Le Casse Cailloux (1 Bib Gourmand, 1 toque Gault&Millau) a ouvert en 2009, dans un quartier plutôt excentré, le quartier des Prébemdes, à Tours. Depuis son ouverture en 2009, ce bistrot gourmand d’une vingtaine de couverts ouvert les midis quatre jours par semaine, ne désemplit pas. Une adresse sympathique et conviviale où se mêle mixte de chefs d’entreprises, de habitants du quartier mais aussi de touristes, heureux de trouver une table gastronomique à deux pas de chez eux, et finalement à l’abri de l’effervescence du centre ville. Rencontre avec le chef Hervé Chardonneau, qui nous parle de ce lieu atypique, mais aussi de son parcours, de ses rencontres, et surtout de sa cuisine, avec au cœur le bon produit.
J’ai perdu mon père très tôt. Il était tailleur de pierre, d’où le nom du restaurant le Casse Cailloux. Le seul moyen d’aider ma mère à ce moment là c’est de m’acquitter des tâches ménagères et donc de faire la cuisine. C’est à ce moment là que j’ai eu le coup de foudre.
Ensuite vous quittez Paris, direction le Sud..
Je pars d’abord en Lycée hôtelier à Blois. Puis je monte à Paris, à Senlis dans un petit établissement, puis en 1993 j’arrive au Méridien Montparnasse, un hôtel restaurant de 900 chambres et 800 employés, le grand écart… Il y avait de quoi perdre la tête ! Mais ç’est une formidable expérience. Puis je passe au restaurant gastronomique Le Montparnasse 25, 1 macaron au Michelin.Dans le Sud, je reste 6 mois chez Renz Samut à La Feunière, 1* en tant que chef de partie aux poissons. La rupture est un peu brutale donc pas facile à assumer. Après quelques CV envoyés, nous revenons en Touraine, et là je signe un contrat chez Jean Bardet.
Cette expérience avec Jean Bardet à été très importante pour vous, pourquoi ?
La période d’acclimatation est tendue: je suis jeune, il faut apprivoiser le personnage et le système Jean Bardet. Mais en tant que chef et humainement ça a été extraordinaire. J’y ai appris la liberté et l’idée que l’important c’est de cuisiner d’après son ressenti. Au début, je démarre au poisson avec des expériences déroutantes. Je me souviens d’un mariage entre des gésiers de canard et du homard, avec une sauce très riche, très marqué à base de vin rouge épicé, d’orange et de basilic. Pour moi, sur le papier cela paraissait improbable et pourtant le résultat était magnifique.
A l’époque j’ai 23 ans, la transmission est énorme. Je n’avais pas un parcours de grande maison et je n’avais pas non plus le profil pour cela ; je ne voulais pas sacrifier ma vie personnelle pour cela. Jean Bardet avait déjà ses deux étoiles, et dans la brigade il n’y avait que des parcours étoilés… Au bout d’un an j’ai choisi de partir, bien qu’en étant le plus ancien, j’aurais pu rester. Mais j’avais déjà des contraintes familiales. Aujourd’hui j’en garde d’excellents souvenirs, c’était vraiment des moments géniaux. Avec Jean Bardet on pouvait partir d’une discussion sur les épices et finalement finir par parler de géopolitique, il avait une culture phénoménale, c’était un homme passionnant. Quand j’ai quitté l’établissement il m’a glissé un mot de recommandation à l’ensemble de ses collègues, félicitant mon implication.
Ensuite vous enchaîner quelques expériences plus ou moins longues et pas toutes positives, puis vous arrivez à l’Atlantide chez Jean-Yves Guého…
Jean-Yves Guého venait de reprendre l’Atlantide (2*, Nantes) depuis deux ans. Et là quand j’arrive, je prend le poste de second de cuisine et les clés du camion… Liberté totale, j’achetait ce que je voulais, le mot d’ordre : « la qualité et le beau ». J’y suis resté 4 ans. Et pendant cette période l’idée germe d’ouvrir mon propre établissement. En 2003, un ami du lycée hôtelier, me contacte, avec l’envie de créer quelque chose.
Lorsque vous revenez sur Tours, vous créez Les Linottes
En 2003, je créé Les Linottes avec ce copain. On voulait une cuisine de produits, simple sans fioritures. Au bout d’un an, Anthony Thayalan nous rejoint et puis c’est au tour de Shimozuka Daï (Les Enfants Rouges, Paris) de rejoindre l’équipe. A chaque fois on passe un cap. On faisait un peu de tout : on pouvait manger de la tête de veau comme de la tempura de Gambas. Il n’y avait pas limites sauf le mauvais goût ! On avait aussi une cheminée qu’on a exploité en faisant de la rôtisserie au feu de bois. .
La même dynamique qu’aux Linottes, une cuisine simple, des produits frais et de saison. Il a fallu du temps pour trouver les bons fournisseurs, et aussi le bon compromis entre le bon produit, l’espace, réduit, et le temps.
C’est quoi la définition d’un « bon produit »?
C’est le produit de saison, qui arrive à pleine maturité lorsqu’on l’achète. Et ça marche pour tout. Pour la viande aussi, c’est aussi accepter pour avoir de la qualité de prendre parfois autre chose que de la viande locale, sachant qu’il y a parfois des contraintes économiques, qualitatives : par exemple l’agneau de Touraine est abattu dans le 62…On ne peut pas faire du loco local toute l’année, surtout en restauration. Il y a aussi des incohérences lorsque vous trouvez de la viande en provenance de la Nouvelle-Zélande qui est cinq fois moins chère que celle en local… Pour ma part quand cela reste dans la limite de nos frontières je prends, pour respecter notamment l’empreinte carbone.
Justement quel est votre positionnement par rapport à ces questions : empreinte carbone, développement durable… ?
Par principe dans ma cuisine, je ne jette rien. Je garde même mes queues d’herbes, dans les sauces, les bouillons… Mais c’est un principe intergénérationnel, aucun chef ne jette… Ma démarche aujourd’hui elle se concrétise sur les portions, choisir la qualité plutôt que la quantité. De même pour la provenance des légumes, on choisit des producteurs de proximité et on travaille avec ce qu’ils nous proposent. Ce qui implique aussi d’avoir un message adapté face aux clients.
Il y a des plats qui me sont demandés depuis le début par les clients. Par exemple le bœuf grillé, est très demandé par ma clientèle qui en général le midi est pressée. En ce moment il y a le Lièvre à la Royale, à la méthode du sénateur Couteaux, et puis les Saint Jacques, sautées avec une crème au lard et pommes de terres écrasées au beurre demi sel fumé. On a également une fraise de veau, pochée servie avec un bouillon en émulsion vinaigrée et une salade de champignons de paris crus à la crème.
Il y a des chefs qui vous inspirent ?
J’aime beaucoup Yves Candeborde, (Le Comptoir du Relais, Paris 5e)qui est devenu un copain depuis. Lorsque j’étais sur Paris, c’est là qu’on allait s’encanailler avec la brigade du restaurant… C’est traditionnel, c’est franc, décomplexé, et en même temps c’est bon. A chaque fois ça le fait, notamment sa joue de bœuf braisée, pommes de terre purée, renversante. Humainement c’est homme extraordinaire. En général j’aime les chefs qui font une cuisine personnelle…
Et en Touraine ?
J’ai un faible pour Jacky Dallais, question de génération. Quelque soit l’endroit de France, on parle de lui. Il est connu de toute la profession, Bernard Paccaud (3*, L’Ambroisie, Paris) également à Paris. Mais dans d’autres styles, j’aime beaucoup Olivier Arlot, Rémy Giraud (2* Domaine des Hauts de Loire, Onzain). Et puis chez des copains, Thomas Legendre au Coin de Table, Julien Perrodin au Barju….
Par Dominique Postel
Crédits photos : Dominique Postel, DR
un article publié en juin 2015
Le Casse Cailloux
Bistrot gourmand
26 rue Jehan Fouquet
37000 TOURS
0247616064
http://www.casse-cailloux.fr