux ne sont que des « échaudés », puisqu’ils ont été passés à l’eau bouillante. Tout comme les « craquelins », qui se font «  de la même pâte des Échaudés au Sel & s’échaudent & bassinent de même ». Cette fois, leur forme est différence : c’est celle d’une « écuelle sans bord ». Et Bonnefons signale même que  « quelques-uns se sont avisés de prendre des Craquelins tout cuits & de les mettre dans l’Eau tiède, tant qu’ils soient bien amollis ; après quoi, ils les jettent dans l’Eau fraîche, puis les retirent, les sèchent bien dans une serviette, les font frire à la poële comme des Soles & disent qu’ils leur semblent aussi bons, mais j’ai peine à me ranger à leur avis ; c’est pourtant un petit mets, qui peut passer dans son déguisement, quand on manque de poisson ; de cette même pâte aussi, on fait des petits oiselets, tortillons, poupées & autres figures ».

Bref, on savait cuire des pâtes alimentaires depuis longtemps, même quand le mot « nouille » n’était pas présent. Ce mot vient de l’allemand « Nudel », attesté dès le milieu du 16e siècle. Mais les échaudés, eux, se faisaient déjà sur les ponts de Paris au moins au 12e siècle !

Par Hervé This

Recette de nouilles