On les retrouve dans chaque assiette, légumes oubliés, mini légumes, la plupart du temps de saison ou même parfois exotiques, les légumes ne sont plus simplement l’accompagnement du plat, ils constituent de plus en plus le plat principal. Certains chefs en ont fait un concept, d’autres se les approprient suivant ainsi la mode de la naturalité. D’autres encore, y puisent l’inspiration pour mettre au centre de leur carte une cuisine plus saine, plus proche du produit et toujours savoureuse. Décryptage de cette nouvelle cuisine végétale avec Rémy Giraud, chef doublement étoilé du Domaine des Hauts de Loire.
C’est un ensemble.Un exemple : dans les années 30/40 la viande était plutôt rare sur la table. On mangeait donc plus de légumes, et parfois les mêmes toute l’année comme les pommes de terre ou le Topinanbourg, qui était le légume de base dans toutes les cuisines. En 2016, ce type de légume est de nouveau à la mode parce qu’on revient à ce qu’on appelle le jardin d’antan, les légumes oubliés… On revient aussi aux produits à tendance « écolo », qui séduit la jeune génération. Mais il y a aussi une donnée économique qui joue beaucoup, le phénomène des circuits courts, du locavore, qui tend à réduire les écarts du rapport qualité-prix des produits. Et puis certains chefs en font une mode, créent des concepts comme le jardin potager d’Alain Passard, ou le concept de naturalité d’Alain Ducasse. Mais l’ensemble répond quand même à des exigences économiques et de santé également, poussées aussi par des lobbying.
On recherche aussi de plus en plus à mettre en avant la saveur unique et l’aspect esthétique du légume…
Le légume c’est vrai est mis en avant de manière plus créative. Avant on mettait les mêmes garnitures de légumes pour tous les plats. Il n’y avait pas forcément de recherche de garniture en fonction du plat. Dans ma cuisine, par exemple, chaque garniture correspond à un plat en particulier. De nouvelles formes et qualités de légumes sont aussi apparues, comme les mini légumes qui permettent une créativité plus grande dans la composition de l’assiette. C’est un peu plus coûteux, mais c’est toujours très beau et bon. Je pense que les légumes sont un formidable terrain de jeu, de créativité et d’inspiration. A partir des légumes on peut créer des associations complètement inattendues et surprenantes.
La qualité même des légumes a t-elle évoluée ?
D’une manière générale oui. D’autant qu’on travaille de plus en plus en direct avec les producteurs, ce qui permet de vérifier constamment la qualité des produits. On travaille encore bien sûr avec Rungis, quand on ne peut pas faire autrement, mais ici nos fournisseurs sont tous locaux.On sait comment ils travaillent la terre, et l’exigence qu’ils ont de fournir des légumes de très bonne qualité.
Il suffit souvent d’une simple visite sur le site de production pour rapidement savoir ou vous mettez les pieds, ensuite tout est une question de confiance…
Oui, nous avons un grand potager dans lequel nous cultivons surtout les fraises, poireaux, tomates, salades et les herbes aromatiques. Nous avons aussi quelques arbres fruitiers. Pour les fleurs nous possédons quelques variétés que nous utilisons pour embellir l’assiette. C’est important parce qu’une assiette peut être simplement très bonne, en s’en souviendra, mais si en plus elle est jolie, c’est encore mieux. Parfois aussi, la fleur apporte un goût, une saveur complémentaire au plat. Par exemple lorsqu’on prépare la salade d’anguille, on ajoute des fleurs de Capucine qui donne une jolie couleur et apporte une note poivrée naturelle, sans pour autant casser le goût général du plat.
Dans votre cuisine quels sont les légumes que vous aimez particulièrement travailler ?
La pomme de terre je pense, car elle se prête à de nombreuses interprétations et le champignon qui est un légume fétiche chez moi. Et puis bien sûr l’asperge, qu’on attend chaque année avec impatience. Mais il s’agit aussi de répondre à un besoin du corps. Lorsqu’on a passé tout l’hiver à manger des légumes racines ou des féculents, au Printemps par exemple, on a besoin de légèreté. Tous mes légumes sont cuits de manière séparée pour préserver à la fois la couleur et le goût pur de chacun. Au final sur notre carte, nous proposons un accompagnement de légume différent selon les plats, et également un menu entièrement végétarien. En cuisine, le poste Légumes représente le travail de deux cuisinier, c’est dire la place qu’ils tiennent dans la construction de la carte.
Et qu’en est il de l’accord avec les vins ? Peut-on tout boire avec les légumes. ?
Il n’y a pas de règle d’accord particulier mais on peut se référer à la texture des légumes pour y associer un vin. Par exemple, les Chardonnay les Sauvignons, sont des vins qui se prêtent très bien pour les légumes verts et de Printemps. Légers en bouche, ils ne couvrent pas le croquant et la fraîcheur des légumes. Avec les asperges on va plutôt aller vers les vins d’Alsace. Mais un Sauvignon va également réveiller le palais. Dans les Vins de Loire, on a des vins légers qui font très bien l’affaire. En revanche pour les féculents, on va plutôt choisir des vins tanniques comme les Bourgueil par exemple, alors que pour des desserts moins conventionnels comme ceux à base de Betterave on pourra choisir un vin plus sucré.
Dominique Postel
Crédits photos : Rémy Giraud, Domaine des Hauts de Loire
Domaine des Hauts de Loire
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Quelques trucs du chef Remy Giraud
Les cuire à court mouillement avec une noisette de beurre, eau, sel et une pointe de sucre. On les recouvre d’une feuille de papier sulfurisé avec un trou au milieu et on les faire cuire vivement et surtout séparément. Pourquoi un papier sulfurisé ? Car le couvercle assèche la vapeur et ternit la couleur des légumes ; avec le papier sulfurisé la vapeur est maintenue entre le papier et le fond de la casserole. Si l’on peut, utiliser une casserole pour chaque légume, ou essayer de coupler les légumes qui vont ensemble par exemple : derrière un navet on peut cuire un poireau, derrière des asperges on pourra cuire des carottes. Pour les légumes verts, on les cuits seuls. On rassemble tous les légumes dans une cocotte bien chaude. On rassemble tous les jus de cuisson qu’on faire réduire au trois quart, et on l’émulsionne au mixer avec une noisette de beurre. On rajoute quelques herbes fraîches, cerfeuil, persil.On verse ce bouillon sur les légumes, et on sert.
La Betterave et le café
La Betterave par exemple est très intéressante à cuisiner en dessert pour son côté sucré. Je l’associe d’ailleurs avec le café dans un dessert composé comme un entremet : entremet betteraves avec un sablé aux noisettes grillées, gelée avec vinaigre balsamique, jus de betterave et arôme café.Souvent la betterave on la cuit au four, et elle prend un goût torréfié, grillé et en termes de couleur et de textures c’est un légume parfait qui joue à la fois comme une entrée salée ou sucrée.
Pour les asperges
Surtout bien sûr bien les éplucher. Les cuire à plat dans le fond d’une casserole à court mouillement à feu vif, avec une noisette de beurre, une pincée de sucre et de sel. Temps de cuisson 5 à 10 min maximum. Les asperges sont justes croquantes, ne gardent pas l’eau mais toute leur saveur. On peut garder une partie des asperges avec l’eau de cuisson, on rajoute du vinaigre de Xerès, de l’huile d’olive, une pointe de Cerfeuil, le tout au mixeur. On peut servir cette vinaigrette sur une escalope de foie gras avec quelques gouttes d’huile d’orange.
Par Dominique Postel
Crédits Photos : Domaine des Hauts de Loire
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