“Sacré Cygne !” par Gilles Pudlowski

Cette semaine dans notre revue de presse, Gilles Pudlowski nous emmene au Cygne à Gundershoffen, restaurant deux étoiles Michelin, chez Cathy et François Paul. “Une maison star, discrète, savoureuse, au carrefour des routes de l’Alsace du Nord.”

Cette belle demeure d’angle, si discrète, son colombage soigné, ses fenêtres fleuries, est devenue une maison star sans crier gare, au carrefour des routes de l’Alsace du Nord.

Le décor intérieur n’a cessé de se rénover d’élégante façon. Il y a deux salles qui se rejoignent, l’une plus classique, l’autre plus moderne, plus un salon.

Aux commandes, la belle Annie veille avec élégance sur des clients heureux, dans cette demeure qui fut celle de ses aïeux. Les habitués ont suivi l’évolution de la maison qui a su garder une kyrielle de menus sages et des tarifs sans outrance pour une carte des vins riches en flacons éclectiques et charmeurs.

En cuisine, son mari François Paul, formé jadis chez Anthon à Obersteinbach et chez Mischler à Lembach, raconte la cuisine de son temps, mêlant le goût du jour et les voyages avec les plats de la tradition d’Alsace.

Ainsi, les jambonnettes de grenouilles sautées aux herbes jouxtent l’épaule d’agneau de sept heures avec son citron confit aux épices du Maghreb et son jus clair monté à l’huile d’olive, le rouget poêlé meunière façon tandoori avec une splendide mijotée de légumes à la grecque voisinent avec la pluma de cochon ibérique aux pignons de pins et ses pommes pailles rissolées au four.

Que des mets ciselés, peaufinés avec amour, concoctés avec des produits de qualité choisis avec science.

François séduit sans provoquer. Son style est celui du classicisme actualisé. Les mets enracinés ou ceux en vogue se rejoignent et se complètent. Les menus sont des modèles d’équilibre, les suggestions du jour viennent en contrepoint. La grosse morille farcie sur une royale de cèpes, avec son fumet mousseux au parfum de sous-bois ou les queues de langoustines croûtées au gingembre avec leur compotée de tomates cerises à la noix de coco font des instants choisis.

Parmi les trouvailles du moment, il y a ces nouilles larges, faites à la main, aux truffes et au foie gras plus sa quintessence (un simple jus, mais divin !) de boeuf bourguignon. Les idées fusent, se nourrissent des plats anciens et de l’air du temps. Le registre poissonnier est ici divinement traité, avec un régional dos de sandre à l’effeuillé d’oignons nouveaux avec sa chapelure de lard fumé, ses cannelloni croustillants à la choucroute, comme un très provençal bar sur sa barigoule d’artichauts avec sa poêlée d’encornets, son fumet réduit au vinaigre d’estragon qui font des mets légers comme une plume, libres comme l’air.

La cave est riche en vins de toutes sortes, sélectionnés dans les millésimes “plus plus” charmeurs, mais tarifés sans outrance (ah, le riesling Jubilée d’Hugel à 50 €, ah, le chambolle musigny de Patrice Ryon en 2002 à 80 € !).

Les splendides desserts (pêche Melba à la mode d’aujourd’hui ou fraîcheur de fraise, melon et pastèque avec streussel aux pistaches, sorbet litchies, plus coulis de fraises et crème mascarpone mousseuse au kirsch) donnent envie d’avoir ici son rond de serviette.

Ne manquent pas au Paul ce qu’on trouve chez Marc Haeberlin, par exemple, et chez le maestro Mischler, avec qui se forma François : la gentillesse affable, le naturel. Bref tout pour plaire.

Gilles Pudlowski

Article publié dans le Reflet des Dernières Nouvelles d’Alsace, Edition n°285 du 13.3.2010 au 19.3.2010

www.aucygne.fr