À la veille des fêtes de Noël, quand le foie gras s’invite sur de nombreuses tables et festivités, les prises de positions de plusieurs municipalités (Strasbourg, Grenoble et Lyon) visant à interdire ce noble produit au menu de leur réception officielle, fait grand bruit et ce n’est pas fini. Le maire de Lyon appelle les restaurateurs à boycotter le foie gras sur leur carte.
Levée de boucliers, mobilisation à l’unisson, un Manifeste est signé par 16 associations professionnelles, dont deux syndicales, toutes réunies sous une même bannière pour défendre un mets désigné “Patrimoine Culturel et Gastronomique Protégé en France depuis 2006″.
Symbole d’un savoir-faire, d’un art de vivre à la française, ce mets d’excellence est à préserver. Le Manifeste dénonce « la campagne de désinformation et d’instrumentalisation de l’association extrémiste végane PETA ».
Mais surtout, s’observe une étrange dichotomie ; des élus interdisent un produit protégé par un Label qualité et portent donc préjudice aux éleveurs et producteurs, qui se sont adaptés à un cahier des charges drastiques et rigoureux.
Une loi pour protéger les labels qualité
La députée, Barbara Bellot Bassot, Présidente du Groupe d’Études France Gastronomie à l’Assemblée nationale, travaille d’ores et déjà sur une proposition de loi pour protéger toutes les certifications qualités : IGP, AOC, SIQO.
« Notre modèle de dénominations sous Signes de la Qualité et l’Origine (SIQO) rassemble 1100 appellations protégées -le nombre le plus élevé au monde après l’Italie- ce sont autant de nos producteurs qui travaillent selon des cahiers des charges exigeants, gages d’un artisanat d’excellence, que nous mettons en lumière et préservons partout en Europe et à l’international. Sans surprise, le foie gras en bénéficie pleinement, avec une IGP « Canard à Foie Gras du Sud-Ouest », de deux Labels Rouges (canard mulard et oie). Son caractère protégé fait même l’objet d’un article du code rural », conclut-elle.
« Dès lors, comment peut-on à la fois protéger et interdire un même aliment ? », interroge-t-elle. « Avec les députés membres du groupe d’études France Gastronomie de l’Assemblée nationale, nous refusons cette contradiction qui exacerbe le conflit supposé entre préservation des savoir-faire patrimoniaux et éthique, et en filigrane celui entre villes et ruralités ! Du moment que l’Etat consacre par le biais d’une appellation le caractère remarquable d’un produit gastronomique, il ne devrait pas être simultanément possible pour un organisme public de le censurer pour un quelconque motif. Aussi, dans un souci de cohérence de l’action publique, notre groupe d’étude déposera une proposition de loi en janvier visant à corriger cette situation aberrante et qu’elle ne puisse plus se reproduire. »
« Concrètement la future loi va protéger et il sera interdit de les interdire », mentionne la députée. « Nous visons à rendre illégales ces prises de positions municipales, radicales, et populistes, qui créent de la division et des tensions supplémentaires dans un contexte de crise économique et sanitaire ». Selon Barbara Bessot-Ballot, ces « mesurettes » n’agissent ni en faveur du climat ni de l’environnement. Elles sont inutiles, irresponsables et préjudiciables à la veille de Noël, temps fort de ce mets de prédilection pour le chiffre d’affaires des producteurs et des éleveurs », mentionne celle qui a été intronisée dans le Cercle des amoureux du foie gras fondé avec Marie-Pierre Pé, directrice du Comité Interprofessionnel du Foie Gras (Cifog).
Signature du Manifeste
Dès l’annonce des prises de positions municipales, qui se font fortes d’être plutôt symboliques, car il est rare de déguster du foie gras, des huîtres, du caviar ou autres produits nobles et festifs, servis lors des buffets offerts par les collectivités. Cependant, le prosélytisme du maire de Lyon adressé aux restaurateurs a poussé le “bouchon” un peu trop loin. 16 associations professionnelles ont signé un Manifeste lancé par Mathieu La Fay, Directeur Général d’Euro–Toques, rejoint par une centaine de parlementaires qui ont également pris position.
Résultat : les média ont relayé l’indignation des signataires du Manifeste et alerté l’opinion publique. Un message fort porté par un collectif peut engendrer un engagement politique. ” Nous nous associons pleinement à cette démarche. Nous invitons les signataires, individuellement et collectivement à soutenir la proposition de loi, qui sera envoyée à Jean-Baptiste Lemoyne et à Julien Denormandie” mentionne Barbara Bessot-Ballot.
Dès le mois de janvier 2022, la Commission des Affaires économiques du Sénat enverra des parlementaires sur le terrain pour constater le bien-être animal dans les exploitations du Gers, premier département producteur de foie gras traditionnel. Guillaume Gomez l’ambassadeur de la Gastronomie française, a déclaré qu’il suivra le dossier de près.
Gageons que les fêtes de fin d’année vont faire la part belle à ce mets d’exception. Mais comment en douter ? Les Français aiment le foie gras et le plébiscite. Un sondage CSA réalisé en 2018, indique que 75% n’imaginaient pas Noël ou Nouvel an sans foie gras. Et selon une enquête CIFOG / CSA récente (nov. 2021), il reste LE produit incontournable pour 8 français sur 10.
Par ailleurs de beaux concours sont dédiés ce mets, du Meilleur foie gras d’Alsace, au trophée Masse, en passant par la 17ème édition du Challenge Foie Gras 2021 des Jeunes Créateurs Culinaires organisé par le Cercle des amoureux du Foie Gras.
Par Sandrine Kauffer-Binz
Signataires du Manifeste
- Académie culinaire de France
- Académie nationale de cuisine
- Association Française des Maîtres restaurateurs
- Club gastronomique Prosper Montagné
- Les Cuisiniers de la République Française
- Les Cuisiniers de France
- Les Disciples d’Escoffier
- Euro-Toques
- GNI Groupement National des Indépendants hôtellerie & restauration
- Maîtres cuisiniers de France
- La Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France
- Association des Maîtres-Restaurateurs
- Les Toques Blanches
- Les Toques Blanches lyonnaises
- Les Toques Françaises
- L’UMIH
