« Et tout pour la tripe ! », se serait à nouveau écrié là maître Rabelais, héros d’un jeune chef nourri de son gourmand « Gargantua ». Avec son tout nouveau « Chez Gaster » rue Colbert à Tours (37) , Robin Pasquier fait recette avec des plats qui nous vont droit… à l’estomac. Gastrolâtres, ne pas s’abstenir.
Gaster ou l’estomac personnifié, sous la plume de François Rabelais.
« Ma mère était instit’ et m’a très tôt mis le nez dans ses livres. J’ai commencé à lire avec Gargantua et Pantagruel. Sa vision de la nourriture m’amusait beaucoup. Depuis, c’est resté mon livre de chevet », raconte Robin Pasquier qui, rue Colbert, vient d’allumer ses fourneaux dans un de ses plus beaux logis médiévaux… qu’aurait pu connaître le gourmand festoyeur de mots de la Renaissance.
A tout juste un quart de siècle, le disciple de Rabelais met les bouchées doubles pour se faire un nom au sein d’une Touraine, où il a suivi la traditionnelle filière de l’école hôtelière Albert-Bayet et du CFA de Tours-Nord, avant de faire ses classes à Saint-Barth et Paname, chez un autre Tourangeau, l’illustre Akram Benallal.
Le voilà donc à nouveau chez lui… et chez Gaster pour faire valoir une « cuisine de tradition » allant à l’essentiel, avec une courte carte sublimant des « produits toujours vrais et souvent bio », dont il connaît l’origine pour la plupart, qu’il s’agisse de ses tomates à l’ancienne, de son lieu jaune de ligne ou de son cochon Roi Rose, sublimés dans leur accompagnement.
Telles ces noix de saint-jacques travaillées en carpaccio avec de fines lamelles de radis greenmeate et quelques gouttes d’un vinaigre japonais à base d’agrumes et de bonite fumé : du fondant, du croquant et du goût.
Désireux de réhabilter la viande de cheval et les abats, le maître-queux entend aussi rappeler que dans le cochon, tout est bon, son croustillant de pied et son pressé d’oreilles étant des plus convaincants. Comme l’est aussi son croustilfondant de tête de veau, derrière lequel « y’a du boulot » !
« Je fais cuire la tête entière six heures dans du bouillon, puis je la désosse en gardant la langue et les cervelles, que je sers pochées, et je rassemble divers morceaux dans un torchon que je ficelle et que je laisse prendre une nuit. Le lendemain, je n’ai plus qu’à trancher puis à poêler dans un beurre noisette. Vous aurez du croustillant à l’extérieur et toutes les textures fondantes de la tête à l’intérieur. » Servi avec une ravigote, des pommes sautées et des épinards, voilà un plat dont Rabelais aurait dit qu’il est « à s’en pourlécher les badigoinces ».
Jusqu’aux desserts, eux aussi fameux. Diplômé en pâtisserie, messire Robin prend en effet plaisir à s’exprimer dans la pâte et le fruit, de sablé au citron en poire pochée au chocolat. Plaisir aussi à débusquer çà et là « l’eau bénite de cave ». Car rayon « dives bouteilles », l’ardoise en dit long : pas moins d’une cinquantaine de cuvées, triées sur le palais, et d’une dizaine de régions, dès 22 €, le remarquable vouvray extra-brut du Château Gaudrelle méritant d’ouvrir le bal.
Bulles et mandibules, côté prix, en effet, on y va là piano, surtout le midi, avec un menu trois plats qui, à 18 €, se révèle l’un des meilleurs rapports plaisir/prix de la ville, genre : velouté de légumes d’automne, gigot d’agneau rôti au cumin et pommes rôties au caramel salé et à la crème fermière.
Courte carte (dix plats), brigade basique (deux en cuisine, deux en salle) et autant de motivation que de talent : on aura compris qu’on est là bonne enseigne et que messire Gaster aurait fait de gastronomiques abus.
Autant en emporte le ventre…
Par Jean-Luc Péchinot
Photos© Jean-Luc Péchinot
Chez Gaster.
27, rue Colbert
37000 Tours
07 86 80 45 51
Voir la recette Sablé Viennois au citron et meringue italienne