L’hypocras ? C’est une boisson à base de vin, sucrée et aromatisée aux épices. Le dictionnaire de l’Académie française évoque notamment la cannelle, mais les sources médiévales signalent systématiquement le gingembre. Quant à l’édulcoration, elle se faisait soit au sucre, soit au miel.
On buvait ce type de boisson depuis longtemps: Pline l’Ancien signale du vin épicé dans la Rome antique, et l’hypocras est également signalé par la livre De Re Coquinaria, signé d’Apicius, mais qui fut composé sur une période de quatre siècles. Puis, au Moyen Age, l’hypocras était un vin additionné de miel, avec épices et aromates. Au 12e siècle, un vin épicé nommé « pimen » (ou « piment ») est cité par Chrétien de Troyes, et Montpellier se fait connaître pour le commerce de vins épicés avec l’Angleterre. C’est un apéritif ou un digestif, souvent prescrit par les médecins pour faire digérer. Le sucre est alors considéré comme un médicament et, au Moyen Âge, le miel est réservé au peuple. L’hypocras était servi dans la plupart des banquets.
Puis viennent les livres de cuisine en français : le Ménagier de Paris contient des recettes de vin épicé, ainsi que plusieurs versions d’hypocras dont certaines sont appelées « clairets » ou « clarets ».
Evidemment la cuisine s’empare de la boisson.
En 1651, Pierre François La Varenne donne une recette de potage de sarcelles à l’hypocras : on prend des sarcelles, on les pique de lard, on les fait sauter, puis on les « empote » ; quand elles sont cuites, on ajoute du sucre et des « brugnolles ». Etrange recette à double titre.
Que sont les brugnolles, tout d’abord ?
Je n’ai trouvé cela que dans un livre du créateur du Potager du roi, à Versailles, Jean-Baptiste La Quintinie : il nomme ainsi des prunes. Mais l’hypocras qui figure dans le titre et pas dans la recette ? Faut-il supposer qu’il est le liquide qui fait le potage où cuisent les sarcelles ?
Une recette de pâté d’alouettes pourrait faire penser que non : dans cette recette, les alouettes sont cuites dans une sauce, mais La Varenne écrit « vous y pouvez mettre du sucre en façon d’hypocras », ce qui fait penser que le liquide sucré et épicé suffirait à faire. En revanche, trois ans plus tard, Nicolas de Bonnefons est plus précisé, puisqu’il écrit : « Pour un potage à l’hypocras, quand le canard sera à demi-cuit dans de bon bouillon, vous le remplirez avec du vin, du sucre, du clou de girofle & un morceau de cannelle. Si vous voulez le garnir beaucoup, vous pourrez mettre cuire des raisins de Damas, de Corinthe, des brignoles & des pruneaux de Tours ; au lieu de tout le pain, tranché ou mitonné, mettez-y moitié de biscuit ou de pain d’épices &, en servant, vous le poudrerez de sucre par-dessus. ». Là, on vient qu’il y a effectivement du vin, du sucre et des épices, tandis que les brugnolles sont devenues des brignoles, qui sont rapprochées de pruneaux. Le même Bonnefons donne d’ailleurs, également, du saumon à l’hypocras, en faisant rôtir du saumon (beurré et piqué de clous de girofle), avant de les accompagner d’une sauce à l’hypocras.
Une recette d’hypocras, pour terminer ?
Voici celle de Bonnefons : dans du vin, on met autant de sucres que de vin, avec de la cannelle ; on chauffe doucement et on passe pour clarifier. On peut ajouter des amandes, du gingembre, poivre, girofle, coriandre, anis, fenouil.
Hervé This