Dans un billet précédent, j’ai expliqué que la différence entre une mousse de poisson et une mousseline de poisson tient à ce que les mousseline sont des farces qui sont cuites dans des mousselines, tout comme de terrines sont cuites dans des récipients en terre nommés terrine. On sait bien qu’il n’existe pas d’ « étamine de poisson », mais quand même, on a le sentiment que l’étamine est un linge, tout comme la mousseline. Quelle est la différence entre les deux ?
Étamine est un mot qui apparaît en français dès le 12e siècle ; il vient du latin médiéval staminea, qui désignait les « chemises en laine portées par les moines » ; le mot vient de l’adjectif stamineus, « garni de fils », dérivé du latin stamen, « fil ». D’ailleurs, dans les fleurs, il y a les pistils et les étamines, ces dernières étant comme des fils.
Pour les textiles, qui nous intéressent, le mot « étamine » désignait initialement des tissus peu serrés, faits de crin, de soie ou de fil, qui servaient de tamis pour cribler, bluter ou filtrer. Par extension on a désigné de ce mot toute pièce d’étoffe servant à passer des liqueurs pour les filtrer. Puis le mot a désigné des tissus minces et aérés, de coton ou de laine. Puis il s’est agi d’un canevas en lin ou en coton servant à faire de la tapisserie. Mais, dans les cuisines, le mot a dérivé : d’abord, l’étamine était mise pour tapisser un chinois, avant que certains chinois ne soient nommés « chinois étamine », puis étamine. Est-ce impropre ? Au fond, ces chinois ont des fils… de fer.
Et mousseline ? Le mot est quasi contemporain : il est apparu au 13e siècle,mosulin, emprunté de l’italien mosolino, ce qui signifiait « tissu fabriqué à Mossoul » (Irak). Le mot désigne une toile de coton très fine, légère et transparente. Et c’est ainsi que, dans les Dons de Comus, il est dit de cuire une farce de poisson en mousseline. Puis, plus tard, on s’est mis à parler métaphoriquement de brioche mousseline, de crème mousseline, de sauce mousseline, de gâteau mousseline, quand la consistance était légère, aérée. Et on n’oublie pas ce délice qu’est le fontainebleau, où un mélange de crèmes foisonnées est présenté dans une mousseline.
Par Hervé This